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Nouvelles : Opération O'Brian
Publié par Pablo59 le 02-01-2014 19:00:00 ( 1350 lectures ) Articles du même auteur



Sam Hudson, colonel de la Coalition Démocratique, fumait sa cigarette en solitaire, tout en contemplant l'horizon. Il avait pris cette habitude de s'accorder ces quelques minutes de réflexion chaque dimanche, du moins quand il le pouvait. Ce jour-là, il songeait à cette guerre sans fin, qui avait commencé en 2035, et qui perdurait malgré les dégâts matériels et les pertes humaines considérables. Cela faisait des lustres qu'on avait oublié pourquoi on se battait, les gouvernements avaient donc élaboré des prétextes pour justifier ces combats. La Coalition Démocratique, composée des États-Unis, de l'Allemagne, de la Russie et de l'Angleterre, ne faisait pas exception à la règle, malgré les valeurs qu'elle prétendait défendre. En vérité, chaque camp luttait pour s'emparer d'armes de destruction massive, des ultimes réserves de pétrole ou de nourriture non contaminée de la planète. Les hommes et les femmes en âge de se battre et en bonne condition physique étaient mobilisés de gré ou de force pour participer à cette guerre impitoyable. On les répartissait aléatoirement dans des bases plus miteuses les unes que les autres et qui tenaient rarement plus d'un an. Il les haïssait, ces politiciens qui jouaient avec les vies de leurs soldats, eux qui étaient censés les protéger.

Néanmoins, Sam estimait qu'il n'était pas malheureux.Très sportif, il avait rapidement gravi les échelons militaires pour se retrouver aujourd'hui à son poste. Il disposait d'un régiment entier, d'une des meilleures bases pour quelqu'un de son rang et de son expérience, située dans les ruines de la ville de Francfort et s'entendait particulièrement bien avec les soldats qu'il commandait. Son bras droit, Andrew O'Brian, était un soldat extrêmement loyal, mais également un homme à qui il pouvait confier ses soucis, ses doutes même si cela sortait du contexte militaire. Si Andrew était celui que Sam appréciait le plus au campement, il avait aussi d'autres affinités, en particulier avec Emma Poudret, une Française très efficace sur le terrain, sur qui il pouvait compter pour organiser les fêtes de lendemains de victoires. Konrad Baden était aussi un excellent combattant, mais ce qui le distinguait des autres, c'était son sens de l'humour et de l'optimisme, y compris quand les circonstances ne s'y prêtaient pas forcément. Sam appréciait particulièrement cette qualité là. Vladimir Dastrov, d'origine russe mais naturalisé Américain, était plutôt discret, mais disposait d'un courage hors du commun. Sam savait qu'il était capable de donner sa vie pour sauver la sienne, s'il n'avait d'autre moyen de protéger son colonel. Oui, en y réfléchissant bien, le colonel Hudson n'était vraiment pas le plus à plaindre. C'était sans doute cela qui l'empêchait de ne pas craquer, malgré cette vie impossible.

* * *

Sam n'en était qu'à la moitié de sa cigarette quand l'un de ses soldats, le lieutenant Wilhelm,l'air paniqué, accourut vers lui.
- Mon colonel, s'écria-t-il en lui tendant une paire de jumelles, regardez un peu derrière vous ce qui nous arrive dessus !
Sam s'exécuta, et comprit pourquoi Wilhelm était si inquiet. Un drone, une arme qui était devenue monnaie courante ces derniers temps car très difficile à neutraliser, se ruait sur leur base, fermement décidé à s'écraser sur eux.
- Et merde..., soupira Sam.
Il jeta aussitôt sa cigarette par terre, et hurla aussi fort qu'il le put :
- Soldats ! Sortez immédiatement de vos tentes ! Ceci n'est pas un exercice !
Il leur expliqua la situation et les soldats n'attendirent pas plus longtemps pour prendre leurs jambes à leurs cous.

