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Nouvelles confirmées : I-mâle
Publié par Donaldo75 le 21-12-2014 21:20:00 ( 1003 lectures ) Articles du même auteur



I-mâle


Todd sentit son smartphone vibrer.
Le jeune homme se dirigea vers la porte de la rame et descendit à l'arrêt suivant. Ensuite, la procédure classique s'appliqua : sortir de la station, trouver un bar tranquille disposant d'une terrasse puis consulter ses messages.
« Madame Violette demande tes services ce soir à partir de huit heures. Bal costumé. » disait le courrier électronique.
Todd accepta la requête avec un minimum de mots, dans le but de conserver la discrétion indispensable à ce type d'opération.
« OK. Où ? Nature des prestations et type de clientèle ? Niveau de risque ? »

Todd n'attendit pas la réponse.
Il avala son café puis se leva pour reprendre le métro, en direction de la planque du seizième arrondissement, un endroit anonyme où il pourrait se changer et organiser sa soirée.
Arrivé devant l'immeuble haussmannien de la rue Victor Hugo, Todd composa les quatre chiffres du code d'entrée puis prit l'ascenseur jusqu'au dernier étage et enfin emprunta un petit escalier en colimaçon pour rejoindre le double appartement placé sous les toits.
— Identification, lui répondit une voix métallique lorsqu'il frappa à la porte.
— Todd, protocole 0125, clé 3300017, précisa le jeune homme.
Le paillasson se mit à grésiller. Todd sentit un léger courant électrique le parcourir des pieds à la tête.
— Contrôle terminé, dit une voix synthétique de tonalité féminine. Tu peux entrer, Todd.

Todd entra dans le vestibule, une sorte de sas décoré à l'ancienne.
Le jeune homme regarda sur sa droite puis sur sa gauche, à la recherche d'une indication sur le chemin à suivre. Il ne connaissait pas cet endroit, chaque planque possédant sa propre identité.
— Où dois-je aller ?
— Attend ici, Todd, répondit la voix. Je pilote la logistique. Il me faut préparer ton matériel.
— D'accord. Quel est ton nom ?
— I-Rina-122.
— Dernier modèle d'intelligence artificielle intégrée ?
— Oui. C'est ma première mise en situation réelle. Je suis fière de travailler avec toi, Todd.
— Tu me connais ?
— Tu es une légende dans l'industrie du plaisir tarifé. J'ai eu le temps de lire ton dossier lors de la procédure d'identification.
— Est-ce toi, I-Rina-122, qui va me briefer sur les détails de la mission ?
— Oui, Todd. Je vais même faire mieux que ça.

Todd sortit de l'immeuble à dix-neuf heures trente.
Un taxi stationnait devant l'entrée principale. Todd n'avait plus qu'à monter dans la berline noire pour se rendre au bal costumé. Vêtu d'un smoking classique, avec le nœud papillon de rigueur, Todd passerait sans problème les cerbères du palais ducal où l'attendait sa cliente, connue sous le surnom de Madame Violette et dont il avait entendu parler récemment.
I-Rina-122 l'avait entièrement briefé sur les attentes de la dame. Todd avait pris la médication indispensable à ce type d'opération, particulièrement quand elle devait durer un week-end entier, du vendredi soir au lundi matin.
Le service d'ordre se montra fidèle à sa réputation. Todd passa sans encombres les contrôles de la sécurité. En regardant alentour, il constata la présence du tout-Paris : les politiciens et leurs femmes paradaient devant les stars du show-business et les repêchés de la télé-réalité, sans compter quelques sportifs en vogue et un bon paquet de mannequins invités pour agrémenter le décor.
Todd repéra aussi des collègues dont la grande Angelica, une splendide brune à qui les légendes urbaines attribuaient des pouvoirs magiques et des origines divines.

