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Nouvelles : N'oublie pas le chocolat
Publié par chenad le 29-12-2012 07:52:24 ( 1319 lectures ) Articles du même auteur
Nouvelles



Mon SMS était insistant : «Surtout n’oublie pas le chocolat. ». Je m’apprêtais à l’accueillir à La Havane, dans la nuit chaude et étoilée de ce mois d’avril qui s’achevait en douceur. Une fois célébré le 1er mai en grandes pompes, sur la Place de la Révolution, avec l’ami Fidel, le tour de l’ile fut vite expédié. Après qu’un bouquiniste de la Plazza de las Armas nous eut cédé une carte retraçant le parcours victorieux du Che Guevara, en 1958, nous l’empruntâmes à notre tour mais dans le sens inverse, de la capitale à notre destination finale: la mythique Sierra Maestra.

Avant la Baie des Cochons, nous fîmes escale à Jaguey Grande pour un petit weekend « caliente » avec des métis athlétiques, trop heureux de faire les coqs devant deux Gringa délurées. On s’en fichait un peu de ces mecs, ce qui comptait c’était le soleil, la playa, le mojito et la salsa. La touche sexe, c’était juste une petite parenthèse dans ce tourbillon de folie. Histoire de ne pas mourir idiote et d’avoir quelque chose à raconter aux copines en rentrant: « C’est le pire coup de ma vie », lâchât Isabelle, installée à l’arrière de la Vitara. A ses côtés, hilare, le beau gosse rencontré dans une disco branchée deux jours auparavant, ne se départit pas de son grand sourire. Membre de l’équipe locale de basket il se la jouait Michael Jordan….

Notre arrivée à la Calle 47, dans le quartier où vécut le Che Guevara durant son mandat de ministre, ne passa pas inaperçue. Une minute ou deux à peine s’écoulèrent et soudain une femme d’un certain âge, le visage fermé, apparut sur le pas de la porte. C’était sa veuve que je connaissais de longue date. A notre vue, elle se dérida.

- Holà, bonjour et bienvenue à Cuba.

- Bonjour Aleida, je vous présente mon amie Isabelle. Elle a un cadeau pour vous. Du chocolat suisse.

- Ah, merci. Tu sais que je ne peux pas y résister. Vous prendrez bien un café. Vous serez toujours les bienvenues dans la maison du Che.

« Dimanche, à La Havane, si tu aimes la Rumba, vas t’en au Callejon de Hamel ». Cette rue est peinte de la tête aux pieds, de long en large par un artiste un peu allumé, qui pratique assidument la santeria, la religion nationale. Ici, chaque fin de semaine, tout ce que Cuba compte de musiciens de style afro cubain, vient se défouler dans un mix endiablé. Les touristes se bousculent, s’extasient, balancent sur les sons ensorceleurs et les pickpockets se régalent.

En face de moi, Isabelle était tout sourire. Elle avait vraiment l’air d’apprécier cet endroit insolite. Sa longue chevelure blonde attisait les convoitises des Cubains. A l’ombre d’un palmier, j’étais occupée à refaire le monde avec un anticastriste anonyme. Mon compañero faisait le service de rhum. Il ne lésinait pas sur la quantité.

Lui, je ne l’ai pas vu venir : le grand rasta, derrière ses bésicles de soleil. Il avait du Bob Marley en lui. Il est tombé sur Isabelle comme un aigle sur sa proie. Le sourire carnassier, l’œil sombre. J’aurais dû m’en méfier. Mais bon, c’était la fête, l’ambiance, le dernier jour. Plus rien à faire de Cuba. Alors hein ? Viva la revolucion….

- Eh Baby, tu as de beaux yeux.

La première banderille était posée.

- Ah oui, holà, roucoule Isabelle. Sous le charme de ce bel homme.

Elle se tourna vers moi :

- Je te présente Rodriguo, il est artiste peintre.

- Salut, enchantée. Superbe ton look. C’est tendance sur l’ile en ce moment.

C’est vrai qu’il était magnifique : un clone de Yannick Noah si on peut résumer ainsi ce sculptural cubain.

- Bon, si vous voulez, on se voit plus tard sur le Malecon pour faire la fête.

Sur le byci taxi qui nous amena au Centro, Isabelle me tendit sa main

- Il m’a donné une bague. Tu te rends compte. Il m’a offert l’alliance de sa mère. Elle a été tuée dans l’explosion d’une mine avec son père en mission en Angola quand il n’avait que 12 ans.

Trois heures plus tard, la rencontre ne fut pas tel que je l’avais imaginée. Le beau Rodriguo se pointa avec un acolyte. Rien à voir avec le groupe d’amis sympathiques croisé dans l’après midi.

- Ah non, je ne marche pas dans votre combine. On avait convenu d’une bouteille de rhum au Malecon, pas d’un plan cul. En plus, il ne me plait pas du tout ton copain.

Comment ce mec avait pu imaginer que j’allais me coltiner cet épouvantail pendant qu’il flirtait avec Isabelle ?

