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Nouvelles confirmées : Un homme qui compte
Publié par couscous le 02-08-2014 17:57:38 ( 1040 lectures ) Articles du même auteur



Si je devais citer une personne qui a marqué mon existence, ce serait sans hésitation le gourou Kajitichy. Que de leçons il m’a enseignées !

Je l’ai croisé lors d’une conférence dans la salle paroissiale de mon petit village breton. Le thème en était « Améliorez votre vie. ». Son discours était simple, plein de bon sens et de valeurs universelles comme le respect, le travail, le partage. J’étais suspendu à ses lèvres, ce qui n’était pas le cas de la femme blonde à côté de moi qui n’arrêtait pas de pianoter sur son GSM. À l’issue de son allocution, on pouvait rencontrer le conférencier afin de le solliciter pour une dédicace de son ouvrage intitulé « Vous êtes formidables ! ». Qui n’aurait pas envie de découvrir une façon de redorer son blason, de se trouver exceptionnel, de devenir LA personne à côtoyer et dont il faut s’inspirer. Il m’invita alors à visiter son ashram perché dans un vieux monastère abandonné, posté sur un flanc de colline en Touraine.

Curieux de nature, je m’y rendis. Le gourou me reçut avec enthousiasme en me proposant de trinquer avec un délicieux nectar de sa composition et dont chaque verre consommé allongeait la vie d’une heure. Difficile à vérifier ! Cette boisson était un véritable délice. J’en repris cinq fois. Dans un état de béatitude, le maître me fit visiter les lieux. Ses disciples avaient tous le même sourire que moi. Tout le monde semblait heureux ici.

Après une longue discussion avec Kajitichy, je pris ma décision. J’en avais raz-la-casquette de ma petite vie de pianiste de concerto et je décidai de prendre une année sabbatique, le temps de me ressourcer. Je mis mon petit chien en pension chez ma voisine et je me rendis dans l’ashram avec une valise très légère, ne contenant que des sous-vêtements car les robes de bure étaient fournies par le maître des lieux. Ce dernier m’accueillit à bras ouverts. Un petit verre de nectar et j’emménageai dans ma chambre, ou plutôt ma cellule de méditation de deux mètres sur trois. Heureusement que je ne suis pas claustrophobe. Il me présenta les commodités : des toilettes à la turque et une douche fraîche à l’eau de pluie, idéale pour avoir des cheveux vigoureux et brillants.

Prônant la futilité de l’argent, Kajitichy m’avoua qu’il y avait des frais à régler pour le quotidien de la communauté et me sollicita. Dans une optique de don désintéressé, à part l’abattement fiscal, et pour le bien de tous, j’allégeai mon compte épargne de ses provisions.
Nous vivions une existence simple et spartiate, proche de la nature. Du nectar en guise de petit-déjeuner était suffisant. Notre repas de midi comportait les baies cueillies la veille, le lait que notre unique vache daignait nous donner, le pain rassis offert par le boulanger du village en contrebas, et ce, pour autant que les animaux n’avaient pas tout dévoré, le tout arrosé par le précieux nectar. Le souper du soir se résumait à une longue médiation.
La robe de bure était bien pratique pour toutes nos activités quotidiennes et elle nous servait aussi de pyjama. Au début, j’ai eu quelques démangeaisons car elles étaient fabriquées avec la laine de nos moutons qui venaient de sortir d’une infestation de puces.

Notre maître nous enseignait chaque jour ses préceptes. Mais il devait donner des cours particuliers aux femmes de notre communauté car il disait qu’elles étaient plus limitées dans la compréhension de la doctrine. C’est bien connu, les femmes, il faut tout leur répéter dix fois ! Généralement, ceux-ci avaient lieu le soir et se prolongeaient tard dans la nuit.

Nous cultivions et élevions des animaux pour notre propre consommation. La première fois que l’on me demanda d’égorger une poule, je m’évanouis. La fois suivante, je ne réfléchis pas et tranchai dans le vif. Il faut dire que je sortais d’une diète de sept jours dans un but de purification de nos corps. La faim justifie les moyens, dit-on ! Mais le poulet m’échappa et je restai avec sa tête dans la main pendant que son corps prenait la poudre d’escampettes en direction de l’étang. Nous le rattrapâmes juste à temps avant qu’il ne se noie. Mais le pouvait-il encore ?

