C'est à vous, mes amis que je pense ce soir,
Quand, au fil de ma vie, vous veniez vous asseoir
Au creux de mes chagrins autant que de mes joies,
Pour parler de demain et en chercher la voie.

Où êtes-vous passés, ombres de ma jeunesse ?
Fantômes disparus sans me laisser d'adresse,
Puisque seul un grand champ marque vos souvenirs,
Cet endroit où, parfois, je me vois revenir.
Si je parle de vous, à travers mes récits,
C'est pour vous faire revivre un instant, mais aussi
C'est qu'au delà du temps, remonté pas à pas,
Vous gardiez un ami qui ne vous oublie pas.
Je ne peux oublier, je ne sais pas le faire,
Vous qui avez connu et la faim et l'enfer
Dans un triste décor de tôles entassées;
Sachez que j'ai souvent, pour vous, une pensée
A Ti-Louis, mon copain, en terre, incognito :
Je n'ai pas pu trouver le lieu de ton repos
Que même tes enfants n'ont pas su me donner.
Déja, de ton vivant, tu étais condamné....

Le destin peut sembler quelques fois dérisoire,
Lui qui m'avait choisi pour une brève histoire
Et puis qui, maintes fois, oublia d'enlever
Ce qu'il était venu chercher, à mon chevet.

Voilà pourquoi, ce soir, j'envoie une pensée
A ceux qui sont venus, ont vécu, sont passés
Sur l'étrange chemin qui traverse ma vie,
Me laissant, chaque jour, étonné et ravi.
Je me dis chaque fois que le sort m'a raté,
Que, tout en me sachant profondémént athée,
Il a jugé prudent d'envoyer, pour mon bien,
Un généreux sursis et un ange gardien.