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Nouvelles : On va danser !
Publié par arielleffe le 16-07-2014 17:38:10 ( 867 lectures ) Articles du même auteur



Tous les jours je me gare au même endroit, devant la porte de ma maison. Je descends de ma moto, une Bonneville Cranberry Red, elle est superbe ! Il y a un marquage au sol et sur le trottoir qui interdit aux voitures de se garer là. Il reste juste un emplacement pour ma Triumph. Pas besoin de faire des manœuvres fatigantes et interminables, l’emplacement semble avoir été étudié pour nous. Si il pleut, en à peine un mètre, j’arrive jusqu’à mon entrée. Si j’ai des paquets, je ne me tue pas le dos à les porter sur de longues distances. Ma place de parking, ne se situe pas sous des arbres ou sous des perchoirs à oiseaux complètement idiots, qui s’amusent à déféquer sur les véhicules propres, non, elle est dans un emplacement dégagé, et avant de fermer la porte de mon nid douillet, je peux jeter un dernier regard sur elle. Ma petite chérie pourra attendre confortablement que je la rentre dans le garage en fin de journée. J’aime la contempler quand je passe à côté de ma fenêtre. Certains rêvent d’une vue sur la mer, moi j’ai une vue sur ma moto.

Un jour, j’arrive du travail dans ma combinaison de cuir noir, la journée a été rude, et je suis fatiguée. Une Bandit 1250 est installée juste devant ma porte, à MA place ! Une vulgaire Japonaise qui ressemble plus à un gros scooter qu’à une vraie moto. Elle a le culot de souiller l’asphalte occupé d’ordinaire par ma jolie Britannique. Mon sang ne fait qu’un tour, je me place en embuscade derrière ma fenêtre et je surveille. A qui peut bien appartenir ce tas de boue ?
Un type en jean avec un vieux blouson sans allure et un casque qui n’est pas assorti au reste de sa tenue, s’approche de l’horreur. Il accroche d’affreuses valises sur le porte bagage, et s’en va tranquillement. Je le vois qui entre dans un immeuble voisin. Le culot de ce type me scie !

Le lendemain, il part de bonne heure.

J’ai trouvé un cône orange et blanc que je place sur mon parking préféré, ainsi, il comprendra qu’il faut qu’il se gare ailleurs. Quand je rentre vers 19 heures, la routière me nargue, l’autre abruti a écrasé mon cône, il ne l’a même pas vu ! Mon sang ne fait qu’un tour, ça ne va pas se passer comme ça ! Il faut que je lui parle.
On est Samedi, l’ « Asiatique » me voit sortir ma moto d’outre-manche.

- Bonjour, elle est très jolie votre moto. Mon rêve serait de m’acheter une Tiger.

Mon pauvre gars, tu n’as pas la classe pour ce genre d’engin… Je le regarde en fronçant les sourcils, qu’il ose me parler est déjà inimaginable !

- J’aime beaucoup les Anglaises, avant j’avais une vieille Norton.

- C’est une moto mythique ! Vous avez un garage ? Je cherche un emplacement couvert pour ma Bandit, est-ce que vous auriez une place à me louer ?

Mettre sa vulgaire bécane à côté de ma beauté ? Il rêve éveillé cet abruti ! Je prends mon air pincé :

- Je suis désolée mais il n’y a plus de place. Vous savez, j’ai l’habitude de me garer là où vous mettez votre moto, cette place est juste devant ma maison.

Il rit cet idiot :

- C’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup d’emplacement dans le quartier, mais avec votre garage vous êtes parée ! Je vous donne mon zéro six, je suis plus tranquille de savoir qu’une motarde habite ici, si il y a un problème avec ma moto, n’hésitez pas à m’appeler.

Il n’a rien compris, non seulement il va continuer à se garer devant chez moi, mais en plus, il veut que je surveille son vélomoteur !

