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Nouvelles confirmées : Léo "Suite"
Publié par malhaire le 02-04-2015 18:30:06 ( 818 lectures ) Articles du même auteur



"C’était un vendredi soir presque ordinaire chez mes parents. Sans doute après avoir passé une semaine paisible, ces derniers venaient tout juste de récupérer leurs trois enfants qui rappliquaient de leurs internats de semaine respectifs.
A la fin du repas, Hélène alla chercher une liste qui répertoriait des séjours de vacances adressés à des adolescents de plus de seize ans. Elle provenait de l’entreprise dans laquelle avait œuvré mon père avant d’être reconnu définitivement invalide et donc, inapte au travail. Sur un plan financier, ces séjours étaient très attractifs. Mes parents commencèrent à nous énoncer les différentes destinations.
Puis ils se mirent à les vanter, en racontant que jamais ils n’avaient eu l’occasion de faire d’aussi jolis voyages ou même de prendre l’avion. Flora n’était pas encore concerné, elle n’avait que quinze ans. Si je n’avais pas compris la grossière manipulation de mes parents, je crois que leur sort aurait pu m’émouvoir jusqu’aux larmes.
En constatant le manque volontaire d’attention que je leur portais, mon père m’attaqua de manière virulente :
- Evidemment, toi qui a peur de tout et principalement de quitter la maison, jamais tu ne ferais un voyage comme celui-là. Tu es bien trop peureux et en plus, pour toi, trois semaines, c’est beaucoup trop long !
Je me souviens lui avoir adressé un regard extrêmement noir. Je savais qu’il n’avait pas tout à fait tort.
Probablement à cause de l’abandon advenu durant ma petite enfance, la signification du mot « partir » gardait pour moi quelque chose de l’ordre de l’effroyable. Pourtant, malgré tout, une part de moi voulait aller de l’avant, mais surtout, désirait rencontrer le monde.
- Je veux bien partir ! lui répondis-je, encore sous le coup de la colère.
- Cela m’étonnerait, tu n’as pas réfléchi ! répliqua Hélène.
- Si, je veux aller en Corse ! lui répliquai-je.
Yves riposta :
- Nous te prévenons, une fois que nous t’aurons inscrit, il ne sera plus possible de changer d’avis, tu ne pourras plus revenir en arrière et je te jure que tu feras ce voyage quoi qu’il puisse arriver.
- Je sais, j’ai envie de partir. opposai-je.
Mes parents s’inquiétèrent alors du silence de Kamel qui jusque là n’avait rein dit. Bien sûr, il accepta de partir aussi et choisit la même colonie de vacances que moi.
Pour la modeste somme de cinq cent francs par enfant, mes parents allaient nous offrir trois semaines de vacances sur l’île de beauté.
Je ne savais pas encore que ce mois de juillet 1991 (ainsi que les prochains mois de juillet qui allaient suivre), me marquerait si profondément, vraisemblablement jusqu’à la fin de ma vie. J’étais cet été là, littéralement tombé amoureux de la Corse et surtout, j’avais découvert mon appétence pour les colonies de vacances, mais aussi la liberté et la joie surprenante qu’offrait cette vie en collectivité.

•••
Ma seconde année de formation ne se déroula pas tout à fait comme la précédente. Afin je crois de multiplier les expériences professionnelles, je dus me résigner à changer de terrain de stage. J’allais perdre avec quelques regrets mon studio et ma semi-liberté, mais sans plus de remords, ma colocataire.
Mon moniteur d’horticulture avait aidé mes parents à dénicher une nouvelle entreprise. Je me suis retrouvé à Athis-de-l’Orne, un minuscule village. Aussi, afin de ne pas payer à nouveau un loyer, mes parents décidèrent de rechercher une autre solution. Ils la trouvèrent dans un village à environ sept kilomètres de mon nouveau lieu de travail. Elle se prénommait Laetitia. Cette jeune fille était encore cette fois- ci une camarade de classe. Mes parents avaient pris contact avec les siens. Ceux de Laetitia avaient accepté de m’héberger et de me nourrir du lundi au vendredi, en échange d’une rémunération.
