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Nouvelles confirmées : La Dame de Carreau joue à Pique
Publié par Donaldo75 le 13-12-2014 19:50:44 ( 952 lectures ) Articles du même auteur



La Dame de Carreau joue à Pique


La sonde atterrit sans encombre sur Kepler317z.
XVR contacta l’équipe restée en orbite. Il donna les dernières instructions avant de poser le pied sur la planète. Son équipage pointa le radar numérique sur la zone à explorer et lança la séquence d’enregistrement.

« A la guerre comme à la guerre ! » dit XVR à l’attention de ses camarades d’exploration.
Il ouvrit le dernier sas puis foula le sol rougeâtre de Kepler317z. Ses instruments embarqués mesurèrent la composition exacte de l’atmosphère, au cas où un élément chimique inconnu ne se soit engouffré dans le vent moléculaire.
XVR ne s’inquiéta pas outre-mesure. Génétiquement modifié depuis des siècles, il représentait l’homme du trentième siècle, le conquérant des mondes lointains, le bâtisseur de civilisations. Respirer de l’azote, du méthane ou la soupe de son cuisinier ne pouvait en rien affecter son organisme optimisé par des années de recherche en génétique appliquée. Plus fort que les humanoïdes au cerveau positronique, plus malin que les poulpes d’Aldebaran, plus fourbe que les proto-crabes de Lyrae, XVR symbolisait la supériorité de l’espèce humaine sur le reste de la galaxie.

« Une moitié de souffre, un tiers d’oxygène, le reste est azoté ou inerte » lui confirma SISTER.
L’Intelligence Artificielle Embarquée, prénommée SISTER en l’honneur d’un très vieux groupe de musique, gardait la sonde en l’absence de XVR. Dotée d’un cerveau positronique, soumise aux Trois Lois de la Robotique, elle constituait le complément idéal à tout Explorateur de Niveau Sept. Capable de prendre des initiatives, d’assurer l’interface entre le vaisseau au sol et l’orbiteur, elle communiquait directement avec XVR par le biais d’un module implanté dans le crâne de l’humain.

XVR avança sur un terrain rocailleux, désolé et semblable à une plaine volcanique. Pourtant, il n’y avait nulle trace d’activité tectonique, de magma ancien ou d’épisode géologique. Le paysage semblait seulement désertique, inhabité, impropre à la vie carbonée telle que l’entendaient les spécialistes de la biologie extra-terrestre.
XVR procéda aux prélèvements règlementaires. Cette tâche servait à déterminer l’éligibilité de la planète à une future colonisation humaine. Dans l’hypothèse positive, il établirait un rapport circonstancié, appuyé par les analyses de SISTER, en vue d’inscrire Kepler317z dans un programme de mise aux normes. Dans le cas contraire, le monde tellurique servirait de base d’extraction minière à des plateformes automatisées, gérées par des androïdes sans âme. L’avenir de cette sphère rocheuse se résumait à deux options : une concession immobilière ou une zone industrielle.

« Encore un caillou à dépouiller de ses richesses minérales ! » se dit XVR, désabusé.
SISTER interrompit ses pensées.
— Un orage magnétique impromptu arrive sur vous à la vitesse d’un cheval. Revenez à la sonde !
— Combien de temps avant l’impact, SISTER ?
— Trente minutes.
— Je serai trop court.
— Je sais. Tentez de vous rapprocher. Nous verrons comment gérer la suite.

XVR fit demi-tour, pas inquiet pour deux sous.
Retourner au chaud dans sa capsule lui allait bien. Il commençait à s’ennuyer de ces missions commanditées par un consortium plus intéressé par les profits que par la science. Participer à l’expansion des habitations à loyers modérés ne rentrait pas dans la liste de ses motivations. Voyager des centaines d’années à travers la galaxie juste pour permettre à des ouvriers spécialisés d’installer leur famille, leur tondeuse à gazon et leurs nains de jardin ne le passionnait pas.
XVR continua d’accélérer le pas. Il sentit les effluves soufrées d’une tempête électromagnétique, comme il en avait déjà vécu sur certains satellites de géantes gazeuses. Un tel phénomène climatique n’était pas vraiment dangereux car les aéronefs étaient depuis longtemps équipés des boucliers suffisants pour en atténuer les effets. Quant à son corps, il était protégé par sa combinaison.