- Lieutenant Wilhelm, restez ici le temps de vous assurer que tout le monde a bien compris.
Le soldat allait accepter sa mission sans broncher, mais le sergent O'Brian fut plus rapide.
- Inutile, mon colonel. Je m'en charge.
Sam hésita. Il savait pertinemment que les chartes militaires l'obligeaient à donner ce genre d'ordre à son bras droit, mais l'affection qu'il lui portait l'empêchait d'approuver complètement.
- Fais attention à toi, Andrew, se contenta-t-il de répondre.
Il savait également qu'il ne devait pas l'appeler comme ça dans ces circonstances, mais il s'en moquait. Sans plus attendre, il rejoignit les autres soldats, accompagné par le lieutenant Wilhelm.
* * *

Sam conduisit son régiment jusqu'à un hôtel désaffecté de Bad Vilbel, une petite bourgade au Nord de Francfort. Une fois en sécurité, il essaya aussitôt de joindre par talkie-walkie son bras droit, mais celui-ci ne répondit pas. Sam savait ce que cela signifiait, car Andrew était capable de répondre dans n'importe quelles circonstances. Mais il tenta tout de même de le rappeler, encore et encore, en vain. Au bout de quelques heures, le colonel dut se faire une raison : Andrew et les soldats qui n'avaient pas réagi à temps avaient été massacrés par le drone. Ses yeux se mirent à le piquer, et il faillit lâcher une larme. Mais il se retint, ses soldats étant tout autour de lui, dans le hall de l'hôtel, à attendre ses prochaines instructions.
Sam se sentait coupable, bien entendu, mais au-delà de la culpabilité résonnait un sentiment plus fort, encore. La colère. La guerre l'avait déjà privé de famille, voilà maintenant qu'elle le privait de son meilleur ami. C'en devenait trop pour lui. Il en avait assez de risquer sa vie pour des tyrans qui envoyaient leur soldats se faire massacrer à leurs places sans pour autant leur fournir le matériel nécessaire pour survivre. La rage qu'il éprouvait alors embrasait son cœur, et il se décida à prendre la parole.

- Écoutez, dit-il d'une voix forte. Ce drone a véritablement dévasté notre base, et sans nul doute également tué ceux qui ont été trop tardifs. Je n'ai pas de liste de noms à vous apporter, mais ce qui est certain c'est que le sergent-chef Andrew O'Brian n'est plus des nôtres, ainsi qu'une bonne centaine de soldats.
Les soldats observèrent un silence empli de respect et de gravité.
- Je pourrais essayer de vous remonter le moral, enchaîna Sam, et vous mentir en prétendant qu'on arrivera à s'en remettre, que les gouvernements nous aideront, etc. Mais je n'en ai plus envie. Andrew et les autres ne reviendront pas, pas plus que la Coalition ne s'occupera de notre sort. Elle se moque de nous ! Elle a bien d'autres soldats pour la défendre, donc un régiment de plus ou de moins est négligeable pour nos gouvernements. Et elle n'aura pas les moyens de nous trouver une nouvelle base, bien entendu. Désormais, je ne vous parle plus en tant que général mais en tant qu'ami : il faut fuir. Déserter, oui, n'ayons pas peur des mots. Pourquoi continuer à se battre pour des nations qui se servent de nos vies pour réaliser leurs ambitions égoïstes ? Personnellement, je n'en vois pas l'intérêt. C'est pourquoi je m'en irai,très prochainement, et peu importe ce que cela me coûtera. Sur ce, bonne nuit, soldats, et malgré les circonstances, essayez de réfléchir à ce que je vous ai dit.
À sa plus grande surprise, Sam reçut un tonnerre d'applaudissements. « Apparemment, je ne suis pas le seul à penser ce que je pense », songea-t-il en souriant.
* * *

Le colonel Sam se réveilla d'une humeur mitigée, le lendemain matin. Il n'avait cessé de ressasser les événements de la veille pendant la nuit, et il en était venu à se demander s'il avait bien fait de se laisser aller à faire un discours si enflammé. Cela pouvait lui coûter très cher, il le savait pertinemment. Il avait donc l'estomac noué quand il quitta sa chambre pour rejoindre ses soldats, attablés à l'étage d'en dessous pour partager les maigres réserves qu'ils avaient emporté en guise de petit-déjeuner.