Laetitia était une jeune fille très discrète et très peu féminine. Elle avait pourtant des cheveux mi-longs assez clairs et de très jolis yeux bleus. Pourtant, les traits de son visage étaient durs et ses sourires plutôt rares. Elle parlait peu et n’était pas très scolaire. Au travail, elle endurait le froid ou le chaud et les travaux pénibles sans jamais se plaindre. Il était toujours très difficile de percevoir ses émotions, ou même, une once de sensibilité. Malgré tout, Laetitia semblait paisible et était d’une agréable compagnie, sauf peut-être auprès son plus jeune frère.
D’emblée, j’avais détesté l’idée d’aller vivre chez des gens que je ne connaissais pas. Je renfermais le sentiment qu’en quelque sorte, j’allais venir troubler sans crier gare, la quiétude d’une famille, mais aussi forcer son intimité.
Monsieur et Madame Toubien étaient des gens très simples et gentils. Ils étaient ouvriers et travaillaient dans une usine. Cette famille vivait me semblait-il d’une manière tout à fait ordinaire et, dans la modeste maison, l’ambiance était toujours assez sereine. Mais voilà, je venais d’avoir seize ans et jamais je ne pus assumer cette place que rien à mes yeux ne pouvait justifier.
Je souffrais à présent d’une timidité presque maladive.
Le soir, à table, je n’osais pas parler. Aussi, je mangeais peu, de peur de coûter bien plus cher que ce que mes parents pouvaient bien reverser. Toujours, je prétextais avoir un petit appétit, alors que tout mon corps, en vain, réclamait à manger. Aussi, je voulais constamment prendre ma douche le dernier, pour être bien certain de ne pas déranger ou de passer le tour d’un véritable membre de la famille. La nuit, ma crainte était d’avoir à me relever et ainsi, de réveiller quelqu’un.
Après mes journées de travail ardues, comme enkysté dans mon anxiété, je ne m’autorisais pas le droit de vivre.
Pour me rendre sur mon lieu de stage, je n’avais qu’un vélo. Sept kilomètres ne représentaient pas pour mes parents une distance pénible. En réalité, le dénivèlement était très prononcé et cet hiver là, (principalement durant le mois de février) les températures s’effondrèrent de manière appuyée. Le thermomètre tomba même jusqu’à moins dix-neuf degrés. En rentrant, les soirées d’automne et d’hiver, il me fallait traverser la nuit, les averses et les vents.
Monsieur Rouillet, mon maître de stage n’était que très rarement présent dans l’entreprise.
Il était un homme proche de la retraite, qui chaque matin, partait avec sa camionnette blanche travailler sur les différents marchés des villes avoisinantes. L’exploitation comprenait un ouvrier et le fils du patron, qui je crois, n’avait pas encore vingt-cinq ans. En l’absence de son père, il empruntait son costume et devenait le chef.
L’ouvrier, Marcel, disposait d’un physique aussi atypique qu’inquiétant. Il avait les oreilles décollées et, confinés en d’horribles bouclettes brunes, de répugnants cheveux gras. Son nez était pointu et ses yeux rapprochés lui conféraient un regard fourbe. Lorsqu’il observait Laetitia, je comparais son regard à celui d’une vermine en train de convoiter un œuf. Aussi, je lui trouvais un air libidineux.
Peut-être avait-il quarante ans, mais avec son allure des années soixante-dix, il semblait en avoir au moins quinze de plus. En toute discrétion, avec Laetitia, nous nous moquions de lui. Marcel travaillait ici depuis qu’il avait seize ans. Il était à présent un ouvrier totalement soumis, obséquieux et corvéable à merci. Pourtant, il ne manquait ni de force, ni de courage, mais cela ne semblait pas suffire à combler son apparente insuffisance intellectuelle. Il parlait peu, ne s’opposait jamais et me donner l’effet d’une serpillère.
Je ne concevais pas que l’on puisse vivre ainsi.
Assez rapidement, Christophe, le fils de monsieur Rouillet, me méprisa.
Le matin, avant le départ du patron pour le marché, l’entreprise essuyait un grand moment d’effervescence.
Il fallait réapprovisionner la camionnette. Tout le monde se pressait et partait dans tous les sens. Pour l’entreprise, ce moment semblait être le plus crucial de la journée. Pourtant, très vite, j’en fus exclu, sans même qu’on me le signifie concrètement ou que je ne sache pourquoi.
