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Nouvelles confirmées : Le boulet
Publié par couscous le 01-11-2015 17:40:00 ( 996 lectures ) Articles du même auteur



Réponse au défi de Donald :

http://www.loree-des-reves.com/module ... t_id=10130#forumpost10130

Je vivais tranquillement ma vie de petite fille, et ce, jusqu’à SON arrivée. Elle prit ma place et toute la place auprès de nos parents. J’avais alors six ans et ma vie devint un enfer. Je me souviens lorsque mes parents l’ont ramenée de la maternité en demandant :

« Voici Colette ! Tu es grande sœur maintenant, il faudra bien veiller sur elle. »

Je répondis par l’affirmative, ne sachant pas alors à quoi je m’engageais vraiment. Lors de notre première photo ensemble, elle régurgita la totalité de son biberon sur ma plus belle robe. Et comme je faillis la laisser tomber de dégoût, c’est moi qui me fis tirer les oreilles par maman. Bébé, elle pleurait toutes les nuits, ne me laissant aucun répit. J’allais à l’école avec des cernes plus grands que ceux de mon arrière-grand-mère. Pendant que je faisais mes devoirs, elle s’installait à côté de moi pour dessiner et finissait ses gribouillages sur la feuille que je venais de terminer péniblement. J’adorais passer le week-end chez ma mamie car c’était reposant chez elle. Comme j’aimais être sa chouchoute ! Et puis, ma sœur a grandi et m’a accompagnée. À nouveau, elle attirait toute l’attention sur sa petite, très petite, personne à cause de toutes ses bêtises. Lorsqu’elle faisait la sieste, je pouvais enfin me rapprocher de ma grand-mère. Mais celle-ci en profitait plutôt pour se reposer.
Lorsque Colette entra à l’école, je dus la surveiller dans la cour de récréation qu’elle ne tombe pas en courant, qu’elle ne se coince pas le doigt dans la porte des toilettes, qu’elle ne subisse pas les quolibets des plus grands à cause des ses oreilles décollées.
J’ai donc grandi ainsi dans le sillage des bêtises et malheurs divers de ma petite sœur. Quelle joie d’être en kot pendant mes trois ans d’études. Je trouvais souvent des prétextes de travaux ou leçons collectives pour y rester, même les weekends, quitte à les passer au lavoir. Tout pour rester loin d’elle ! Mais une fois le diplôme en poche, je retournai vivre dans la demeure familiale. Colette avait alors quinze ans. Adolescente, elle me sollicita en tant que chaperon pour des soirées d’ados boutonneux dont elle ressortait souvent en pleurs après s’être fait larguer pour avoir trop écrasé les pieds de son Roméo du moment.
Je ne tardai pas à dégoter un boulot dans une ASBL et m’installer dans un studio de la capitale. Je prenais des nouvelles par téléphone et cela me convenait parfaitement. Ma sœur choisit des études en qualification et devint secrétaire. Et devinez quoi ? Elle parvint à se faire embaucher dans mon association, dans le cadre d’un contrat de remplacement. Notre lien de parenté mit la direction en confiance. Et bien sûr, elle eut besoin d’un endroit pour habiter et mon studio lui sembla la meilleure option.
Colette m’appelait dès qu’elle faisait une erreur dans les courriers ou les listes qu’elle devait tenir à jour. Je tentais de corriger et de la couvrir. Mais pendant ce temps, c’était mon propre travail qui en pâtissait. Lorsque son contrat se termina, je reçus mon préavis. J’étais furieuse et la jetai dehors avec sa valise. Mais elle me rappela à bon escient ma promesse de veiller sur elle, quoi qu’il arrive. Voyant ses yeux de cocker dans le judas de la porte, je ne pus que lui rouvrir.
Je trouvai vite un autre emploi, ce qui ne fut pas le cas de Colette. Dans mon nouveau bureau, je fis la connaissance de Bryan. Nous ne tardâmes pas à nous rapprocher. Il finit par m’inviter manger chez lui car il se targuait d’être un fin cordon bleu. Il vint me chercher mais ce fut Colette qui lui ouvrit la porte. Elle avait les yeux rouges d’avoir pleuré suite à sa énième rupture amoureuse. Je balayai d’un « Ce n’est rien ! » les questions de Bryan. Chevalier au grand cœur, il l’invita en disant « Quand y’en a pour deux, y’en a pour trois ! ». Je ne fus pas enchantée par l’idée mais ne pus trouver de parade.
Pendant que j’aidai Bryan en cuisine, Colette ne put s’empêcher de visiter son appartement. Puis on entendit un grand bruit de verre brisé. En revenant dans le salon, je crus que notre hôte allait s’évanouir en voyant le désastre. Ma sœur n’avait pas eu plus brillante idée que de s’approcher de l’armoire abritant une collection de boques de bières. En éternuant, elle avait fait basculer une étagère et l’effet domino avait fait le reste. Bryan hurla tellement fort que je ne compris plus ses mots mais uniquement l’idée qu’il ne voulait plus nous voir et encore moins nous servir à manger. Depuis lors, j’eus droit à un regard noir de sa part et à la réduction au minimum de nos échanges verbaux.
Un jour, Colette voulut me préparer une pizza mais elle l’oublia dans le four et ma cuisine brûla. Il y eut aussi cette autre fois où je fus appelée au commissariat pour aller la rechercher. Dans un magasin de vêtement, elle avait essayé un pull. Tête en l’air, elle avait oublié de le retirer. Lorsqu’elle avait passé la porte, l’alarme s’était déclenchée. Pensant à une alerte incendie dans le centre commercial, elle s’était précipitée vers la sortie. C’est un agent de la sécurité qui l’avait stoppée et remise aux forces d’ordre. Bref, je payai l’amende et récupérai ma frangine, même si j’aurais voulu leur laisser un peu. Elle signait avec tous les démarcheurs qui passaient à la maison. C’est ainsi que je recevais régulièrement des paquets divers et inutiles, que je changeais de fournisseur chaque mois et même de religion.
Comme elle ne trouvait ni travail ni amour, une des deux conditions qui aurait permis son départ de mes pénates, je ne sus plus à quel saint me vouer. Je décidai donc de solliciter l’aide des forces invisibles. Ainsi, je me rendis chez le plus grand marabout de Schaerbeek. Il mesurait en effet plus de deux mètres et je priai pour que ses pouvoirs soient aussi grands que ses prétentions et ses pieds ! Je lui remis comme convenu quelques cheveux de ma sœur. Il fit quelques incantations mystérieuses, broya les poils dans un mortier, les mélangea à des substances malodorantes et me demanda de cracher dans le résultat. Il me promit alors des résultats dans les quinze jours.
Afin d’assurer le succès de ma quête, je me rendis dans une église, du moins celle qui abrita mon baptême, et y achetai un cierge. Je l’allumai devant Sainte Rita, patronne des causes perdues. Je la sollicitai pour servir d’intermédiaire avec l’ange gardien de Colette. Vu les calamités dans sa vie, je supposai que c’était un être aux ailes cassées, à l’embonpoint marqué et qui avait reçu son permis d’ange gardien dans un paquet d’Ariel.
J’attendais ensuite les résultats espérés. Les semaines passèrent jusqu’au jour où Colette m’accueillit de retour de mon travail avec un large sourire en annonçant :

