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Accueil >> xnews >> Fragment dans l'attente de mon soninké possible... - Nouvelles confirmées - Textes
Nouvelles confirmées : Fragment dans l'attente de mon soninké possible...
Publié par abdelvetah le 10-09-2013 17:20:00 ( 1674 lectures ) Articles du même auteur



Ici. Je suis ici. Ici, je veux dire maintenant. Maintenant. Je veux dire, assis. Assis, à une table. Le café vient d'être servi. Je suis l'unique client, ou presque, qui se présente, à cette heure vespérale. Une noisette. Une table de couleur bleue. En fait, c'est la couleur qu'on lui a imposée, depuis peu. Ici, je veux dire, l'ici, relativement grand, vaste, pour dire, même les tables on leur impose les couleurs... Celle-là, la pauvre table, sur laquelle, je me maintiens, si je me maintiens encore, dans ce monde, a été victime de cette colorisation, bien de chez nous. C'est l’œuvre du maître de céans. Là, c'en est une. Une maîtresse.

Des gens commencent à affluer... Des jeunes. Deux jeunes filles prennent, dans ce qu'elles prennent , une place sur la table de ma droite. Le barman espère, dans ce qu'il espère, sans doute qu'elles prennent autre chose que la table à la droite du monsieur en boubou bleu - deux teintures en deux ans - que je suis. Un bonjour d'une âme chère, sur facebook, une réponse en initiales. Une question posée à une autre âme chère, qui demeure sans réponse, la question, je veux dire l'âme aussi. Je vois un sourire frais de la minute précédente se dessiner encore sur les lèvres du barman. Je jette un regard furtif pour en comprendre le sens sur la table à la droite du monsieur, qui porte un boubou bleu, dans sa seconde vie de boubou, et je vois une bouteille de Coca et une autre de Sprite et deux pailles pointées devant chaque fille. Je me déplace. Je quitte ma table bleue. Pour une autre, qui a échappé à la dictature de la couleur de la maîtresse de céans . Une vieille table. Mais, digne. Parce que, peut-être, elle a su garder la candeur de sa prime virginité. En dehors de quelques rides, çà et là, elle maintient encore l'éclat de son âme. Celles, qui étaient à la droite du monsieur, qui porte le boubou que j'étais, et que je suis, toujours, enfin, je crois, sont désormais à ma gauche. Ou, c'est moi, qui suis à leur gauche. Puisque c'est bien moi qui me suis déplacé, pas elles. C'est moi le nomade. Ces choses vous suivent jusqu'à la table la plus innocente du café le plus inoffensif de la ville. Rien à faire. Le siège sur lequel je suis assis, confectionné en brins d'osier ou de palmier, s'entend visiblement bien avec la table ridée d'en face .

Sur la table d'en face, deux jeunes, noirs, l'un portant un tee-shirt blanc, dans son oreille, les écouteurs, lui renvoient de bonnes paroles, les traits de son visage, en prennent des illuminations furtives intenses. Son ami, portant une chemise, sans couleur, scrute un horizon incertain et réajuste sans cesse le petit chapeau noir maintenu sur sa tête. Leur voisin d'en face, un maure, boubou blanc, venant tout droit des confins du souk de la capitale, chemise fond blanc disputé par un vert en carrés ou rayures mal négociées, main sur la bouche, air grave, sans doute à cause des paroles aussi, graves, je crois, qui lui parviennent des écouteurs scotchés sur ses oreilles.

Là-bas, sous les arbres, ou presque, le groupe est déjà constitué. Un groupe de jeunes journalistes, entourant un rappeur de renommée de la Rue publique, qui discutaient l’événement, peut-être. La noisette se refroidit. Elle donne toute sa vigueur quand elle devient glaciale, une noisette. Le temps passe lentement. Les petits pas du temps, il sait le moment où il devrait les ressortir. Les petits pas du temps, qui se posent nonchalamment sur la terre, et avancent, en farniente. Ils sont tellement lents qu'ils se soustraient, dit-on, à tous les temps. Des petits pas sans temps.

Le monsieur, qui porte un boubou bleu, que je suis , éprouve une petite soif. J'ai envie de boire une bonne eau, fraîche. J'ai envie de bien d'autres choses, un dessert, par exemple, qui m'a été promis au retour de la première puissance du monde, un café, quand tout cela aura fini. Mais, je me résous à mes possibilités, toutes relatives. Mes petites possibilités, dit-on, il ne faut pas exagérer, non plus. J'attends. J'attends mes soninkés. J'en ai, moi, des soninkés, qui sont miens, presque. Comme eux, ils ont une presque mauresque ; dois-je ‘’loller’’, en ce moment, comme bien aiment écrire les facebookeurs, pour dire leurs rires virtuels, lorsqu’ils sont en panne de réponse, qui secoue le cœur ? J'attends. J'en aurai un. Au moins. Les soninkés, je veux dire. L'autre est en dehors de mes possibilités, aujourd'hui. C'est tout comme un dessert ou un café quand tout cela aura fini. Il est un peu loin. Dans les hauteurs de la cité de l'Exil, de la grande Émigration. La première. L’Hégire. Un Roi juste y faisait justice, un jour lointain. Négus. Des hommes précurseurs et persécutés de la Mecque y firent refuge. Le monde était encore sous les ténèbres de l'obscurantisme. Il fallait bien s'exiler quelque part pour croire. Et, les quelque part de l'époque étaient si rares et si lointains.