Seul Christophe avait la connaissance exacte des plantes qu’il était nécessaire d’aller rechercher dans les serres. Le sérieux était de mise et la froideur omniprésente.
Il fallait s’agiter, courir, pour au final, montrer toute sa motivation et son abnégation à l’égard de l’entreprise.
Laetitia bénéficiant d’une authentique complicité avec Christophe, avait finalement toujours quelque chose à faire. Marcel, lui, semblait se débattre comme il le pouvait dans cette organisation tyrannique. Comme tous les autres, il tourbillonnait, mais avait pour lui les bénéfices de l’expérience et trouvait toujours malgré tout quelques commandes à préparer.
Moi, je me proposais de charger les caisses de fleurs, mais on ne me les donnait que rarement. J’avais à cœur de me montrer efficace et légitime. Aussi, lorsque je demandais avec toute ma bonne volonté ce qu’il m’était possible de faire, on feignait de ne pas m’entendre, trop absorbé dans la fièvre de cette mascarade, qui au fond n’était qu’un piège. Le jeu consistait à faire ressentir à celui qui n’avait pas les bonnes informations qu’il n’était rien et donc, parfaitement inutile aux rouages de l’entreprise.
J’apprenais déjà que dans ce monde du travail, détenir des informations et s’employer à les retenir, était vraisemblablement l’un des pouvoirs les plus redoutables qui soit.
Il y avait chez Christophe comme un plaisir sadique à me tenir à distance.
Je me sentais rejeté et humilié. Habilement, il me faisait perdre le peu de confiance en moi que j’avais auparavant petit à petit réussi à regagner. Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi ces situations me déstabilisaient à ce point.
Je le compris que bien plus tard…
Pour me rassurer, je tentais parfois de me rappeler les compliments que me faisait monsieur Serge.
- Celui-là, si les petits cochons ne le mangent pas, on en fera quelque chose!
Mais tout cela me semblait déjà bien loin. Sous l’emprise de ce petit chef, je perdais mes moyens et plus il me le faisait remarquer, et plus la qualité de mon travail se dégradée.
C’était un cercle vicieux qui me rendait très malheureux.
Les périodes à la maison familiale devenaient un vrai bol d’air. Vital.
Le reste du temps, je voulais mourir.

•••
Mon second voyage d’étude me conduisit jusqu’aux Pays-Bas. L’étape cruciale de l’excursion n’était autre que la visite du marché aux fleurs d’Aalsmeer. Voilà donc ce qui devait marquer les esprits des jeunes horticulteurs en devenir que nous étions.
Malgré mon âge ingrat, certains aspects pédagogiques du voyage ont tout de même réussis à m’imprégner durablement.
Je me souviens parfaitement du magnifique parc de Keukenhof et ses millions de tulipes, de narcisses et de jacinthes, en ce mois d’avril 1992.
Je ne me rappelle que très vaguement des tableaux du musée Van Gogh à Amsterdam, même si quelques souvenirs beaucoup moins formels s’imposent toujours à moi lorsque je repense à cette visite. C’était un jour de fête nationale, l’anniversaire de la reine. Probablement était-ce le jour de l’année le moins propice pour nous faire visiter Amsterdam. Nos moniteurs en quelques mots nous avaient informés de la conduite à suivre:
- Il est quatorze heures et nous voici devant l’entrée du musée Van Gogh. Après la visite qui sera libre, nous vous laisserons vous balader dans ce quartier d’Amsterdam. Nous allons vous remettre un plan photocopié détaillé, délimitant ce quartier, afin que vous ne puissiez pas vous perdre. Durant la visite de cette partie de la ville, vous devrez rester impérativement par trois ou par quatre. Nous nous retrouverons à dix-huit heures, ici-même.
Un quartier libre au cœur d’Amsterdam, un jour de fête, cette initiative nous apparaissait tel un rêve. Evidemment, nous avions remarqué l’effervescence enjouée dans laquelle se trouvait la ville.