Todd entra enfin dans le saint des saints.
Débarrassé de son smartphone multi-fonctions, il n'était pas nu pour autant car I-Rina-122 lui avait posé un implant neuronal pour communiquer avec le central et surtout avec sa cliente. Issu d'une très haute technologie militaire russe, ce dispositif était indétectable par les contrôleurs utilisés lors de ces événements mondains, assurant la sécurité des professionnels comme Todd en cas de danger imminent.
— Montez les escaliers puis tournez à droite au second étage. Prenez ensuite la quatrième porte sur votre gauche, lui ordonna une voix humaine.
Todd confirma l'ordre avant de se diriger vers l'endroit indiqué. Il eut à peine le temps de gravir quelques marches quand il sentit une main sur son épaule.
— Pourquoi ne suis-je pas étonnée de te voir ici ? Tout le gratin de notre profession a été invité, lui dit Angelica.
— Depuis l'ouverture du palais ducal et l'arrivée de ses propriétaires, jamais nos collègues n'ont autant travaillé, répliqua Todd. C'est pourtant la première fois que nous sommes conviés en même temps ici, entre concurrents, sans que ça ne fasse de vagues.
— Les clients ont mis les moyens en termes de cash. Au prix qu'ils acceptent, on peut enterrer la hache de guerre. Nous sommes tous gagnants.
— Ce serait sympa si nous étions engagés dans la même session, Angelica. La dernière fois, j'ai beaucoup aimé.
— Je crois que tu ne seras pas déçu, Todd. Moi aussi, j'ai adoré nos échanges passés. Je crois à notre parfaite compatibilité. Tu devrais travailler pour moi au lieu de perdre ton temps dans une multinationale du sexe. Tu vas finir par tourner des films pornographiques avec des acteurs fatigués et des actrices blasées, pour une clientèle de consommateurs pressés d'en finir avec l'abstinence.
— J'y pense sérieusement, Angelica.
— Pourquoi attendre, Todd ? Je peux te faire signer un contrat maintenant.
— Ce n'est pas si simple. Il y a des contraintes juridiques à respecter. Notre business est très encadré par les autorités.
— Je sais. Je te demande seulement de me donner ton accord verbal. Ta parole d'honneur me suffit.

Todd réfléchit à la proposition d'Angelica.
La rumeur prétendait que la belle brune dévorait ses amants. Todd savait qu'il deviendrait son homme s'il signait un tel accord. Angelica ne lui était pas indifférente, cela d'autant plus qu'elle lui avait donné du plaisir véritable lors de leurs missions communes, une sensation trop rare dans son métier pour être oubliée.
Le jeune homme n'était pas un peureux. La vie lui paraissait suffisamment courte pour ne pas se lancer dans de nouvelles aventures, même s'il devait finir dans l'estomac d'une mante religieuse déguisée en beauté gothique.
— Je signe avec toi, Angelica, répondit-il.
— Donne moi ta main.
Todd obéit à sa nouvelle patronne et certainement future amante. Angelica enlaça son poignet de ses doigts fins et puissants. Todd ressentit une étrange impression de vide, comme si son corps était aspiré dans l'éther. Il ne perdit pas connaissance au sens physique du terme mais son esprit quitta son enveloppe corporelle pour un voyage de quelques secondes.

Todd rouvrit les yeux.
Angelica se tenait toujours en face de lui. Il était debout sur les escaliers du palais ducal. Le décor n'avait pas changé, pourtant le jeune homme sentait une imperceptible différence entre avant et après sa courte perte de conscience.
— Tu es à moi et je suis à toi, conclut Angelica. Désormais, nous pouvons communiquer sans parler si c'est nécessaire, à distance, sur une fréquence impossible à pirater. Tu verras à quel point c'est utile. Je te laisse rejoindre ta cliente, mon cher Todd.

