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Nouvelles confirmées : Mon cinéma de quartier
Publié par Bacchus le 09-06-2012 19:10:00 ( 1077 lectures ) Articles du même auteur



Je me retrouvais désemparé sur le trottoir de la rue brusquement déserte, face au cinéma où plus personne ne faisait la queue.

Je n'avais plus les trente francs ( à peine 5 centimes d'aujourd'hui ) me permettant de prendre un billet , le moins cher, pour entrer dans le 'Variètés', comme chaque dimanche.
Là, pour être malheureux, j'étais malheureux ! tous mes copains étaient rentrés et la séance était commencée depuis un bon moment. Mais qu'est-ce que j'allais faire ?
Pourtant, les trente francs, je les avais il n'y avait pas très longtemps encore. J'en avais même un peu plus. C'était de cela, justement, que provenait la situation dans laquelle je me trouvais: si je n'avais eu que les trente francs, tout rond, au fond de ma poche, comme d'habitude, je serais forcément assis, en ce moment, au premier et peut-être même au deuxième rang, en train de regarder l'écran, immense, vu d'aussi près.
Pas de chance, j'avais un peu plus. Je m'étais senti riche et j'avais acheté un cornet en papier de bonbons à la cuillère. La cuillèrée à café de petits bonbons de toutes les couleurs coûtait un franc. La folie des grandeur a dû me prendre et j'avais voulu un cornet bien plein, que j'avais dégusté, en gourmet, l'un après l'autre, en regardant couler la Lézarde et courir les gros rats sous le vieux pont.
C'est en me dirigeant vers l'entrée du cinéma que j'ai pris mes sous pour compter les trente francs de ma place. D'abord, je ne me suis pas inquiété et j'ai recompté. Vingt huit francs ! Il me manquait deux francs...le ciel m'est tombé sur la tête. Mon après-midi était programmé pour me trouver dans le cinéma, pas devant !
Je me suis mis à marcher dans le quartier, sans m'éloigner du ' Variétés ' devant lequel je me retrouvais régulièrement, tout en reprenant inlassablement le comptage de mon argent.
Je n'en pouvais plus et j'ai surmonté ma honte. Une bande de jeunes gens sortait bruyamment d'un café et le fait que l'un d'eux ait posé ses yeux sur moi m'a décidé : " S'il vous plait monsieur, vous ne pourriez pas me donner deux francs, parce qu'il me manque deux francs pour aller au cinéma et...."
Il y avait déjà bien longtemps que le jeune homme avait disparu, tout en continuant de chahuter avec ses copains, après m'avoir plaqué, au creux de la main une belle pièce d'une thune. Cinq francs ! en une seconde, le monde avait repris ses couleurs. comptez avec moi : j'avais trente trois francs! ma place était assurée, et trois cuillèrées de bonbecs itou, après le film !
Je trouvais que la vie était belle, les gens généreux et l'avenir radieux .
La caissière, dans le hall du cinéma, était en train de préparer son panier de ' bonbons-caramels-esquimaux-chocolats ' et a rejoint sa caisse pour me donner mon billet. ça tombait bien,; Henri, celui qui vérifiait les billets d'entrée et poussait les coups de gueule quand il y avait trop de chahut dans la salle, revenait du bar de l'Entr'acte, déjà bien échauffé et le front rouge. Les chahuteurs avaient intérèt à se tenir peinards.
D'un coup de poignée expert, il m'a déchiré à moitié mon billet et, enfin ! je me suis glissé dans la salle. Oh, pas de beaucoup. Deux ou trois mètres, la distance qui me séparait de la première place, au premier rang. Une place dont personne ne voulait parce que, en dehors du fait qu'elle se trouvait près de l'entrée, l'angle de vue de l'écran, déjà démesuré, était tel qu'il était bien difficile de savoir ce que l'on regardait.
Moi, en cet instant, mon plaisir était de m'y retrouver assis. J' ignorais pourquoi, mais je me suis mis à rigoler avec tout le monde. Plus fort que tout le monde, même : j'avais de la rigolade en retard.

