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Nouvelles : Les zèbres du papier-peint
Publié par Donaldo75 le 01-07-2014 08:01:03 ( 871 lectures ) Articles du même auteur



Les zèbres du papier peint semblaient lui sourire ; Jo se dit que c'était bon signe et il se permit cinq minutes de plus avant de se lever. « Après tout, les parents d'Iris n'habitent qu'à quinze minutes d'ici. » se dit-il avant de sombrer.

Une douzaine de jeunes femmes blondes dansaient autour d'un éléphant aux défenses roses, sous une pluie de fleurs multicolores ; Jo regardait la scène, assis à côté d'un vieil homme à six bras. Il buvait un thé aux saveurs fruitées, dans une énorme tasse en forme de cochon ; son voisin fumait la pipe et recrachait des volutes orangées aux senteurs d'abricot.

Le jeune homme se réveilla en douceur ; il n'avait pas de souvenir précis de ses rêves mais il se sentait en paix, emprunt d'une zénitude absolue. Il s'étira et profita de l'absence de sa fiancée Iris pour prolonger la sensation de bien-être au lieu de se ruer sous la douche.
La réalité le rattrapa par le biais de son radio-réveil ; la petite boite lumineuse afficha midi proche de l'heure du déjeuner prévu chez les parents d'Iris. Pourtant Jo ne se demanda pas comment rejoindre le seizième arrondissement de Paris en moins de vingt-cinq minutes douche comprise, alors qu'il habitait au fin fond des Hauts de Seine ; nul besoin d'un doctorat en mécanique quantique pour en déduire qu'il arriverait en retard au repas dominical.
Jo se mit à rire ; Iris était en déplacement à l'étranger mais elle avait tenu à respecter la tradition familiale du dimanche, même si elle était absente cette fois-ci. Jo se souvint comment elle lui avait annoncé qu'elle avait maintenu cette contrainte sans lui demander son avis ; « mes parents ne comprendraient pas si tu ne venais pas. » lui avait-elle répondu quand il avait tenté de se défiler.

Jo se dirigea vers la douche ; il se sentait léger et de très bonne humeur. Il prit son temps, sans se soucier des minutes qui passaient et le rapprochaient invariablement de son exercice imposé chez sa belle-famille. Sous le jet continu de la cascade d'eau, il n'entendit ni les sonneries répétées du téléphone ni les messages rageurs d'Iris sur son répondeur. Jo continuait tranquillement son rêve indien, dans une version aquatique et savonneuse ; les nymphes aux cheveux d'or avaient laissé la place à des danseuses brunes habillées de nénuphars et le vieux sage était remplacé par un poulpe majestueux aux yeux globuleux.
Il poursuivit son éveil sans se préoccuper de la persistante lumière rouge allumée sur son téléphone ; il dégusta des fruits frais agrémentés de biscuits chocolatés et fit passer le tout avec une bonne rasade de soda. Ensuite, il enfila une tenue estivale constituée d'un bermuda anglais et d'une chemisette de tennis, chaussa des sandalettes et prit les clés de sa voiture ; il était prêt à affronter les reproches de la belle-mère qu'il n'avait jamais apprécié et qui le lui rendait bien.

Jo emprunta la rue principale puis bifurqua en direction de la voie rapide ; son cerveau lui proposa la direction de Paris mais ses bras tournèrent le volant à l'opposé, en une sorte de rébellion inconsciente contre un diktat familial trop longtemps imposé par Iris. Il roula sans réfléchir, à l'instinct, vers le sud et ses promesses de vacances ; la route était dégagée et le trajet donnait l'impression d'une excursion vers des contrées plus méridionales.
Dans un rare moment de conscience, Jo vérifia qu'il avait emporté avec lui son téléphone mobile ; il constata qu'il l'avait oublié à la maison et ne s'en formalisa pas outre-mesure. « au moins, le général Iris ne pourra pas m'insulter par messagerie interposée. » se surprit-il à penser.
Ses pensées voguèrent de souvenirs en fantasmes ; il s'imagina une vie différente, sans fiancée autoritaire ni d'objectifs de carrière et surtout dénuée de faux-semblants. Dans ses rêves les plus fous, il se vit écrivain et journaliste, au milieu des artistes et des intellectuels, comme dans les livres qu'il chérissait et dont le souvenir brûlant remontait à la surface.

La jauge de carburant le ramena sur terre ; il devait faire le plein sinon son périple risquait de se terminer sur le bas-côté, le pouce levé à l'attention d'un automobiliste assez bien disposé pour le prendre en stop. Heureusement pour lui, un panneau indiqua une station-service à moins de dix kilomètres ; il croisa les doigts pour ne pas tomber en panne d'essence d'ici-là et ralentit son allure.
Arrivé à destination, il remplit le réservoir de sa voiture et la gara sur l'aire de stationnement en face de la boutique du pompiste ; il se dirigea vers la caisse et régla son dû.
En sortant du commerce, il avisa un jeune homme tenant un carton sur lequel était inscrit 'NICE' en belles lettres noires ; il en déduisit que ce dernier souhaitait rejoindre la cité azuréenne et comptait sur la bonne volonté de ses congénères pour l'aider à atteindre son but.
Jo lui sourit et lui fit signe de s'approcher.
— J'espère que vous savez conduire, lui dit-il, parce que je ne me sens pas la force de tenir le volant pendant cinq-cents kilomètres.
— Je saurais le faire, répondit l'auto-stoppeur avec un accent belge prononcé.
— Allons-y alors, répliqua Jo. Au fait, je m'appelle Joseph, et vous ?
— Mon nom est François mais je ne suis pas encore pape, ironisa le Belge.
Jo se dit qu'il n'en avait pas fini avec les blagues lourdes et l'humour bruxellois.

La ligne blanche ondulait telle un serpent de bitume illuminé par les derniers rayons de soleil d'une journée magnifique ; Jo regarda le barbu à peine sorti de l'adolescence qui conduisait sa voiture comme un extra-terrestre piloterait un aéronef. Il imagina ensuite Iris dans le rôle du procureur expliquant à un jury composé d'oies et de paons pourquoi l'absence impromptue de son irresponsable fiancé au déjeuner familial méritait l'émasculation immédiate sans possibilité de sursis ; il sourit une dernière fois puis sombra dans ses songes peuplés d'éléphants aux défenses roses et de naïades à la chevelure de feu dans un nuage de pétales multicolores.

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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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