Todd regarda Angelica avant de se diriger vers son lieu de rendez-vous.
Il ne savait que penser de cette expérience et encore moins des dernières paroles de sa ténébreuse partenaire mais, avant tout, il avait une mission à accomplir avec une autre mystérieuse femme.
Arrivé devant la quatrième porte gauche du couloir droit au second étage, Todd entra sans frapper. Le jeune homme essaya d'allumer la lumière mais nul interrupteur ne fonctionna. Il en fut quitte pour se déplacer à l'aveuglette dans une salle inconnue.
— C'est bon. Vous pouvez vous arrêter là et rester debout, ordonna une voix féminine. Je suis Madame Violette.
— Ne souhaitez vous pas me voir au lieu de me laisser dans l'obscurité, Madame Violette ?
— Ce n'est pas parce que vous ne me voyez pas que je ne vous vois pas, Todd.
— Et si j'avais envie de vous admirer, Madame Violette ?
— Vous n'aimeriez pas, Todd ! Croyez moi. Si je recrute des professionnels du plaisir physique, ce n'est pas pour leur montrer mes atours. Je compte sur eux pour dépasser leur conception humaine de l'esthétique. Me suis-je trompée avec vous, Todd ?
— Non Madame Violette. Je n'ai pas de préjugé en la matière.
— Mais vous avez des préférences ? Je vois une image dans votre cerveau. Elle représente une grande femme brune, aux yeux violets, au corps fin et élancé. Elle est habillée de noir et vous sourit. Cette image vous apaise.
— C'est une collègue. Je viens de la rencontrer.
— Elle vous plaît ?
— Je ne peux pas vous le cacher donc je réponds que oui.
— Vous l'aimez ?
— Je ne sais pas ce que cela signifie. L'Amour ne fait pas partie de mes attributions.
— Vous êtes uniquement une machine à plaisir ?
— Je suis ce que vous me demandez. Si vous souhaitez jouir dans mes bras, je vous envoie au Nirvana. Si votre choix se porte sur le confident, je vous écoute, je vous parle, je vous prodigue des conseils sincères et variés. Si vous désirez m'arborez comme un objet décoratif, je rayonne, je vous fais briller de mes propres feux et je rends votre entourage admiratif.
— Je ne veux rien de tout ça, Todd. Je n'ai que faire des admirateurs. Je ne me confie à personne. Enfin, sachez-le, vous ne sauriez me faire frémir tellement je suis loin de vous.
— Pourquoi m'avez vous engagé, Madame Violette ?

Todd ne s'affola pas outre-mesure.
Dans sa vie professionnelle, il en avait vu des clients farfelus, des hommes ou des femmes aux exigences parfois impossibles. Le jeune homme se rappela ce couple de riches banquiers qui l'avaient loué pour la semaine. Le mari, un dénommé Edgar, l'avait enfermé dans une superbe bâtisse équipée pour vivre en parfaite autonomie puis il ne l'avait plus revu. A sa sortie, il avait demandé à l'épouse, une très belle quinquagénaire du nom de Vera, à quoi bon recourir à ses services si c'était pour ne plus le revoir et pour l'abandonner seul dans une maison automatique. Vera lui avait répondu, avec un sourire enchanteur et une moue de petite fille : « pendant sept jours vous avez été à nous, complètement et sans partages ».

Madame Violette semblait du même acabit. Elle ne lui demandait rien de spécial, a priori.
— Vous avez totalement raison Todd. Je n'attends rien de vous en particulier, confirma Madame Violette. Vous êtes mon expérience ultime.
— Allez-vous m'expliquer ?
— Juste l'essentiel. J'ai loué, pour cette expérience, une douzaine de professionnels du plaisir, le nec plus ultra de votre profession. Six mâles et six femelles.
— Douze cobayes ? A quoi servent les autres consœurs et confrères que j'ai remarqué lors de mon entrée au palais ?
— Ils font partie des meubles. J'ai besoin d'eux pour que la soirée ressemble à un grand événement. Ils sont à la fois décoratifs et attractifs. Un parfait piège à mouches.

Todd tressaillit à la pensée s'être cantonné au rang d'insecte.
Son cerveau ouvrit la porte à son imagination. Il commença à entrevoir les agapes festives des invités. Le jeune homme laissa le film s'immiscer dans sa tête. Il en déroula la bobine.
La fête était à son comble, calquée sur les soirées vénitiennes du temps de la Renaissance Italienne, quand les nantis s'encanaillaient dans des orgies d'alcool et de sexe, au son de la musique céleste et dans un décor de théâtre où chacun jouait sa partition. Todd reconnut des collègues en pleine danse de la séduction, d'autres dans des postures plus équivoques et enfin certains dans des positions érotiques.

