LA LETTRE :

Sans doute qu'un courriel, en voguant sur les ondes,
Franchit en peu de temps les pays, les frontières,
Mais peut-il un instant, en traversant le monde
Transporter le parfum d'une lettre d'hier ?

Te souviens-tu toujours du plaisir enfantin,
Quand tu guettais, émue, la venue du facteur ?
Tu l' attendais parfois très tôt, dès le matin;
Le temps s'éternisait lorsque passait son heure.

Les mots étaient scellés dans leur secret destin;
L'enveloppe, touchée par une main si chère
Et peut-être imprégnée d' un baiser si lointain,
Avait gardé l' odeur et l'aura du mystère.

Ces mots que tu lisais, à l'écart des regards
Quand ton coeur palpitait, que perlait une larme,
Et puis que tu rangeais au fond de ton placard
N' ont toujours pas perdu leur valeur et leur charme.

Alors, pardonne-moi: je ne peux me résoudre
A cet anonymat sans couleurs, sans odeur;
Et s' il me faut risquer de ta colère la foudre,
Je choisirais pourtant le courrier sans fadeur.