Un jour, je me suis blessé aux doigts en moissonnant le blé à la serpette. Notre maître prônant une médecine naturelle, il m’appliqua des onguents à base de plantes et tripla ma dose de nectar. Je ne ressentais plus de douleur lancinante après quelques jours mais j’eus la drôle de surprise de retrouver, un beau matin, mes deux doigts au fond de ma couche. Pas de quoi paniquer ! Il n’y avait plus de risque de gangrène et de toute façon notre corps entier est voué à disparaître, mes doigts juste un peu plus tôt que le reste. Nous leur organisâmes une célébration d’enterrement digne de ce nom. Notre gourou officiant la cérémonie revêtit pour l’occasion sa robe de bure immaculée, en laine de lamas de l’Himalaya. Son discours était touchant. J’en eus les larmes à l’œil.

Un jour, il fallut se décider à réparer la toiture car le ciel risquait de nous tomber sur la tête au prochain orage. En bon breton, j’étais effrayé. Je décidai de vendre ma petite maison, qui de tout façon, ne me servait plus. Le toit fut rénové mais depuis lors, Kajitichy s’absentait de plus en plus, prétextant des conférences dans des contrées lointaines, comme la Belgique et la Suisse. Il fut alors remplacé dans ses tâches de supervision et de distribution de nectar par Bacchusty, le plus ancien disciple de la communauté qui était devenu son bras droit.

Quelques semaines plus tard, la police débarqua dans notre havre de paix. Les hommes en uniforme nous annoncèrent triomphalement : « Vous êtes libres maintenant. Nous avons un mandat d’arrêt contre celui qui vous détient. » Nous ne comprenions rien. Voyant nos regards hagards et nos pupilles dilatées, nous fûmes conduits dans un centre de désintoxication.

On me plaça dans une chambre nettement plus spacieuse et lumineuse que ma cellule de médiation. Les premiers jours furent terribles. Je tremblais, transpirais à seaux, je suffoquais tellement que je crus mes derniers jours arrivés. Apparemment, nous avions été drogués. Le nectar, servi généreusement, nous transformait en moutons obéissants et béats. Une fois mes esprits retrouvés, j’appris que notre gourou, ou plutôt notre geôlier, s’appelait Serge Bonnesanté. Il s’était apparemment exilé sur une île paradisiaque, achetée avec les deniers de ses fidèles, amassés au fil des ans.

Je me retrouve donc sans toit, fauché comme les blés que je moissonnais, même mon chien ne me reconnaît plus. Il me faut envisager une autre carrière car qui engagerait un pianiste à huit doigts ?

Sacré Serge ! On peut dire qu’il aura bouleversé mon existence mais l’aura-t-il prolongée…

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Auteur Commentaire en débat
Alanna
Posté le: 02-08-2014 18:38  Mis à jour: 02-08-2014 18:38
Régulier
Inscrit le: 26-07-2014
De: Melun
Contributions: 66
 Re: Un homme qui compte
Que d'humour
Merci pour ce très bon moment
Comme quoi il faut toujours se méfier des délicieux nectars
L'ambroisie n'est pas toujours salutaire
Merci
Marie.
couscous
Posté le: 02-08-2014 19:25  Mis à jour: 02-08-2014 19:25
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Un homme qui compte
Tout à fait Alanna ! Restons prudentes...

Merci

Couscous
Titi
Posté le: 02-08-2014 19:51  Mis à jour: 02-08-2014 19:51
Administrateur
Inscrit le: 30-05-2013
De:
Contributions: 1622
 Re: Un homme qui compte
Merci pour cette humoristique évocation de ce petit havre de paix !!

La méditation, aura au moins confirmé, ce dont je me doutais depuis bien longtemps , et par lâcheté, je te cite : ‘’ c’est bien connu les femmes il faut tout leur répéter ’’ !!! SVP:Ne le répète pas à la mienne!!!!

Moi en tous cas j’ai bien ri, avec en autre ton pianiste à 8 doigts, d’autant pour ce qui me concerne c’est amplement suffisant, sachant que pour taper sur mon ordi je ne sers que d’un !!!