XRV aperçut la sonde à une centaine de mètres quand la première vague le frappa.
Surpris, il s’affala lourdement sur le sol. SISTER établit une communication d’urgence.
— Le vaisseau ne tiendra pas au-delà de la troisième rafale, affirma l’Intelligence Artificielle.
— Décolle ! Je survivrai d’ici la fin de l’orage.
— Je reste en orbite intermédiaire. J’enregistrerai tout.

XVR soupira en pensant à SISTER en train de l’utiliser comme un vulgaire cobaye.
L’explorateur se mit en boule, dans la position recommandée par les manuels de survie. Il regarda sa capsule s’envoler dans la fureur des éléments déchainés.
Le ciel changea plusieurs fois de couleur durant les quatre vagues suivantes, avant de passer à des tonalités plus sombres, entre la nuit et les ténèbres. Kepler317z n’ayant pas de satellite naturel, la planète ne pouvait compter que sur son étoile nourricière pour lui apporter un semblant de lumière. L’épaisseur de son atmosphère la protégeait des rayons mortels mais la plongeait dans une semi-pénombre durant les trois quart de sa période de rotation.

XVR commença à trouver le temps long.
Il tenta de contacter SISTER.
— SISTER, je ne vois plus la sonde. Où es-tu ?
— Qui c’est SISTER ?
XVR sursauta. Il ne reconnut pas la voix qui s’adressait à lui. Elle n’avait rien d’humain et pourtant elle lui parlait en galactique classique, sans accent ni intonation mécanique.
— Qui êtes-vous ?
— Je vous ai posé la première question. Merci de répondre. Vous avez appris la politesse sur Lyrae ?
XVR accepta de rentrer dans une discussion sociale avec l’inconnu.
— SISTER est l’Intelligence Artificielle Embarquée de mon vaisseau. Elle me sert de lien avec les membres de mon équipage.
— Elle est de votre famille ?
— Non. C’est juste son nom, SISTER.
— Elle est mignonne ?

XVR commença à douter du sérieux de son interlocuteur.
— C’est une histoire de goûts. Il faut aimer les circuits intégrés et les puces électroniques.
— C’est un ordinateur ?
— En quelque sorte, oui !
— Beuaark ! J’en ai mangé un une fois. C’est fade. J’ai eu des gaz pendant des heures.
— Bon. J’ai répondu à votre question. A votre tour.
— Mon nom est Gebeleizis. Mes amis m’appellent GB. Vous êtes ici chez moi.
— Moi, c’est XVR. Je viens de la Terre. Vous connaissez ?
— Enchanté XVR. Je connais la Terre. Un endroit surestimé si vous voulez avoir mon avis. J’y ai vécu mais les habitants du cru étaient cons comme des manches.
— C’est là que vous avez avalé un ordinateur ?
— Non. Je suis parti avant qu’ils n’inventent cet aliment. J’en ai mangé ici. Une espèce de théière volante s’est pointé dans mon jardin. Des petits gars gris, plus petits que vous mais d’un genre proche, en sont sortis. Pendant qu’ils visitaient les environs, je suis allé voir l’intérieur de leur vaisseau. J’ai eu un petit creux. Voilà l’histoire.