Après avoir salué l'ensemble du régiment, il vint s'asseoir à la table de ses amis, Emma, Konrad et Vladimir.
- Ah voilà notre colonel rebelle ! s'écria Konrad, le sourire aux lèvres.
- Notre brave colonel, corrigea Emma.
- Eh bien, j'ai l'impression que vous avez été marqués par ce que j'ai dit hier soir, répliqua Sam.
- Cela t'étonnes tant que ça ? Tu as tenu des propos plutôt inhabituels, pour quelqu'un de ton rang.
- Non, bien sûr. Mais il fallait que les choses soient dites, vous ne trouvez pas ?
Ses trois amis hochèrent la tête vivement.
- Tu as été extraordinaire, le félicita Vladimir. On se demandait seulement si tu allais vraiment faire ce que tu as dit, ou si tu parlais sous l'effet de la colère.
Sam regarda autour de lui pour vérifier que personne d'autre n'écoutait leur conversation, puis dit à voix basse :
- Mais parfaitement ! Je n'ai plus vraiment le choix, de toute manière. Sur qui puis-je compter pour m'accompagner ?
- En fait, on a déjà tout préparé cette nuit, confessa Emma avec un sourire espiègle. Nous trois sommes partants, et les lieutenants Wilhelm, Guerrard, Gipsy et Roskow viennent également.
- Oh, très bien... Vous n'avez pas perdu de temps.

Sans plus attendre, Sam se leva, et s'adressa à l'ensemble du régiment pour leur annoncer qu'il partait pour la journée avec quelques soldats, pour se rendre à une réunion avec ses supérieurs. Cette fois-ci, un silence suivit ses paroles. La plupart des soldats devaient se douter qu'il ne disait pas la vérité. Sam fit signe à ceux qu'il avait nommés de venir avec lui. Il quitta la table, et les emmena hors de l'hôtel.

- A partir de maintenant, je lance officiellement l'opération O'Brian, en l'honneur d'Andrew qui s'est sacrifié pour nous, annonça-t-il. Désormais, nous sommes tous les huit coupables de désertion, ce qui, je vous le rappelle, est passible de condamnation à mort. Êtes-vous toujours sûrs de vouloir me suivre ?
Chacun exprima son approbation, d'une manière que Sam jugea tout à fait convaincante.
- Bien. Vous avez cinq minutes pour préparer vos sacs et on y va. Nous n'avons pas de temps à perdre.

* * *

Le groupe de fugitifs s'installa dans une forêt non loin de Bad Vilbel, conformément à ce qu'avaient convenu Emma, Konrad, Vladimir et les trois lieutenants la nuit passée. Ils choisirent tous ensemble leur destination finale, celle qui allait être le lieu de leur reconversion en tant que civils. Beaucoup de propositions furent émises, mais celle qui obtint l'approbation de tous fut le Danemark, un État neutre, et relativement proche. Une fois ce choix effectué, les soldats vaquèrent à leurs diverses occupations (préparation du repas, de leur sac pour le lendemain, lecture, ou autres) et Sam leur recommanda de se coucher de bonne heure, car la journée du lendemain allait sans doute être longue. Lorsque la nuit tomba, ils dînèrent tous ensemble puis chacun se retira dans son coin, sans dire un mot.