- Excuse-moi, balbutia Rodriguo, déstabilisé. Je ne savais pas. Je… Il y a une fête dans notre quartier, entre Cubains, rastas. Je n’ai pas osé vous le proposer. C’est un barrio...Enfin. Aucun blanc n’y vient jamais et surtout pas des femmes.

- C’est ce qu’on va voir. Alors allons-y en taxi retrouver tes amis.

L'endroit était glauque, sombre et nauséabond. A ce moment, je ne me sentis pas en danger, mais en colère.. Je n’étais pas sur mon territoire. Soudain, mon instinct de survie se mit en éveil.

- Moi je me casse. Suis-moi si tu veux. Mais rends-lui sa bague et qu’on en parle plus.

Isabelle s’exécuta presque à contre cœur. Elle m’emboita le pas sans broncher. La vue de la Calle Obispo me fit un bien fou.

- Allons boire un dernier mojito pour la route, au café de Paris. C’est moi qui t’invite, me lança ma copine, visiblement décontenancée par la tournure des événements.

Le temps qu’Isabelle s’absente pour aller se rafraichir, une ombre surgit de la rue dans mon dos. Zut, le Rasta. Il était seul.

- Je te demande pardon, me lâche Rodriguo. C’est de ma faute.

- Débrouille-toi. Moi je ne veux plus rien savoir de toi.

Isabelle écarquilla les yeux en découvrant son ami assis à notre table. Il se répandit en excuses.

- Regarde, le pauvre. Il pleure.

Bonne pate, elle le consola. Il mit sa tête sur son épaule. Oui, le crack, le beau gosse. Il faisait le bébé tout à coup, C’était pathétique.

- Puis-je vous accompagner dans votre quartier. Il n’est que minuit. On peut boire un verre au Copelia ?

Lundi matin, les bagages faits, nous partîmes à pied au Capitole pour le rejoindre. La veille, il avait insisté pour nous faire visiter le centre ville. Il était là, bien sapé, rasé de près, un sourire lumineux. Son regard pétillait. Rodriguo nous conduisit dans la Calle Buenos Aires, chez sa tante.

- Tia, je te présente la mère de mes futurs enfants.

Son baiser fut furtif, Isabelle rosit. Deux heures plus tard, notre taxi nous emmena à l’aéroport. Rodriguo glissa un mot dans le creux de son oreille. Troublée, elle recula avant de s’engouffrer dans le véhicule. J’en fis de même. Sur le trottoir, l’artiste nous fit un signe de la main. A mes côtés, Isabelle, pensive, ne pouvait lâcher son regard de sa main. A son annulaire, l’alliance de la mère de Rodriguo resplendissait.

Durant les mois qui suivirent, Isabelle nourrit son rêve à coup de téléphones et de courriers électroniques. Son Don Juan l’a mena en bateau avec beaucoup de tact et de conviction. En l’espace de trois ans, elle le vit, en tout et pour tout, trois petites semaines, à Cuba et en Australie où il était soit disant allé chercher fortune pour construire leur nouvelle vie de famille. Elle n’y vit que du feu.

En fait, avant sa rencontre avec Isabelle, Rodriguo était déjà marié à une Australienne. Et il n’eut certainement jamais l’intention de l’épouser ni de lui faire des enfants. Elle, fleur bleue, y crut jusqu’au bout. Elle résilia son bail, entreposa ses meubles, présenta son congé à son boss. Libre comme l’air ou SDF, c’est selon. Elle vint poser ses valises chez moi en attendant un hypothétique appel de Canberra.

Finalement c’est dans ma boite de réception que le mail arriva pour lui asséner le coup de grâce : « Dis à Isabelle de ne pas venir en Australie, j’ai des graves problèmes, drogue, trafic, holdup à main armée, prison. Je l’aime, mais qu’elle refasse sa vie et qu’elle soit heureuse». Elle est bien bonne la blague. Le grand, l’immense amour de sa vie s’évaporait dans la nature. Il me restait à lui annoncer la nouvelle. Sur le moment, elle demeura de marbre. Dans le déni. Trop amoureuse. Puis les étoiles au fond de son regard commencèrent à pâlir et les larmes perlèrent.

Six mois ont passé. Isabelle qui a fêté ses 43 ans, vit chez sa mère. Elle a retrouvé un job et met de l’argent de côté pour partir en… Australie.

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Auteur Commentaire en débat
Loriane
Posté le: 30-12-2012 21:51  Mis à jour: 30-12-2012 21:51
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: N'oublie pas le chocolat
J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ton " histoire de filles"
Et Oui parfois les femmes sont d'une naïveté inouïe et dans ces pays des caraïbes les hommes sont presque toujours d'une sacrée rouerie.
Ton écriture est agréable, claire et vivante, c'est un récit sympa.

Sois la bienvenue parmi nous et je te souhaite de faire sur L'ORée une bonne route.
Tu peux aller te présenter dans "qui je suis" et faire le tour des divers ateliers et forums.
Si tu as besoin de renseignements n'hésites à utiliser la messagerie privée.
Merci de ton arrivée.
A bientôt
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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