XVR regarda de nouveau le ciel.
De noir, la voute céleste passait au pourpre, une couleur proche de celle du sang humain. L’explorateur le vit comme un mauvais présage aussi décida-t-il d’en savoir plus sur les intentions de son interlocuteur. Il joua la carte du touriste perdu dans son voyage intersidéral.
— Il est grand votre jardin ?
— Assez, oui.
— Grand comment ? Je demande ça parce que je pense m’être égaré. Mon navigateur n’indiquait pas de propriété privée sur le parcours.
— C’est toute la planète.
XVR accusa le coup. Il ne pensait pas tomber sur un jardinier de l’espace.
— C’est votre métier, le jardinage ?
— Vous êtes sérieux ? Quel seigneur digne de ce nom s’abaisserait à planter, semer, biner, creuser et j’en oublie ? C’est décoratif.
— Qui s’en occupe, alors ?
— Les petits curieux qui se perdent ici. Les gris ont tenu une centaine de cycle avant de mourir d’épuisement. J’espère que vous serez plus résistant. Vos copains aussi.
— Quels copains ?
— Ceux qui tournent autour de mon jardin, enfermés dans une coquille blanche. Ils ne devraient pas tarder à arriver ici.

XVR tenta vainement de rétablir le contact avec SISTER et avec l’orbiteur.
Son cerveau n’afficha rien, uniquement des colorations bistres. L’explorateur n’avait jamais expérimenté un brouillage de cette efficacité, même pendant les guerres contre Aldébaran ou Orion.
— Nous n’y connaissons rien en plantes !
— Qui vous parle de plantes ? Vous me prenez pour qui ? C’est ringard ! J’ai donné côté potager, verger, fleurs et toute la batterie végétale. En plus d’être fragile, ces conneries demandent de la patience, du doigté et de leur chanter des comptines. C’était bon quand j’habitais sur la Terre mais maintenant je fais dans le noble, l’inoubliable, le légendaire.
— Qu’est-ce que vous cultivez ?
— Vous sortez d’où ? On a déjà oublié Gebeleizis sur la Terre ? On est peu de choses, finalement.

XVR sonda sa mémoire.
Sans SISTER, il n’avait pas accès à l’intégralité des connaissances terrestres. Son éducation avait consisté à étudier les sciences dures et non l’Histoire ou les légendes anciennes.
XVR avoua son inculture.
— Je suis un peu léger en culture. Je vous demande d’être indulgent avec moi sur ce coup, GB.
— Ohoh ! Allez, je vous donne une seconde chance, XVR. Est-ce que vous connaissez Cottyto ?
— Pas plus. Vous avez une photo ?
— Bien sûr ! Une beauté comme elle, je ne vais pas bouder mon plaisir.

XVR reçut l’image en pleins neurones.
Dans son esprit s’afficha une superbe matrone, similaire à la dame de carreau dans les jeux de cartes ancestraux. Sa mine radieuse et tranquille tranchait avec la menace à peine voilée de GB.
— Je la reconnais, tenta-t-il. Chez moi à Las Vegas, on l’appelle Rachel.
— Ah, quand même ! C’est ma dulcinée. Enfin, j’espère qu’un jour elle acceptera de s’unir avec moi. Il parait que je ne suis pas assez bien pour elle, que j’écorche des animaux et tout ça tout ça.
— Racontez m’en un peu plus sur elle.
— Elle tient le jardin. En vrai, je l’ai acheté pour elle. Il m’a couté un bras. Le vendeur, un radin de première, a négocié à m’en presser la bourse. J’ai bien cru que jamais je ne l’aurais.
— Alors, maintenant que j’en sais plus sur vos amours, dites moi ce que cultive votre future épouse.
— Des âmes, mon cher XVR. C’est son dada. Elle reçoit les âmes des humains qui ont fauté. Les vilains, les méchants, les dictateurs, les tricheurs, les évangélistes, tout est bon. Elle est maniaque.
— Je croyais qu’ils allaient en Enfer.
— Certes oui mais le Diable connait aussi des problèmes de place, surtout depuis que votre civilisation s’est mise en tête de construire partout et n’importe comment. La Voie Lactée n’est pas illimitée. Résultat de la crise du logement : il revend des âmes par wagons.