Sam avait placé son sac de couchage encore plus à l'écart des autres. Il avait le cœur léger, empli de joie, et était impatient de vivre sa nouvelle vie, sans soldat à sa charge, sans avoir à combattre, sans mort à pleurer. Il mourrait d'envie de devenir un civil lambda, voire même de fonder une famille. Mais surtout, il était heureux de nuire à la Coalition, qui l'avait forcé à s'engager dans cette guerre sans fin. Il espérait que les autres survivants du drone allaient les suivre, même si certains auraient sans doute du mal à faire ce choix, de façon à ce que la Coalition regrette amèrement la perte de cette base. Sam était tellement excité en songeant à toutes ces perspectives qu'il mit beaucoup de temps à s'endormir.
* * *

Alors que Sam avait espéré pouvoir faire une grasse matinée ce matin-là, la voix affolée du lieutenant Wilhelm le sortit de son sommeil.
- Mon colonel !
- Mmmm... Vous êtes bien matinal, mon lieutenant.
- Excusez-moi de vous réveiller, mais j'ai aperçu des gens à l'orée de la forêt. Ils sont armés, et ils ont l'air de chercher quelque chose – ou quelqu'un. Je crois qu'il vaudrait mieux ne pas nous attarder ici.
Sam réfléchit un instant. Il était peu probable que ces gens eussent quoi que ce soit à lui reprocher, selon lui, car il était un peu tôt pour que ses supérieurs aient pu avoir eu vent de son acte de rébellion. Néanmoins, il ne pouvait pas se permettre de prendre de risque.
- Bien, Wilhelm. Allez prévenir les autres, le temps que je m'habille. Dites leur qu'on part très bientôt, et qu'il n'est pas nécessaire de ranger leurs tentes.

Quelques minutes plus tard, Sam et les autres étaient tous dehors, leurs sacs sur le dos.
- Je ne sais pas si c'est vraiment ce que nous craignons, et j'en doute, mais on n'est jamais trop prudent, comme on dit, expliqua le colonel. Quittons cette forêt, et nous aviserons ensuite.
Emma, Vladimir, Konrad et les lieutenants hochèrent la tête, bien qu'un peu frustrés eux aussi de ne pas avoir pu dormir aussi longtemps qu'ils l'auraient voulu.
* * *

Le groupe marcha pendant une petite heure avant d'atteindre la sortie de la forêt. Ils avaient essayé d'être le plus discret possible, car les voix des hommes derrière eux – qui les suivaient, c'était désormais acquis – se faisaient de plus en plus entendre. Sam Hudson sortit un briquet de sa poche et approcha la flamme de plusieurs arbres et arbustes.
- Tu mets le feu à la forêt ? s'étonna Konrad.
- Je n'aime pas trop le fait de savoir que...
Avant que Sam eût le temps de finir sa phrase, un coup de feu retentit. Le lieutenant Wilhelm s'écroula, une balle entre les deux yeux. Immédiatement, les autres dégainèrent leur arme et en direction de l'origine du coup de feu. Un homme ne tarda pas à faire son apparition à son tour, plus mort que vif.
- Il ne faut pas rester là, souffla Sam, bien qu'il eût apprécié examiner le corps du tireur, et surtout connaître son identité.
- On ne... on ne s'occupe pas du corps de Wilhelm, mon colonel ? demanda le lieutenant Roskow, en état de choc.
Sam secoua la tête, navré.
- Je pense que c'est trop dangereux, Roskow. Les funérailles, ce sera pour plus tard.
Alors que le feu commençait à prendre de l'ampleur, le groupe se dépêcha de s'en aller, laissant les cadavres sur le sol brûler avec le reste.
* * *

Le groupe de soldats, qui n'étaient maintenant plus que sept, arrivèrent, un peu par hasard à une ville de taille moyenne, du nom de Karben. Sam insista pour s'y arrêter.
- On y sera plus en sécurité que sur les routes, expliqua-t-il.
Les rues de Karben étaient, comme dans beaucoup de villes depuis quelques années, vides de passants et de commerçants. Les gens se réfugiaient chez eux, habitués à ce qu'on les bombarde d'obus, de bactéries, ou de gaz toxiques. Beaucoup de bâtiments étaient en ruine, désaffectés ou alors habités par des mendiants, qui devaient constituer environ 40% de la population locale. Karben était devenue, comme tant d'autres avant elle, une ville fantôme.
- Hé, regardez, une voiture ! s'exclama Vladimir.
En effet, près d'une boutique de chaussure, un 4x4 Mercedes était stationné le long du trottoir. Ce genre d'engin était de plus en plus rare, car les populations ne pouvaient plus s'en acheter. Les concessionnaires automobiles ne travaillaient plus que pour ravitailler les régiments, désormais.
- C'est vrai que ça pourrait nous être utile, fit Sam.
Ils s'approchèrent du 4x4 et constatèrent que les clés du véhicule étaient posés sur le pare-brise du véhicule.
- Je ne crois pas qu'on puisse être plus chanceux, sourit Emma. Avec ça, on pourra définitivement semer nos poursuivants.
Le reste du groupe acquiesça, et ils ne tardèrent pas à monter à bord du véhicule, le colonel Hudson s'asseyant en face du volant.
* * *

