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Nouvelles : Dame Nature ne joue pas aux dés
Publié par Donaldo75 le 15-05-2014 09:43:50 ( 1157 lectures ) Articles du même auteur



Dame Nature ne joue pas aux dés


Ogrum abordait son dernier virage serré avant de relancer le moteur ionique et de déclencher la phase gravitationnelle. Il fallait bien ajuster les paramètres du vaisseau et en manuel cet exercice devenait périlleux. Mais avait-il le choix ? L’ordinateur de bord pansait ses plaies et son taux de fiabilité actuelle ne dépassait pas les soixante pour cent. Trop risqué. Pas la peine de s’écraser contre une comète ou d’être avalé par un trou noir sur les conseils sincères d’un auxiliaire de navigation devenu sourd et myope.

Ogrette n’arrivait pas à dormir malgré l’habitacle spacieux de l’aéronef et l’insonorisation parfaite qui le rendait si agréable. Pour s’occuper elle préparait le plat favori de son mari, le confit aux trois poulpes marins, un mets apprécié dans tout le système d’Alderaban et rendu célèbre par le programme humoristique « Coryza et Atchoumette » diffusé depuis une centaine de cycles sur les écrans de la galaxie. Elle restait néanmoins anxieuse, les évènements précédents ne jouant pas en leur faveur loin de là. De plus la stratégie de son têtu époux comportait quelques risques.

Q10BB recouvrait peu à peu l’intégralité de ses capacités. La vie d’ordinateur de bord présentait certains risques sans nul doute ; de la surchauffe électrique à l’overdose magnétique en passant par l’anémie positronique mais de là à se prendre des missiles en pleine unité centrale il y avait un parsec à ne pas franchir. Pourtant cette théorique improbabilité s’était produite en dépit des dernières statistiques de l’union galactique des navigateurs spatiaux qui affichaient un niveau de confiance maximal sur ce sujet. « Si même les chiffres vous trahissaient, à qui se fier ? » remarqua l’intelligence artificielle dans un sursaut d’humeur.

Nos trois héros n’exagéraient pas ; la situation passait progressivement de vaguement grave à franchement gravissime dans l’échelle universelle de Schrödinger dont le dernier échelon signifie soit la mort soit la fin des temps selon le bon vouloir de l’analyste et les théories en vogue chez les astrophysiciens. Tout ça pour une sombre affaire de virgule.

Trois jours auparavant Ogrum était encore un jeune et talentueux météorologue destiné à de grandes fonctions et en charge du climat d’une planète entière. Pas n’importe laquelle ; la mère de l’empire économique qui s’étendait sur des années lumière et dont la construction avait coûté des larmes et du sang à des générations de diverses espèces. Il venait, pour sa part, d’une province lointaine, un bout de caillou sphérique et stérile, ancienne base scientifique réhabilitée après la guerre en colonie minière et en territoire de jeu pour les nombreux adeptes des sports extrêmes. Ses études avaient été financées par une bourse universitaire, un privilège réservé aux élèves brillants détectés dès leur prime enfance et suivis pas à pas dans un système éducatif élitiste mais juste. Il avait choisi la météorologie parce que son monde natal n’en avait nul besoin, réduit à une atmosphère simpliste peu sollicitée par un soleil atteint de nanisme et avare en rayons gamma et autres ultra-violets. L’attrait de la nouveauté sans doute et aussi l’envie de découvrir d’autres espaces, des civilisations moins rustres et plus florissantes, à l’écologie complexe chargée de couleurs et de rafales de vent, telles constituaient les raisons majeures de ce choix de filière au début de ses études supérieures. Il avait réussi ; de la classe préparatoire au doctorat de sciences, de bizutage malsain en cérémonie glorieuse, il s’était hissé en haut de la pyramide sociale ; celle qui permettait d’intégrer le prestigieux ministère de la nature, une institution jalousée par les puissants et les riches, dotée d’un budget au montant astronomique et capable de faire plier sans complexe la plupart des gouvernements.

Sa carrière se déroulait comme sur des roulettes. Il enchainait les promotions et les honneurs, rencontrait sa moitié en chemin la très charmante Ogrette, un docteur en économie galactique et une sommité en matière de crédit aussi un amour dans la vie quotidienne devenue son épouse civile désormais. Le couple en vogue se voyait invité à chaque réception à la mode, bénéficiait d’une résidence privée confortable et se payait même le luxe de posséder une navette spatiale équipée du dernier cri en matière d’intelligence synthétique, bien utile quand on voyage souvent à travers les méandres de l’hyper espace.