Le ' Variétés '....
Il m'aura vu passé sa porte quand j'étais en culottes courtes, avec mes parents, puis en pantalons, avec mes copains, en costume-cravates, avec mes conquètes, en costume de marin, durant mes perms, et puis aussi en blouson noir, selon mes copains, et en T-shirt, quand on a pu se le permettre: à l'époque, c'était comme si on se promenait torse nu...

Le cinéma avait aussi son échelle de progression dans la vie sociale.
On commençait aux deux premiers rangs, les places des gosses. les places du centre étaient familiales: pas trop chères et suffisamment bien placées pour voir convenablement.. Les places du fond permettaient de se démarquer un peu; mine de rien, elles faisaient paraitre plus aisé.
Le balcon. Alors là, c'était une étape importante à atteindre ! Le balcon ! mais cela représentait l'aisance, l'accés à la catègorie des gens du balcon !
De la même façon, il y avait également plusieurs manières de s'y installer.
Le balcon avant, si possible le premier rang, permettait, durant l'entr'acte, d'être aperçu par ceux d'en bas qui se retournaient pour voir qui étaient les gens du balcon qui les regardaient. Il y avait tout un échange, dans les regards des deux castes. Les uns voulaient dire 'Moi j'y suis' et les autres ' Moi j'y serai '.
L'arrière du balcon était réservé, tacitement, aux jeunes couples qui trouvaient là un peu d'obscurité dans un environnement où personne n'avait envie de regarder les autres faire ce qu'ils étaient eux-mêmes en train de faire. Tout le monde y trouvait son compte.
Et puis il y avait ce fameux coin, celui qu'on appelle 'L'enfer ', dans une bibliothèque. A voir la tenue vestimentaire des filles qui s'y glissaient et l'air faraud et triomphant des jeunes hommes, plus gominés que les autres, nous nous doutions des turpitudes qui devaient se dérouler dans ce coin retiré. J'en ai eu confirmation dès le moment où je l'ai fréquenté, à mon tour.

Le bar de l'entr'acte, où Henri avait l'air plus à sa place que le patron, m'a également vu accéder aux différentes étapes de consommation.
Cela a été de la menthe à l'eau jusqu'au martini-gin que j'avais pris l'habitude de déguster avec mon père, en passant par le petit noir, le petit-sou ( verre de café + verre de calva ), la bière brune( trés classe..), le tout en écoutant Marino Marini ou Elvis, selon l'époque.

Le ' Variétés '....

La dernière fois que nous nous sommes vu, tous les deux, on ne s'est pas reconnu. Je ne sais pas ce qu'il a pensé de moi, mais moi, j'ai eu honte pour lui..
Personne n'avait eu la pudeur de lui retirer son enseigne, dont des lettres pendaient lamentablement sur sa façade décrepie. Je sais..ça fait cliché, mais je ne vois pas comment dire autrement.
Je suis resté un moment à regarder sa vitrine où de tristes objets asiatiques s'ennuyaient, se demandant ce qu'ils faisaient là. Je n' ai pas eu grand effort d'imagination pour croire entendre, venant des entrailles du bâtiment, les fantômes de ma jeunesse riant aux éclats devant les facéties de Charlot, Laurel et Hardy, Fernandel ou Bourvil. Mais il n'y avait plus cette clarté qui irradiait de son entrée, dès que nous nous en approchions.Où sont passé les gens joyeux ?
Je suis reparti en regardant le trottoir. J'avais un coup de blues, là...






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Auteur Commentaire en débat
Loriane
Posté le: 11-06-2012 11:48  Mis à jour: 11-06-2012 11:48
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: Mon cinéma de quartier
"La dernière séance", oui ça fait mal de voir partir ce qui a donné tant de joie et que l'on a bêtement cru éternel.

Et on reprend tous ensemble, bien en choeur :

http://youtu.be/6OlAqixFBPA

Merci
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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