La nuit était presque tombée quand ils arrivèrent à Kiel, une ville tout près de la frontière danoise. Ils décidèrent de s'arrêter là bas, jugeant qu'ils étaient désormais en sécurité. Ils trouvèrent même un hôtel encore ouvert, tenu par un vieil homme enthousiaste. Ils louèrent trois chambres, et s'installèrent. Ils ne se retrouvèrent que pour dîner, au rez-de-chaussée de l'hôtel.
Alors qu'ils attendaient qu'on leur serve leur plat principal, Sam lança joyeusement :
- Ça y est, les gars, nous y sommes ! Une nouvelle vie commence pour nous !
- Hé oui, ça fait bizarre de se dire qu'on va enfin pouvoir avoir une vie « normale »... dit Vladimir.
- Ça fait plaisir, surtout ! répliqua Konrad.
- Et ça commence dès maintenant, avec cette nuit à l'hôtel, ce repas..., renchérit Emma, tout sourire.

Malgré la peine qui était toujours présente dans leurs cœurs suite à la mort du lieutenant Wilhelm, les sept soldats burent et mangèrent dans une ambiance plutôt joyeuse. Préférant oublier le passé, ils se concentrèrent sur l'avenir prometteur qui se profilait pour eux. La liberté était si proche, qu'ils ne voulaient pas songer au prix qu'elle leur avait coûté.

* * *

Sam se réveilla le lendemain matin, après ce qui lui avait semblé être un long, très long sommeil. Il jeta un coup d’œil à sa montre et constata qu'il était maintenant onze heures passées. Il se précipita immédiatement hors du lit, conscient qu'il n'aurait pas dû dormir autant.
Son pied gauche heurta alors quelque chose de froid et de rigide. Il se tourna pour voir de quoi il s'agissait. C'est là qu'il vit le corps de Vladimir, gisant sur le sol, et à côté ceux d'Emma, et des lieutenants Gipsy, Roskow et Guerrard. Ils n'étaient qu'à moitié habillés, et la plupart portaient des traces de coups assez importantes. Sam s'approcha, pour voir si au moins l'un d'entre eux vivait encore. Il en vint bientôt à la conclusion que plus aucun ne respirait, depuis de nombreuses heures déjà. Il se rendit compte alors que Konrad n'en faisait pas partie, et se demanda ce qu'il était devenu. La porte de sa chambre s'ouvrit, en guise de réponse.
- Salut, Sam ! Bonne journée, non ?
Un instant, le colonel crut que son ami n'avait pas vu les cadavres qui étaient disposés sur le sol. Mais le sourire qu'il arborait, froid et cruel, en disait long.

- Tu... tu les as... bafouilla Sam, incapable de terminer sa phrase.
Konrad haussa les épaules, l'air presque désolé.
- Je n'ai pas eu le choix, mon colonel. Ils étaient tous coupables de désertion.
- Tu nous as trahis... Toi, Konrad !
- Je ne pouvais pas louper cette opportunité de monter en grade. Tu te rends compte, six mutins neutralisés par un simple sergent, ça fait bien sur le C.V. ! Et il y a toi aussi, Sam. J'aurais pu te tuer, mais ce n'aurait pas été très clément de ma part.
- Vraiment ?
- Bien sûr ! Je vais te donner la chance de pouvoir réintégrer ton régiment ! Mais pour cela, il va falloir que tu sois coopératif. Tu vas revenir avec moi à l'hôtel, et tu admettras officiellement que tu as tenté de fuir, et que pour cela, tu me laisses la tête du régiment. Mais comme je suis bon prince, tu seras mon sergent-chef. Et cela s'arrêtera là. Je n'irai pas prévenir les officiers supérieurs. Tu comprends, j'ai de l'estime pour toi ! Ce que tu as fait était très courageux ! Suicidaire, mais c'était un acte extrêmement brave.