– Devine quoi !

Un espoir naquit enfin dans mon esprit fatigué.

– Quoi ? Tu as trouvé un job ? L’amour ? Tu pars ?
– Non, j’ai gratté un ticket de loterie et j’ai gagné.
– Combien ?
– Trois millions !
– Non ! Tu me vannes ?
– Mais non, regarde.

Je constate en effet que le billet est gagnant. Je n’en reviens pas. Ma sœur, la poissarde, le boulet, l’emmerdeuse, gagne une somme colossale grâce à un coup de chance. Serait-ce l’effet de la magie noire ou de ma chère Rita ? Enfin, Colette va pouvoir se débrouiller seule, partir et me laisser vivre une existence tranquille. La librairie étant déjà fermée et le lendemain étant dimanche, je lui remets le billet et lui dis que je l’accompagnerai le lundi réclamer son gain. Le dimanche est festif, je suis comme un taulard qui attend sa sortie du mitard. Même les tâches ménagères sont agréables.
Nous voici lundi matin. Je demande à Colette de préparer son ticket. Elle se met à fouiller les poches de son jean puis celles de sa veste. Je deviens blême.
– Où as-tu mis ton billet ?
– Je l’ai fourré dans la poche de mon jean je pense. Mais je l’ai mis dans la machine à lessiver.
– Quoi ? J’ai fait tourner la machine hier !
On se précipite sur le linge qui sèche. Dans la poche du pantalon, on retrouve un morceau de papier décomposé, autant que mes espoirs.
La vie de ma sœur devait donc se résumer à de la malchance concentrée avec comme seul bonheur, celui d’avoir une grande sœur dévouée prénommée Félicie.




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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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