XVR tourna le problème dans tous les sens.
Il était coincé sur Kepler317z, avec un ennemi invisible qui lui parlait directement par l’esprit. De plus, les autres membres de l’équipe d’exploration semblaient capturés ou en voie de l’être. Aucune communication ne passait entre lui et les autres. Son futur se résumait à une sorte d’esclavage sur le vaste territoire de Gebeleizis, sous la gouverne de la dame Cottyto, à cultiver les âmes rachetées au Seigneur des Enfers. Tout ceci ne sentait pas la logique cartésienne.

XVR reçut un flux binaire au creux de la moelle épinière.
Dans les procédures de secours, cette tactique servait à établir un contact codé et donc indéchiffrable entre l’Explorateur de Niveau Sept et son Intelligence Artificielle Embarquée. XVR avait été entraîné pour communiquer par ce biais, via des impulsions électriques. Le hic dans le cas de Gebeleizis, résidait dans la capacité de l’adversaire à intercepter les informations entrantes et sortantes du cerveau de XVR.

XVR décida de jouer au poker menteur, une technique qu’il avait enseignée à SISTER.
— SISTER, déclenche la procédure de la Dame de Pique, ordonna-t-il.
— A ce point-là, XVR ?
— Je ne rejoindrai pas l’orbiteur. Il en est de même pour les autres membres de l’équipage dont toi. Il ne reste pas beaucoup de solutions hormis atomiser cette planète et tout ce quadrant de la galaxie.
— J’envoie les ordres immédiatement.
— Hop hop hop, dit une voix reconnaissable entre toutes. J’ai payé assez cher ce jardin. Vous n’allez quand même pas le griller sans discuter.
— C’est le règlement GB, répondit XVR. Si mon équipage est en danger, on passe en DEFCON Trois. Dès que je suis moi aussi concerné par un péril immédiat, SISTER déclenche le DEFCON Deux.
— Qu’est-ce qu’il y a après Deux ?
— Es-tu bon en arithmétique ?
— Oui !
— Après Deux, il y a Un. DEFCON Un signifie atomisation de ton monde et de tous ses habitants. Vous devenez alors DEFCON Zéro. Un univers mort et banni par les Humains.

XVR laissa réfléchir GB.
En attendant une réaction de son interlocuteur, il envoya des ordres fictifs à SISTER, dans le but d’appuyer ses dires. Soudain, une voix féminine l’interrompit dans sa communication.
— Qu’est-ce que c’est que cette affabulation avec vos DEFCON et vos chiffres ?
— Ma mie, c’est sérieux, répondit GB. Je les ai entendus parler, lui et son ordinateur.
— Moi aussi, Gebeleizis. C’est du bluff.
— Cottyto, ma chérie, es-tu prête à risquer ta collection d’âmes sur une intuition ?
— Je t’en foutrais, moi, des intuitions, répliqua Cottyto.

XVR sentit le ciel s’embraser et devenir un incendie spatial.
Il tenta de reprendre contact avec SISTER. En vain. L’éther sonore laissa place à un grésillement, le signe évident d’une fin de communication. Pour toujours.
— Bon, j’attends toujours ton DEFCON Zéro, le jardinier, ironisa Cottyto.
— Nous sommes perdus, dit Gebeleizis. Ils vont déchainer le feu nucléaire sur notre monde.
— Je comprends pourquoi les Terriens t’ont chassé de leur planète, lança Cottyto. Tu es vraiment un sous-fifre, juste bon à effrayer les crédules et à envoyer au lit les enfants. Je me demande pourquoi tu t’acharnes à vouloir m’épouser, Gebeleizis. Jamais je ne me mélangerai avec un abruti comme toi. Envoie ton nouveau jardinier à la niche et va me planter quelques âmes.

XVR perdit ses dernières illusions. L’exploration spatiale était terminée pour lui. Il allait devoir se recycler dans le jardinage pour une mégère aux pouvoirs infinis. XVR se fit une raison.

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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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