J’attends que la nuit tombe, je me glisse dehors, et j’essaie de faire tomber son engin de malheur. Il a mis la béquille centrale, impossible de bouger la moto, elle est monstrueusement lourde. Tout à coup j’entends quelqu’un qui accourt :

- Merci d’avoir empêché ma moto de tomber, il y aurait eu des dégâts, c’est super sympa.

« C’est super sympa ! », il sort des années 70 ma parole ! Dans deux minutes il va me dire que je suis « bath », et il va m’inviter à une « boum » ! Quel ringard !
Bon, c’est encore raté pour cette fois ! Il faut que je trouve une autre solution. Je vais boucher son pot d’échappement, sa chiotte va exploser, ça fera sûrement éclater mes vitres, mais son assurance me remboursera. Aussitôt dit, aussitôt fait, il a à peine tourné les talons, que je suis déjà à l’œuvre. Chiffons, bien enfoncés dans le pot catalytique, et on n’en parle plus !

A mon réveil, je suis curieuse de savoir ce qui s’est passé, j’ai dormi comme un loir, et aucun bruit suspect ne m’a réveillée. Je regarde discrètement dans la rue, la Bandit a disparu… Comment est-ce possible ? Comment ce crétin a-t-il pu partir avec l’échappement bouché ?

Dans la soirée, mon voisin revient, perché sur sa meule.

- Bonjour, comment allez-vous ?

Je bafouille, vraiment surprise :

- Bien et vous ?

- Très bien, j’adore cette moto, j’ai tiré une bourre avec un Porsche Cayenne sur l’autoroute, il a eu du mal à me décrocher !

Ce type et sa moto sont des aliens, ce n’est pas possible ! Il faut que je trouve autre chose. Les jours suivants, je lui crève les pneus. Aucun résultat. Je mets un deuxième antivol sur son pneu arrière, je raye le réservoir, j’arrache un rétro… Tous les soirs, le type revient se garer sur ma place, l’air satisfait sur sa moto rutilante.

Un soir d’Août, on frappe à ma porte. C’est mon voisin.

- Bonsoir, je ne vous dérange pas ?

Je mens :

- Non, pas du tout !

- Vous êtes comme moi, dit-il en enlevant son blouson, ce que je ne l’ai pas du tout invité à faire. Votre moto est une extension de vous-même.

J’acquiesce. Son air ne me dit rien qui vaille. Il pose son sac sur mon joli Chesterfield, il en sort une cordelette, me pousse sur une chaise, et commence à me ficeler comme un sushi dans une algue.

- Je vous observe depuis quelques temps, je sais ce que vous faites.

Ses yeux se plissent, ils ne forment plus que deux minuscules fentes.


- Ma moto et moi, nous avons beaucoup souffert des mauvais traitements que vous nous avez infligés.

Il sort de son sac, tous les instruments dont je me suis servie pour abîmer sa moto : des chiffons, des ciseaux, un marteau, un couteau de cuisine…

- Je vais vous apprendre une danse originaire du pays de ma Susuki. Je vais vous faire valser ma petite Clothilde !

J’ai enfin trouvé l’homme de ma vie !!

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Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
EXEM
Posté le: 18-07-2014 04:23  Mis à jour: 18-07-2014 04:23
Plume d'Or
Inscrit le: 23-10-2013
De:
Contributions: 1480
 Re: On va danser !
Un texte avec la rudesse du motard. La vitesse et la passion se ressemblent. J'ai aimé ce texte où deux personnes ne savent pas à quel point ils sont attirés l'une vers l'autre. Seul le lecteur le devine.
Bref. J'aime beaucoup ce texte tfrs original. Bravo Arielle. Merci.
arielleffe
Posté le: 18-07-2014 16:04  Mis à jour: 18-07-2014 16:04
Plume d'Or
Inscrit le: 06-08-2013
De: Le Havre
Contributions: 805
 Re: On va danser !
Merci EXEM, Clothilde ne peut être attirée que par quelqu'un qui serait encore plus tordu qu'elle. J'aime bien cette idée où les deux personnages font passer leur moto et donc leur petite personne avant tout le reste, et c'est ce qui les rapproche finalement.
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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