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Nouvelles : L'homme à la Yashika
Publié par Salimbye le 02-09-2013 02:09:40 ( 1159 lectures ) Articles du même auteur





L'homme à la "Yashica"



Formé juste après l'indépendance, le gouvernement national avait, comme on continue à le répéter jusqu'à présent, du pain sur la planche. En effet, durant des années d'occupation, le colonisateur n'avait investi que dans les secteurs vitaux pour la métropole, laissant complètement les indigènes patauger dans leurs innombrables problèmes. Le jour où la jeune république recouvra son indépendance, les tenants des rennes de l’État, dont la plupart d'entre eux collaboraient sérieusement et consciencieusement avec les occupants, déclaraient dans les interminables meetings qu'ils tenaient fréquemment sur les places publiques et dans les campagnes, que l'ennemi n'avait fait que voler leurs richesses, qu'il était donc temps de lui montrer ce que le mot « patriotisme » signifiait, qu'il fallait serrer les rangs et faire preuve d'abnégation, afin de venir a bout de toutes les difficultés.
Pour donner un coup de fouet à l'économie nationale afin qu'elle démarre sur de solides bases, les responsables encouragèrent les Initiatives Personnelles (IP) (Une sorte de PME mais à l'Africaine), en exonérant, et c'était la moindre des choses, les futurs promoteurs de beaucoup de taxes y compris les droits de douane.

Certains patriotes, qui avaient amassé de l'argent en contre partie des valeureux services qu'ils rendaient au colonisateur, sautèrent sur l'occasion et se lancèrent dans les affaires (le mot business n'avait pas encore fait sa traversée méditerranéenne vers l'Afrique). Ils s'intéressèrent, en toute logique, à l'import de produits de première nécessité pour la nation, produits qui allaient d'un vieux véhicule qui ne démarrait plus à un poste de radio ramassé dans une décharge publique européenne et qui ne nécessitaient que quelques fils et une main d'œuvre qualifiée pour les remettre en marche. Et c'est ainsi qu'on découvrit fortuitement que la main d'œuvre qualifiée, qui devait réparer les postes de radios glanés dans les différentes décharges Européennes, et les véhicules achetés à la casse, manquait au pays. Il fallait donc construire des écoles pour former le citoyen de l'avenir, celui qui serait apte à réparer un poste de radio sans se soucier de la décharge dont il provenait ou de faire redémarrer un véhicule moribond. Malheureusement, l'État n'avait pas les moyens d'offrir un banc à tous les enfants en âge de scolarisation, d'autant plus que le pays détenait haut la main le record du taux de natalité. Il fallait donc que le secteur privé prenne en charge une bonne partie de la population en âge de scolarisation.

Passés maîtres dans l'art de l'improvisation en politique, les dirigeants de la République Libre trouvèrent une fois de plus une échappatoire qui leur nécessita quelques prouesses et des contorsions plus ou moins dangereuses. Le slogan « Investissez dans l'enseignement, et reposez-vous tranquillement ! », galvanisé par les orateurs avant-gardistes de la nouvelle politique contorsionniste du pays, fit son effet : Beaucoup de fidèles serviteurs répondirent présents à cette séduisante publicité et se lancèrent corps et âmes dans le domaine de l'enseignement privé. Ce secteur encore vierge promettait d'alléchants bénéfices, vu que l'État avait, encore une fois, dispensé ces jeunes établissements éducatifs de toute taxe.

Partout dans le pays, des locaux de tout genre et de toute superficie se transformèrent en un clin d'œil en écoles. Les frais de scolarisation variaient d'une ville à l'autre, d'un quartier à l'autre, d'un hameau à l'autre. La concurrence battait son plein même au niveau des programmes et des matières enseignées. Les rares écoles dirigées par des catholiques furent rachetées par ces nouveaux investisseurs et reconverties en établissements privés.
Une fois cette infrastructure mise sur pied, on se rendit compte alors de l'insuffisance des enseignants. Mais étant donné que le public scolarisé n'exigeait pas de professeurs bien qualifiés, les recruteurs du personnel négligèrent les rares diplômés qui demandaient un salaire honorable et se contentèrent de gens qui avaient glané quelques savoirs désordonnés et obsolètes en temps de colonisation.
Cette période de trouble fonctionnel fut bénéfique pour M. Truc, puisqu'il parvint à dénicher un poste important dans l'un des prestigieux établissements de la ville.

A l'âge de quatorze ans, M. truc était encore en CM2-B. Il tripla cette classe fatale et fut gentiment renvoyé dans la rue. Il sillonna quelques années la ville et sa banlieue dans l'espoir de trouver un travail, mais les dieux de l'embauche n'avaient jamais pris au sérieux ses prières. Le malheureux se résigna alors et opta pour un travail artistico libéral.
Sa carrière débuta le jour où il rencontra un marin hongrois qui lui vendit un appareil photo d'occasion. C'était un « Yashica ». L'engin venait directement des usines soviétiques.
Fier de sa nouvelle acquisition, M. Truc commença à parcourir la ville et ses jardins publics, en tout sens, à la recherche de couples amoureux qui voudraient bien immortaliser une pause. Malheureusement cette activité ne fut pas rentable et l'homme à la « Yashica » usait jusqu'à quatre chaussures par ans. Des amis lui suggérèrent d'aller proposer ses services aux établissements publics. Il prit un nouvel élan et se spécialisa dans la photo du public scolaire.
Hélas il était écrit que M. Truc ne connaîtrait jamais la gloire dans ce domaine : Les photos tirées dans l'unique laboratoire de la ville et payées à l'avance ne se vendaient pas. Les intéressés se contentaient d'y jeter un coup d'œil et les remettaient en souriant au maudit artiste.

« -Que faire monsieur le juge ? Déclara M. Truc, la mort dans l'âme. J'ai donc commencé à contacter des établissements scolaires à la recherche d'un emploi "

(à suivre)

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Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
Bacchus
Posté le: 02-09-2013 16:53  Mis à jour: 02-09-2013 16:53
Modérateur
Inscrit le: 03-05-2012
De: Corse
Contributions: 1186
 Re: L'homme à la Yashika
C'est toujours une autre vision d'une partie du monde qui nous est peu connue, vue sous cet angle.
Merci pour ces textes documentaires romancés
Amicalement Bacchus
couscous
Posté le: 02-09-2013 20:01  Mis à jour: 02-09-2013 20:01
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: L'homme à la Yashika
J'ai bien envie de savoir pourquoi il se retrouve devant un juge ce photographe ...
Loriane
Posté le: 10-09-2013 17:23  Mis à jour: 10-09-2013 17:23
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: L'homme à la Yashika
Dans certains pays prendre une personne en photo, c'est prendre son âme et ça peut très mal se terminer.
Merci
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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