Il pleut des hallebardes, au gris noir de la nuit. Sous la pluie cinglante, je me hasarde au gré d' un chemin, parfumé par la flore; je sens: des mélisses délicieuses, de la verveine souveraine, des ancolies en folie, et des garances endurantes.
Je croque minuit sous le saule pleureur, dans le bois joli.

Des feuilles de nénuphars se soulèvent légèrement, au souffle du blizzard, et s' égarent des pétales de roses, grandioses, filants vers les sables mouvants de la forêt de mauves.

Le busard, puissant, majestueux, déloge les campagnols et les souris grises et vertes, qui décampent sous la bise.

Dans le bois joli, je vois des demoiselles chanterelles, aux lamelles en dentelles; des girolles en farandole et cèpes rutilants; et des mousserons qui chantonnent des airs d' amanites en fuite.
Je hume l' odeur de l' humus, qui se libère dans les courants d' air, qui filent dans l' obscurité.
Je goûte au fil de la vie, dans le bois joli.

Le chêne est vigoureux, séducteur, en pleine force; le frêne frissonne sous le vent féroce; le chataignier ronronne et maronne. Les oiseaux fanfaronnent, grondent et vagabondent.

Dans le bois joli, à flanc de bosquet, au creux de l' ombre:

Je croque midi
Je croque minuit
Je croque les secondes.