La séquence changea de format : désormais Todd lui-même faisait partie de la troupe.
Le jeune homme marcha au milieu des danseurs, des serveurs et des courtisans. Une femme lui agrippa le bras, le gratifiant d'une Å“illade tentatrice.
« On va faire un tour, chéri ? » lança-t-elle avant de le lâcher afin de prendre une coupe de champagne.
Todd poursuivit son chemin sans se préoccuper des autres, malgré les hommes qui essayaient de danser avec lui, en dépit des femmes qui lui barraient la route, le tout dans une ambiance veloutée à la limite de l’écœurement.
« Todd, rejoint moi dans la salle des tableaux anglais ! » lui intima une voix venue de loin.
Il reconnut le ton d'Angelica. Un sentiment nouveau envahit ses pensées.


Todd traversa la salle de réception à une vitesse infiniment lente.
Le temps sembla pourrir. Les couleurs s'estompèrent tandis qu'il avançait au ralenti parmi les corps de plus en plus enchevêtrés des fêtards. Une main gluante essaya de lui caresser la figure. Il parvint à lui échapper.
La musique perdit de sa clarté, devenant un maelstrom sonore, une bouillie auditive dans laquelle se mélangèrent les bruits de verre cassé, les rires enivrés et les phrases sans queue ni tête.
L'espace s'allongea et une onde suggestive s'annonça dans l'esprit du jeune homme.
« Laisse-toi aller, profite de ces fruits murs, aspire les vapeurs enivrantes de la luxure et ne pense plus à rien ! » résonna dans ses oreilles sous forme de leitmotiv, le refrain d'une chanson lancinante et de plus en plus attractive.

Todd s'arrêta en plein milieu du chemin.
Le chant s'amplifia, repris en chœur par des hommes et des femmes qui l'invitaient à danser avec eux, à boire des nectars parfumés, à prendre un plaisir immédiat et violent. Sa tête se mit à tourner sous les effluves prononcées d'un parfum de fruit trop mûr, entre la pêche et le raisin.
Il se vit submergé par des arbres géants sortant des murs et prenant la place des derniers danseurs.

Todd ne s'affola pas.
Ses pensées se focalisèrent sur Angelica. Il reprit son avancée vers la salle des tableaux. Le temps devint infini, figeant ses alentours immédiat, derrière lui et sur les côtés. Le jeune homme continua à marcher, certain désormais du pourquoi il arriverait à destination.
Angelica lui apparut enfin, plus sombre que jamais, la princesse des ténèbres dans un décor de pourriture et de fin des couleurs.
« Je t'aime Angelica ! » cria Todd en explosant ses cordes vocales et ses poumons.

Le palais laissa place à un désert sombre et aride.
De rares fumerolles rappelaient qu'il y avait eu jadis, dans un temps révolu, des danseurs et des bouteilles de champagne, des murs et des peintures, de la vie dans cet espace désormais nocturne.
Angelica tendit la main. Todd la prit sans hésiter. Ses doigts étaient brûlants, un contraste saisissant avec la froideur du lieu et l'apparence d'Angelica.
Les deux amants fondirent ensemble dans la nuit sans étoile, au milieu de nulle part.
— L'expérience est terminée, vous pouvez pleurer à présent, dit Madame Violette.
Todd ouvrit les yeux, constatant qu'il se trouvait toujours à la planque du seizième arrondissement.

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Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
arielleffe
Posté le: 22-12-2014 12:25  Mis à jour: 22-12-2014 12:25
Plume d'Or
Inscrit le: 06-08-2013
De: Le Havre
Contributions: 805
 Re: I-mâle
Je pense qu'il manque un mot, "en direction dela planque".

Bizarre bizarre cette expérience qui n'a rien d'agréable. On retrouve toujours se mélange se sexe et de danger. Ces ennemies qui ne veulent pas que du bien au pauvre héros.

J'ai lu ce texte avec beaucoup de plaisir, le suspens est très prenant. Bravo !!
couscous
Posté le: 26-12-2014 19:59  Mis à jour: 26-12-2014 19:59
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: I-mâle
Ton personnage me fait penser au robot de l'amour dans le film "Intelligence Artificielle'.
Je n'ai pas trop compris la fin mais mon cerveau n'est pas au top en ce moment avec mes éternuements.

Merci pour ce voyage dans un futur... Effrayant.

Couscous
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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