Je me souviens encore de ce long moment dans la file d’attente avec mes amis pour entrer dans ce musée, alors que nous n’avions qu’une seule envie, en ressortir au plus vite. Il y avait juste devant nous un couple de personnes plutôt âgées. Des néerlandais. La dame portait un manteau de fourrure véritable avec une extravagante capuche exagérément velue. Avec Christelle, nous commençâmes chacun notre tour à passer nos mains clandestinement sur cette affreuse capuche avec beaucoup de compassion pour les restes de l’animal mort. Alors que nous nous étranglions de nos rires moqueurs, poussés par notre propre surenchère, c’est avec de plus en plus d’assurance que nous nous mîmes à caresser plus prestement l’horrible manteau.
Puis soudain, alors que je m’apprêtai, hilare, à de nouveau enfoncer ma main dans l’épaisse capuche poilue, Christelle poussa brutalement mon coude au point que mes doigts vinrent sauvagement s’échouer dans le chignon de la vieille dame.
Mes amis s’esclaffèrent bruyamment alors que je pensais vivre l’un des moments les plus embarrassants de ma vie. Les deux vieux m’engueulèrent dans une langue qui m’était totalement inconnue.
(Je savais pourtant que je devais me méfier de mon amie car ce n’était pas la première fois qu’elle me mettait dans de telles situations. Je me souviens qu’un midi, à table dans la salle à manger de la maison familiale, alors que je servais les tomates à la vinaigrette, elle m’avait poussé au point que ces dernières s’envolent et s’écrasent sur la table, pile à côté du moniteur qui enseignait le français, qui bien sûr, hostilement, m’avait fait remarquer ma maladresse.)
Empressés, nous traversâmes le musée sans trop prêter d’importance aux peintures. Nous n’avions à l’époque que faire de ces vieilles croûtes étalées sur les murs.
Ravis de nous retrouver enfin à l’air libre, nous ne souhaitions plus que célébrer la reine, dont nous ne soupçonnions même pas l’existence quelques heures auparavant.
Toute la ville semblait être folle. La bière et la drogue étaient omniprésentes. Dans un premier temps, amusés par toute cette débauche, mes amis et moi-même nous faufilions dans les rues qui, peu à peu, nous étourdissaient. Nous ne savions plus où regarder. Des voyous étaient assis sur les voitures de police sans que cela ne semble déranger qui que ce soit. Des créatures aux looks extravagants sortaient de nulle part. Des immondices recouvraient le sol.
Puis, plusieurs fois, nous nous fîmes approcher par des individus suspects et plus la foule grossissait et plus notre sentiment d’insécurité s’épaississait lui aussi. Les dealers continuaient à nous importuner ouvertement, parfois de manière belliqueuse. Les rues semblaient de plus en plus malfamées. Nous n’étions que de jeunes ruraux et rapidement, toute cette dépravation nous fit prendre peur. Nos pas devinrent de plus en plus pressés et nos corps de plus en plus rapprochés. Lorsque nous décidâmes de nous référer à la photocopie du plan du quartier, octroyée par nos moniteurs, afin de nous repérer, mais surtout de retourner prématurément au musée, nous paniquâmes. En effet nous comprîmes subitement qu’à force de marcher, nous nous étions à ce point éloignés, que l’endroit où nous nous trouvions à présent ne figurait pas sur le morceau de carte.
Il nous fallut quelques heures, rehaussées de bonnes frayeurs, pour enfin retrouver le musée Van Gogh, qui finalement, nous devint sur-le-champ très sympathique.
Le soir même, peut-être pour nous remettre de nos émotions, les moniteurs nous avaient prévus une croisière afin d’apprécier les canaux d’Amsterdam.
Seulement, plus la soirée s’approchait et plus la fête battait son plein. La ville exultait. La croisière se transforma pour nos moniteurs en un véritable fiasco.
Tout au long des quais, le spectacle que nous pûmes contempler fût désolant. Nos moniteurs étaient effondrés. Des hommes par dizaines se trouvaient debout tout au long des canaux. Le plus souvent, un verre de bière à la main, ils pissaient. Durant notre petite excursion en bateau, nous ne vîmes qu’un défilé de verges, tandis que les urines se mêlaient aux eaux encrassées de la ville."...

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Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
couscous
Posté le: 06-04-2015 16:52  Mis à jour: 06-04-2015 16:52
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Léo "Suite"
J'aurais bien voulu en savoir un peu plus sur les colonies de vacances.

Merci
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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