Rêve et réalité

Allongé dans un pré, j'entends des vaches meuglées, le grincement d'une charrette sur un chemin tiré par un cheval qui hennit. J'entends le frissonnement du vent dans les arbres, le clapotis d'un ruisseau. J'entends tinter la cloche d'un petit village, un chien qui aboie à la ferme. J'entends le gazouillis des oiseaux, le coassement des grenouilles.
Et quand je me relève, je vois passer une hirondelle, un chaton jouer dans l'herbe tendre. Je vois un paysan labouré son champ, des lavandières étendrent leurs draps. Je vois l'ombre d'un gros arbre s'étirer dans un champs de blé mûr, un petit village écrasé de soleil. Je vois des enfants jouer au ballon, des bourgeons sur une branche basse d'un arbre centenaire.
Soudain je me réveille, j'entends un embouteillage au bas de mon immeuble, des marteaux piqueurs sur un chantier voisin. J'entends le cri des camelots vendant leurs marchandises, un camion de livraison qui décharge des caisses. J'entends passer le métro aérien sur le pont métallique, freiner un bus à un feu tricolore. J'entends klaxonner des voitures, vrombir une moto.
Et quand je me lève, je vois des maisons grises sous un ciel bruineux, de hautes cheminées d'usines crachant leur fumée noire. Je vois des gens pressés se courbant sous la pluie, un mur sale couvert de graffitis. Je vois un avion qui traverse le ciel en laissant derrière lui un trait laiteux, des poubelles amassées au bord de la chaussée. Je vois un mendiant qui tend sa main usée, un terrain vague encombré de vieilles carcasses rouillées.
Mes nuits sont plus belles que mes jours.
Je veux me rendormir, jamais me réveiller.