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UNE GRIFFURE AU COEUR
Une griffure au cœur Il me faut la panser en urgence D’une feuille de bonheur Rangée aux bas tiroirs Des meubles de l’insouciance Une griffure au cœur Et à moi les chansons puériles De gomme douleur Épargnées depuis l’enfance Calfeutré entre père et mère Sur mon terrain de Pikine Entre terre et mer Sur les collines limoneuses Aux pieds des ruisseaux
Une griffure au cœur Et à moi la plage de Thiaroye L’océan en entier Et les espaces vastes de Guinaw raîls Où j’écorche les anacardiers, Érafle les manguiers bavards Et je me fais recenseur de leurs fleurs Par ordre d’espérance de fructification Pour nos maraudages de premier âge
Une griffure au cœur Et je retourne à Eden Et je me fais grand très grand Pour me mettre aux vents des filaos frivoles Dans la langue de barbarie Je suis à Guet Ndar Je suis entre mer et fleuve J’entends quand je veux Les vagues de mon enfance Les marres ont des odeurs Les pluies rumeurs complices Les nénuphars, navires amarrés Pointent insolemment leurs mâts Au ciel de septembre Et je tâte leurs odeurs Aux pouls de mon existence Je sens à la gorge leur doux parfum
Une griffure au cœur Et je m’agrippe au passé composé Des jours heureux Pour ne point vieillir Défait et triste
Je ferme les yeux Sous les piqûres des cactus Et je mords à grandes dents Leurs fruits d’encre Et l’étoile qui déchire la gorge Qui tache mon corps Qui tache mon cœur Qui tache mon âme
Alassane NDIAYE ISRA [/left]
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