Sam ne répondit pas tout de suite. Il observa un long moment son ancien ami, Konrad, l'un de ceux en qui il avait le plus confiance, qui n'avait pas hésité à descendre six soldats de son régiment,du fait de son avidité de pouvoir. Il n'en revenait pas.
- Je ne ferai pas ça.
- Comment ?
- Je ne reviendrai pas au régiment. C'est fini, Konrad. J'ai goûté à la liberté le temps d'une soirée, et je refuse de la perdre à nouveau. Quelques en soient les conséquences.
Konrad parut très affecté par cette déclaration.
- Tu vas me forcer à te tuer, comme ces six-là ? Alors que tu es colonel ? Tu n'as donc aucun sens de l'honneur ?
- Si c'est mon ultime échappatoire, oui, effectivement. L'honneur, je le conserve, et personne ne pourra me l'ôter.
Konrad dégaina son arme, et la leva en direction de Sam.
- En es-tu vraiment sûr ?
Sam eut presque envie de rire.
- Tu ne comprends donc pas ? Tu veux monter dans la hiérarchie militaire, pour être de plus en plus soumis aux ordres de tes supérieurs, et continuer de te battre pour une cause perdue. Tu es même prêt à tuer des gens pour qui tu étais un ami, pour atteindre ce but, et tues assez naïf pour croire que je vais te rejoindre. Tu me parles d'honneur, mais j'en ai cent fois plus que toi, sergent Konrad.
Celui-ci était désormais rouge de colère.
- Tu as donc oublié ce qu'on nous apprenait à l'École Militaire... Pourtant nos professeurs nous l'ont répété souvent : nous sommes seuls. Peu importe les pseudo-amitiés que j'ai liés, ils ont trahi la Coalition, il était de mon devoir de les arrêter. Et comme ça va me permettre de devenir colonel, il fallait que j'en profite.
- Tu es pitoyable, Konrad. La Guerre t'a détruit.
- Et toi tu es un faible, Sam. Je te le répète une dernière fois, car j'ai vraiment une meilleure estime de toi : es-tu sûr de ta décision ?

Sam fouilla dans ses poches, sans trop y croire, et constata que Konrad avait pris la précaution de le désarmer, pendant son sommeil. Il eut alors l'idée de sauter par la fenêtre de la chambre, même s'il ignorait quelle hauteur la séparait du sol. Alors que Konrad continuait de braquer sur lui son arme, il envoya son pied sur la vitre et la brisa. Mais Konrad appuya sur la détente, et une balle vint se loger instantanément dans sa poitrine. Le tueur s'approcha de lui, pour le regarder agoniser.
- Vraiment, je ne te comprends pas, Sam, souffla-t-il.
- Je... Suis libre, Konrad..., bafouilla le colonel avant de s'éteindre.