Et puis la tuile, l’erreur bête ; un calcul différentiel dans la prévision atmosphérique s’était emballé d’une décimale conjecturant un temps idéal pour le mariage de la fille du premier magistrat de l’empire au lieu d’un cataclysme de pluie et de grêle. Le jeune Ogrum n’avait pas accordé beaucoup plus d’importance à cet évènement mondain sur le papier mais politique dans les faits puisqu’il était censé lier en fait les deux ethnies dominantes par un contrat moral, le fils de l’un et la fille de l’autre unis pour le meilleur et pour le pire. Cette fête des peuples, ce semblant d’unisson dans le concert des nations, devait théoriquement sceller à jamais la fin des querelles qui agitaient encore les différentes factions de cette fédération. Le temps du sabre laser et des canons atomiques devenait dépassé et laissait enfin place à des chants pacifistes et des poèmes de fleurs. Pendant le mois précédent cette cérémonie Ogrum révisait les algorithmes de la météorologie, préférant une version plus novatrice des formules mathématiques aux vieilles constantes utilisées fort longtemps et qu’il considérait, à juste titre pour certains, en vestiges de croyances ancestrales dénuées de logique. C’est en appliquant ces préceptes en mode expérimental qu’il oublia de vérifier ses résultats, de les croiser avec l’ancienne table des éléments naturels, de s’assurer que sa modernité scientifique ne souffrait pas d’un défaut conceptuel. Dans son envie de démontrer son génie, par manque d’humilité et aussi par jeunesse, il avait succombé au vieux péché d’orgueil en estimant que sa seule méthode suffisait largement à prédire la tendance climatique du jour précis de sacre des mariés. Il effaçait ainsi des années de recherche, des études poussées sur la physique des fluides appliquée aux vents et marées, qui convergeaient toutes sur la même conclusion ; personne ne sait vraiment ce que la nature va décider. La suite de cette méprise était facile à cerner vu de l’extérieur dans l’optique du conteur ; de présumée festive cette journée tant attendue devint catastrophique comme un gros point noir sur le calendrier et le début des ennuis pour la famille Ogrum.

Il fallait bien trouver un responsable à cette déroute. Une commission d’enquête fut désignée le lendemain même quand les stigmates de la tempête du siècle entachèrent le pouvoir des autorités, construit sur la maîtrise totale des individus, des groupes sociaux et des forces divines. La civilisation tant technocratique d’alors, débarrassée de l’irrationnel être suprême et pourvue d’une religion basée sur l’observation tangible et le discours de la raison, s’effondra d’elle même sous le poids de sa propre lourdeur telle une structure trop complexe pour supporter ses atomes. C’est le moment que choisit la vaillante Ogrette, alertée par des amis d’avant, pour prendre les choses en main. Elle affréta l’astronef familial sans tambours ni trompettes, dans l’optique d’une longue période d’exil puis persuada son Ogrum d’époux de partir illico ; nul besoin d’attendre que sa tête termine au bout d’une pique. La discrétion avait connu ses limites au passage de la tangente orbitale quand un zélé fonctionnaire de police crut bon d’habiller sa semonce de missiles offensifs. Les dégâts auraient pu causer leur perte si l’intelligence artificielle de service, le bien nommé Q10BB, n’avait pas actionné à fond le bouclier protecteur et coupé sa propre alimentation pour décupler la force magnétique du système de défense intégré. Nos trois protagonistes durent à cette initiative de vivre un peu plus longtemps que prévu par les autres. Seul Q10BB connaissait des séquelles ; une sorte de migraine en version robotique qu’il soignait désormais à coups d’électrons trafiqués.

Dans le vide sidéral alentour aucune trace des poursuivants hostiles mais Ogrum ne voulait plus connaitre les insondables affres de la mauvaise estimation d’une situation théorique. Il était vacciné de sa mâle suffisance et comptait maintenant opter pour le sain pragmatisme. Sur ces bonnes résolutions, il poussa la manette des gaz, si tant est que ce vocable s’appliqua à une technologie aussi avancée, ferma les yeux un instant en guise d’adieu et laissa son vaisseau changer de dimension. Jamais personne ne les retrouverait au vu de la multitude de possibilités que le bond dans l’espace-temps offrait comme destination.

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Auteur Commentaire en débat
couscous
Posté le: 17-05-2014 10:21  Mis à jour: 17-05-2014 10:21
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Dame Nature ne joue pas aux dés
C'est l'effet papillon ! On sent une parfaite maîtrise des termes scientifiques, ce qui donne une certaine crédibilité à ton texte, même si c'est de la SF.
J'aime l'appellation de l'ordinateur de bord. Il ne devrait jamais vieillir celui-là, il est paré !

Merci pour cette balade dans l'espace intersidéral, je prends ma soucoupe et pars faire mes courses sur Pluton.

Amitiés

Couscous
Donaldo75
Posté le: 17-05-2014 10:56  Mis à jour: 17-05-2014 10:56
Plume d'Or
Inscrit le: 14-03-2014
De: Paris
Contributions: 1111
 Re: Dame Nature ne joue pas aux dés
Merci Couscous,
On devrait se croiser; je pars en thalasso sur Neptune.
Bises
Donald
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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