L'autre, je veux dire, mon second soninké, puisqu'ils sont deux, celui qui est dans mes petites possibilités, n'est pas encore venu. Le jeune maure à ma droite s'agite, remue ses genoux ; et ses mains ne cessent de se déplacer sur son organisme frêle, touchant, dans ce qu'elles touchent, en lui, parfois, des contrées improbables. J'ai soif. Les gazelles m'assaillent . Comme disait le poète arabe, je ne sais qui encore, au moment où il s'invite, le poète, je veux dire, dans la chambre à coucher de ma pensée ; parce qu'elle en a, des chambres à coucher, et d'autres, pour d'autres stations. Ma pensée. Je ne sais donc parmi ces gazelles, laquelle je vais poursuivre ? En attendant que mon second soninké arrive.

Qu'est-ce qu'il a dit, celui-là, des deux bonhommes qu'il a fait attendre ? Avec le décor qu'on connait. Suggérant un au-delà imminent. Celui-là, qui n'arrivera jamais. Et, les deux bonhommes resteraient dans l'expectative d'attente d'un hypothétique Godot, illusoire et chimérique. J'ai dit, moi, le monsieur, assis sur un siège, en tresse d'osier, depuis bien longtemps...je l'ai oublié. Il m'a fait oublier ça, cette tentation lointaine, le gars qui vient de me serrer la main...un guinéen, un journaliste, un autre qui se joint à l'autre bande de journalistes en conclave...et qui est venu jusqu'à moi pour chasser cette tentation lointaine...et pour faire fuir les gazelles de ma chambre à coucher.

Là voilà. Oui, elle revient. La tentation, je veux dire. Je l'ai écrite quelque part. Que j'étais tenté de détacher toutes mes poches de tous mes vêtements. De mes boubous, puisque j'en ai. Aussi. Du boubou que je porte, en ce moment même. J'en détache la poche. Et, je place son contenu ailleurs. Je le trouverais bien, cet ailleurs, qui accueillerait ces petits riens logés naguère dans ma poche. Et, je récupérais ma poche, enfin pas ma poche, ce petit morceau, qui fut jadis une poche par l'alliance avec une contrée de mon boubou. Avant le divorce. Le petit morceau de tissu, entendons-le. Les temps sont durs. Il est là. Il arrive, mon soninké. Pour retrouver son ami, ce monsieur, qui porte un boubou bleu d'une seconde vie, à gauche, désormais, des deux filles. Que je suis. Pour se joindre à moi. Là. Maintenant. Où je suis. Je veux dire : Ici.
Abdelvetah Ould Mohamed

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Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
emma
Posté le: 13-09-2013 17:39  Mis à jour: 13-09-2013 17:39
Modérateur
Inscrit le: 02-02-2012
De: Paris
Contributions: 1494
 Re: Fragment dans l'attente de mon soninké possible...
Il y a des passages qui se lisent comme de la poésie.
Le début par exemple, voici le découpage rythmique que j'en fais :

Ici. Je suis ici.
Ici, je veux dire maintenant.
Maintenant. Je veux dire, assis.
Assis, à une table.
Le café vient d'être servi.

C'est un texte magnifique mais malheureusement, il est écrit d'un seul bloc trop compact et pas du tout aéré.

Une autre mise en page permettrait enfin de découvrir ce beau texte.
abdelvetah
Posté le: 14-09-2013 19:58  Mis à jour: 14-09-2013 19:58
Plume d'Argent
Inscrit le: 03-03-2012
De: Nouakchott
Contributions: 9
 Re: Fragment dans l'attente de mon soninké possible...
Bonjour emma,
Votre commentaire est pertinent...C'est comme si vous étiez témoins, justement, à l'écriture de ce texte. J'ai écrit ce texte, par fragment, comme ''statut'', sur facebook...C'est une description de la pensée de l'instant...C'est un flux, en déferlante...que j'ai rassemblé par la suite pour donner la forme que vous avez lue, là...
Mecri encore pour votre commentaire...
Loriane
Posté le: 18-09-2013 17:59  Mis à jour: 18-09-2013 17:59
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: Fragment dans l'attente de mon soninké possible...
Je connais l'ethnie Soninkés et j'étais curieuse de lire ton texte, mais très franchement j'ai dû abandonner dès la cinquième ou sixième ligne je ne sais pas., impossible de savoir où j'en suis de ma lecture.
C'est illisible pour mes yeux, c'est très serré, même avec le nez sur l'écran, je n'y arrive pas.
Tu peux aller sur "modifier" en bas de ton texte et aérer, aller à la ligne, faire des chapitres ...
Merci
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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