Une remarque tout de même, le prénom de ton héros Serge, m’a profondément choqué, d’autant que je connais bien un Serge en Touraine, mais il est plus glouglou, que gourou.

D’ailleurs, si ta route te menait un jour vers ces contrées, il te proposera un nectar naturel à base de jus de raisin ,rouge, rosé ou blanc, qui faute de faire tomber 2 doigts , te permettra de réclamer à ton hôte :remettez nous cà, mais avec mesure, juste 2 doigts.

Je t’embrasse et te remercie pour cette contribution joyeuse

Amitiés
couscous
Posté le: 02-08-2014 20:59  Mis à jour: 02-08-2014 20:59
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Un homme qui compte
Kjtiti, moi je ne me sers que de deux doigts. Je peux te donner des cours de dactylo contre quelques verres de ton nectar rosé de préférence.

Bises mon glouglou et merci pour ta cordiale invitation.

Couscous
Bacchus
Posté le: 02-08-2014 23:12  Mis à jour: 02-08-2014 23:12
Modérateur
Inscrit le: 03-05-2012
De: Corse
Contributions: 1186
 Re: Un homme qui compte
A titre indicatif, j'ai eu des nouvelles de ce fameux Bacchusty:
Il semblerait qu'il ait pu passer au travers des mailles des filets de la police et qu'il coulerait ses jours heureux dans une île ensoleillée, entouré de fidèles aimants et au milieu d'un décor verdoyant.
Il vous invite à le rejoindre. Modalités de défraiement à considérer après contact....
Ce qui m'étonne le plus dans ton histoire, Couscous, c'est que ce soit un breton qui se fait pigeonné . Il devait avoir d'autres origines...
Bises de Bacchus
couscous
Posté le: 03-08-2014 06:40  Mis à jour: 03-08-2014 06:40
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Un homme qui compte
Je vais essayer de le contacter. J'ai encore envie de vacances. J'espère qu'il me fera un bon prix.

Non, breton pur jus. Il a les yeux bridés et mange des frites tous les dimanche.

Bises mon Bacchus

Couscous
Loriane
Posté le: 03-08-2014 11:26  Mis à jour: 03-08-2014 11:28
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: Un homme qui compte
Nom d'une pipe en bois ! il t'a fait payer la pension !! Ça j'y crois pas., j'y crois pas du tout, pas un instant.
Kajitichy, est un homme de bien qui sait partager le vin, mais qui ne boit que de l'eau quand il va sur les routes porter la bonne parole.
Il faut se mobiliser et prier pour la libération de Kajitichy, dont les écrits nous enseignent une sagesse ignorée, je me demande si " In vino veritas" n'est pas de lui, il aurait je crois été plagié.
Non décidément cela ne se peut, " C’est bien connu, les femmes, il faut tout leur répéter dix fois" est une accusation infâme d'infidèles jaloux, c'est là une pensée qui n'est pas la sienne, et qu'il n'enseigne pas dans ses écrits sacrés, tout cela est bien injuste.
Quand aux toilettes à la turque, remplacées dernièrement par les toilettes sèches sur les conseils éclairés de son disciple Bové, ce sont là, des avancements considérablement dans le respect de la déesse nature., ils sont de plus devenus depuis peu des lieux de prières, des lieux de recueillement favorisé par l'isolement.
Prions tous pour le retour en gloire de sa sainteté Kajitichy, victime de la propagande malveillante des non-croyants.
Merci mes soeurs et frères.
emma
Posté le: 03-08-2014 14:15  Mis à jour: 03-08-2014 14:15
Modérateur
Inscrit le: 02-02-2012
De: Paris
Contributions: 1494
 Re: Un homme qui compte
un homme qui compte, certes. Mais qui a certainement plutôt compté l'argent des autres...

Cette fable me fait rire, mais elle renvoit à combien d'histoires réelles. Triste et étrange comme les pervers manipulateurs peuvent mettre sous leur contrôle des communautés entières...
couscous
Posté le: 04-08-2014 21:14  Mis à jour: 04-08-2014 21:14
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Un homme qui compte
Loriane, ne t'en fais pas. J'ai levé une collecte pour notre gourou. Amen du nectar !

Emma, il vaut mieux parfois rire de choses pour les exorciser.

Merci les filles.

Couscous
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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