I ère partie
Chapitre I : Trépas




Le premier mars 1998 fut un jour très difficile dans la vie de Marco, son père Jacques mourut dans un accident de voiture, pour un enfant de dix ans ce type de nouvelle était un traumatisme. Un chauffard qui avait fumé un joint avait grillé le feu rouge qui lui interdisait de passer, et s’était engagé à toute vitesse dans une rue qu’il devait normalement éviter, à cause du sens interdit qui s’y trouvait. Jacques qui était en train de sortir d’une place de stationnement, avait vu l’inconscient qui déboulait à toute allure. Il avait tenté de se ranger pour le laisser passer, mais il n’avait pas été assez rapide, il n’avait pas pu éviter une collision très violente, en plus il n’avait pas mis sa ceinture.

Résultat Jacques était mort sur le coup, tandis que Marcel le drogué, s’en était tiré, il n’avait pas eu l’étourderie de négliger le port de la ceinture, et sa tête avait été protégé par un airbag de qualité. Grâce à un bon avocat Marcel ne fut condamné qu’à deux ans de prison ferme. Les employés de Gripama en se basant sur l’absence du port de la ceinture de Jacques, réduisirent de moitié le versement de la prime d’assurance-vie à son épouse Laure.

La radinerie de Gripama et le fait que l’assassin de Jacques, soit condamné à une peine de prison légère mirent dans une colère noire Laure et Marco. Malgré son chagrin, l’enfant ne sombra pas dans l’apathie, par amour pour sa mère Laure, qui avait clairement besoin d’un soutien puissant. Surtout que Laure venait d’essuyer une série de malheurs, qui la rendait vulnérable, ses deux parents venaient de périr simultanément à cause de l’incendie de leur maison, deux mois avant la mort de Jacques. Le frère de Laure, avait été terrassé une semaine après la mort de leurs parents par une méningite, cette personne avait initié la femme de Jacques au cannibalisme.

Elle avait subi un licenciement économique et, cherchait sans succès depuis six mois un travail, les réponses négatives qu’elle avait reçu la déprimait. Laure avait perdu il y avait cinq mois un enfant lors d’un accouchement, elle avait failli mourir elle aussi. De plus elle avait subi des séquelles, notamment la perte de sa capacité à enfanter. Il y avait trois mois on lui annonçait qu’elle souffrait d’un cancer du sein, pour vivre quelques années de plus, elle avait dû subir une ablation qui avait généré chez elle un complexe. En outre le traitement médical pour sa maladie avait des effets secondaires lourds. Laure ressentait continuellement une forte fatigue, souffrait d’ulcères buccaux, avait perdu tous ses cheveux etc.

D’autres problèmes de santé étaient apparus après l’annonce du cancer, notamment du diabète, ce qui était franchement gênant pour une gourmande qui adorait manger des gâteaux. Baudelaire le chat de la maison avait été tué par un chien, deux jours avant le trépas de Jacques. La banque où Laure avait placé ses économies ayant fait faillite, près de la moitié de l’argent qu’elle avait investi avait été perdu. Laure eut beau se mettre en colère, les banquiers ne purent lui remettre que vingt mille cinq cent euros euros, au lieu des quarante mille qui se trouvaient sur son compte.

Profitant de l’absence de sa mère, partie consulter un cancérologue, Marco fouina dans le bureau de son père. Il voulait des réponses, son père se livrait à de mystérieuses activités lorsqu’il était en congé, il avait prétendu pratiquer le judo le week-end. Mais Marco avait remarqué qu’il mentait à cause de son tic, chaque fois que Jacques fabulait, il fronçait légèrement ses sourcils. De plus Marco avait téléphoné au club de judo, auquel son père prétendait appartenir et on lui avait répondu qu’aucun Jacques Méré n’y était inscrit. En fouillant dans les affaires de son père, Marco découvrit des choses curieuses, des mèches de cheveux de couleur différentes, et des flacons contenant un liquide rouge. Intrigué il demanda à sa mère, des renseignements sur son étonnante découverte.

Marco : Maman, j’ai trouvé des choses étranges dans le bureau de papa. As-tu une idée sur ce qu’en faisait papa ? Il lui tend les boucles de cheveux et les fioles.
Laure : Non, je ne sais pas.
Marco : Tu mens.
Laure : Je t’assure que je dis la vérité.
Marco : Lorsque tu racontes un mensonge, tu as comme tic de souffler par le nez. Je sais que certains infirmiers et coiffeurs vendent les cheveux et le sang de célébrités. Est-ce que papa collectionnait des parties du corps de personnes célèbres ?
Laure : Bravo tu as deviné juste.
Marco : Non, ton tic me prouve le contraire. Papa se livrait-il à des rites vaudous afin de maudire ses ennemis, et attirer la chance sur ses amis ?
Laure : Ton père ne croyait pas à ce genre de superstition, pour ton bien tu ne devrais pas chercher à connaître les penchants de ton père.
Marco : Est-ce que papa était un meurtrier ?
Laure : Tu imagines des choses affreuses et fausses, Marco, s’il te plaît ne me pose plus de question sur les habitudes de ton père.
Marco : Papa était-il le fameux cannibale qui fait trembler d’effroi les parisiens depuis vingt ans ?
Laure : Tu divagues complètement, mon chéri, ton père était un simple représentant.
Marco : Es-tu toi aussi une cannibale ?
Laure (gênée) : Tu devrais arrêter de formuler des questions loufoques, Marco, ni ton père, ni moi n’étions des anthropophages.
Marco : Ton tic est la preuve que tu mens.
Laure : Tu es consigné dans ta chambre, jusqu’à ce que tu admettes que les âneries que tu as imaginées sont des absurdités.