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Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
Bacchus
Posté le: 31-10-2013 22:36  Mis à jour: 31-10-2013 22:36
Modérateur
Inscrit le: 03-05-2012
De: Corse
Contributions: 1186
 Re: Opération O'Brian
Histoire captivante et bien développée.Un condensé de ce qui pourrait faire un bon roman, chaque paragraphe pouvant devenir un chapitre.
Bonne lecture
Merci Bacchus
aliv
Posté le: 01-11-2013 18:25  Mis à jour: 01-11-2013 18:25
Plume d'Argent
Inscrit le: 25-03-2013
De:
Contributions: 290
 Re: Opération O'Brian
Je suis d'accord avec le commentaire précédent.
Un histoire extrêmement bien relatée, captivante. Très agréable à lire.
Bravo.
Pablo59
Posté le: 01-11-2013 19:49  Mis à jour: 01-11-2013 19:49
Plume de Bronze
Inscrit le: 19-05-2013
De: France
Contributions: 24
 Re: Opération O'Brian
Merci Bacchus pour ce commentaire !
Effectivement, il serait facile de développer pour faire de cette nouvelle un roman, en développant les péripéties et les caractères des personnages.
A bientôt, Pablo.
Pablo59
Posté le: 01-11-2013 19:50  Mis à jour: 01-11-2013 19:50
Plume de Bronze
Inscrit le: 19-05-2013
De: France
Contributions: 24
 Re: Opération O'Brian
Merci aliv pour ce commentaire plein de compliments :) !
Loriane
Posté le: 02-11-2013 11:11  Mis à jour: 02-11-2013 11:11
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: Opération O'Brian
Attention Aliv, un commentaire est personnel et pour être objectif, les appréciations dans nos commentaires, ne font pas référence à ceux des autres.
Loriane
Posté le: 04-11-2013 17:29  Mis à jour: 04-11-2013 17:29
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: Opération O'Brian
Sur la forme :
Ton écriture est très bonne.
Tu as fait des chapitres, c'est bien mais à l'intérieur des chapitres tu ne vas pas assez à la ligne, et la lecture reste un peu "serrée".

Sur le fond :
C'est un récit de guerre et donc je n'accroche pas trop mais en dehors de ça, je ne comprends pas qui est l'ennemi, cette armée semble multi-nationale, donc on ne comprend pas très bien contre qui elle peut se battre.
Tu précises qu'il s'agit de récupérer des armes de destructions massives mais le véritable adversaire reste flou.
Tout comme si ce récit guerrier ne se justifiait que par un certain amour du combat et une théorie du chaos généralisé.
Une humanité désorganisée à ce point, et qui se battrait en ayant oublié pourquoi est très romanesque mais invraisemblable, car elle ne produirait et ne se reproduirait plus.
Cette fiction d'anticipation me semble aller contre la marche de l'humanité qui en se féminisant s'apaisera et perdra de son goût pour la guerre et donc placer l'action au delà de 2035 est pour moi non crédible.
Il y aura encore des conflits mais aussi généralisés et confus que celui de ton récit c'est très improbable.
Mais ce n'est que mon avis
Merci
Pablo59
Posté le: 10-11-2013 20:28  Mis à jour: 10-11-2013 20:28
Plume de Bronze
Inscrit le: 19-05-2013
De: France
Contributions: 24
 Re: Opération O'Brian
Sur la forme, j'accepte volontiers les critiques, je veillerai à espacer davantage mes sous parties dans mes prochains textes !
Par contre sur le fond, je pensais avoir assez bien expliqué dans mon "introduction" le contexte : il ne s'agit pas d'un "amour du combat", mais plutôt d'une guerre qui ne voudrait pas prendre fin car nos réserves de pétrole et de nourriture se seraient quasiment épuisées (idée de la surpopulation, etc), par conséquent chacun des camps lutterait pour s'approprier le peu qu'il reste...
Et puis, au final, ce cadre n'est qu'un prétexte, l'histoire de fond est plus importante. J'apprécie cette vision optimiste de l'avenir, mais j'avoue que je doute que, pour l'instant, nous nous dirigions vers ce genre de choses...

Merci pour ce commentaire Loriane,
A bientôt,
Pablo.
Loriane
Posté le: 10-11-2013 21:11  Mis à jour: 10-11-2013 21:11
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: Opération O'Brian
Oui, je suis de ton avis, pour l'instant ce n'est pas vers l'apaisement que nous semblons aller, quoique, mais vers 2035 nous devrons être en voie d' avoir réglé nos dissensions et rivalités car notre survie est déjà compromise et nous n'avons plus un siècle devant nous pour mettre notre appétit énergétique en veille.
Merci
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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