Marco se mit à réfléchir sur la conduite à tenir, il hésitait entre dénoncer sa mère à la police, et rester silencieux sur les agissements de ses parents. Marco se dit que les victimes de son père et sa mère, méritaient que la justice soit rendue, que ce qu’avaient fait ses parents s’avérait extrêmement répréhensible. Puis Marco songea que le ressentiment d’inconnus lui importait peu, qu’en la dénonçant il pourra inspirer de la haine chez sa mère, et qu’il serait beaucoup plus difficile de la voir souvent, si elle était envoyée en prison. Cette perspective le terrifia, il venait de perdre son père, il refusait d’être séparé de sa mère. En outre Marco se dit que garder le secret était avantageux pour lui, il pourrait compter sur l’aide de sa mère pour devenir un tueur efficace, ce qui lui permettrait de réaliser ses fantasmes morbides, et d’échapper à la police. Sa conscience lui souffla que s’il devenait un cannibale à son tour, il deviendrait un monstre, un duel entre son surmoi et son ça s’engagea, sa raison et son instinct, ce fut l’instinct qui triompha. Le fils de Jacques adopta le raisonnement suivant, même s’il tuait des centaines de personnes, il ne serait pas pire qu’un politique influent. Selon Marco les politiques majeurs, sauf cas très particulier comme par exemple Gandhi, sacrifiaient pour la nation, la sûreté de l’état, leur profit personnel, des milliers voire des millions de vies.

Cette vision sombre de l’humain lui venait de son père Jacques, qui lui avait enseigné que les politiques étaient des prédateurs, des diables sans pitié, qu’il était très rare que la majorité de la classe politique d’un pays ne soit pas corrompue, que même si des progrès notables avaient eu lieu en France, qu’il était moins facile de tuer quelqu’un et de s’en tirer sans sanction. Il n’empêchait que les plus riches continuaient à avoir des privilèges exorbitants, notamment un droit de vol, d’escroquerie, et de guerre contre les africains, les asiatiques et les amérindiens. Les juges n'étaient pas des laxistes, mais l’influence des puissants les protégeait souvent de la sanction. Quelquefois un puissant tombait, mais il s’agissait d’une exception à la règle.

Marco dit à sa mère qu’il ne la dénoncerait pas et voulait devenir comme elle et son père, un cannibale. Il lui annonça que sa première victime serait Marcel, le chauffard responsable de la mort de Jacques. Laure ne savait pas quoi répondre, elle n’était pas très enthousiaste à l’idée que son enfant marcha sur ses traces, mais d’un autre côté elle ne se sentait pas le droit de lui interdire de commettre des meurtres. Et puis la perspective que Marcel serait tué, l’enchantait franchement, elle haïssait profondément cet homme.

Marco pour devenir un tueur plus efficace se mit à suivre un entraînement au kickboxing français. Il devint rapidement un bon kickboxeur, et remporta même quelques tournois régionaux. Laure initia Marco à l’art du déguisement, elle lui apprit à se maquiller, confectionner des perruques, parler en modifiant le son de sa voix tout en donnant l’impression de parler normalement. Marco fut un élève très doué, il apprit à se rendre méconnaissable pour ses amis, et réussit à se faire passer pour une fille ou un vieil homme. Il avait accès à un registre considérable de voix, ainsi il était capable de d’adopter une voix grave et rauque, ou au contraire douce et sensuelle. Marco attendit cinq ans avant de s’estimer prêt à entamer son premier meurtre.

Retrouver Marcel fut facile il n’avait pas changé de domicile après son emprisonnement, Marco le tua à petit feu, le chauffard mourut au bout de trois jours. Marco lui enlevait toutes les heures un morceau de peau, et versait du sel et du poivre sur ses plaies. Cet homme de trente ans, à cause des excès auquel il s’était livré en paraissait cinquante. Il s’avérait franchement laid pour ne pas dire hideux, son visage était bouffi, ses dents avaient une teinte allant du marron au noir à cause d’une consommation intensive de tabac, son corps était devenu flasque à cause des régimes sévères suivis de grosses fringales. Marcel supplia Marco, puis voyant que ses prières ne l’infléchissaient pas, il le maudit et l’insulta sévèrement, puis il retomba dans la supplique à la fin du premier jour de torture. Voir et entendre sa cible l’implorer apporta une grande jouissance à Marco. Une fois Marcel mort, il consomma sa cervelle et son cœur, et jeta les restes de son corps dans les égouts. Sa mort eut un intense retentissement dans la région de Bretagne, mais malgré les moyens déployés personne ne songea à arrêter Marco et sa mère.