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Nouvelles : Gorrotoa : La statuette maudite : Madeline Chanel
Publié par christianr le 11-04-2016 01:13:36 ( 910 lectures ) Articles du même auteur



À mon grand étonnement, j’ai retrouvé la trace de Gorrotoa peu de temps après ma rencontre avec la veuve Fischer. Presque trois jours après pour être exact. Ce fut la mère de la victime qui me contacta cette fois-ci de Beaumont en Californie. Elle avait tout de suite reconnu la statuette sur le même reportage du Times. Bien qu’elles n’habitaient pas ensemble, Janette Chanel, la mère de Madeline Chanel, rendait couramment visite à sa fille. Elle remarqua l’étrange artéfact dans le salon de celle-ci. Quand elle l’interrogea sur ce sujet, cette dernière resta vague. Janette regretta de ne pas avoir posé plus de questions à l’époque. Après la tragédie, la police avait découvert les mémoires de Madeline que je vous partage aujourd’hui. Madeline était un top model sur le déclin, et elle espérait peut-être vendre son autobiographie. J’ai choisi le passage qui nous intéresse.

*

Mémoires de Madeline Chanel :

Aujourd’hui, nous sommes le 15 juin 1995, et j’ai 40 ans. Pour beaucoup, c’est le début d’une vie, pour moi ça en est presque la fin. Tout de mon ancienne existence disparaît en fumée. Je suis trop vieille pour continuer ma carrière (le seul espoir c’est de devenir actrice, mais je suis assez réaliste pour savoir que je n’ai pas le talent), faire la fête est maintenant ardue, les lendemains de veille sont horribles, et, le pire de tout, je me fane comme si l’hiver venait. Un hiver qui ne finira plus. Je pourrais subir des opérations, mais à quoi bon? Je les ai vues, ces starlettes qui se font remonter leurs visages ou s’injectent du botox jusqu’à plus soif. Elle ressemble à une caricature d’elle-même. Une grosse farce dont les jeunes nymphettes du milieu de la mode rigolent toutes entre elles. Ironiquement, le même sort les attend, mais qui suis-je pour les juger? Après tout, j’ai déjà été comme elle. Insouciante face à la cruauté du temps. Ce temps qui nous donne la beauté pour nous l’arracher à coup de cernes et de varices. Si je le pouvais, je lui cracherais à la figure. Oh! Bien sûr, j’ai utilisé tous les crèmes et remèdes de grand-mère possible. Cela fait partie des étapes du deuil: le déni et le marchandage. J’en suis à la résignation. J’ai un doute sur mon succès à arriver à l’acceptation un jour. D’après ma mère, c’est la crise de la quarantaine. Elle peut bien parler. Elle a la soixantaine, et elle paraît mon âge. J’ai toujours demandé son secret, elle m’a dit que c’est le même que le mien : la génétique. Elle se fout de ma gueule. Les rides me démontrent bien que je n’ai pas hérité de son patrimoine. Peut-on haïr quelqu’un et l’aimer tout à la fois? C’est la tristesse qui me fait agir ainsi. Je crois que je me taperai des valiums et dormir quelques heures si possible pour le jour entier. Une pause. Une pause de tout cela.

J’ai été une zombie pendant deux jours. Ma carcasse ne s’est que promenée du lit à la salle de bain. Ah oui, il y a un moment où j’ai mangé un repas végétarien à basse calorie. Enfin... Manger. Ça m’a pris cinq minutes, moment insignifiant dans une journée. Peu importe, c’est assez. J’irai taquiner les boutiques, ça m’a toujours procuré un bien fou. On dirait que dès que je porte de nouveaux habits c’est comme si je changerais de peau. Évidemment, l’illusion ne dure jamais, mais le temps que ça persiste, je me sens bien.

La session de magasinage m’a remonté d’une façon fulgurante, mais pas comme vous pourrez le penser. Bien sûr, j’ai acheté une fortune en vêtements, mais rien n’approche l’évènement exceptionnel qui m’est arrivé. Vous allez croire que je suis devenu dingue. Mais quelqu’un m’avait appelé juste avant que je rentre dans un magasin. Au début, il n’y avait personne. J’ai haussé les épaules et je m’apprêtais à pénétrer vers un de mes temples, quand la voix fut plus forte. Cette fois, j’ai été capable d’identifier d’où elle provenait. Une ruelle sur le côté de la boutique. Il y avait des déchets et puis cette statue au-dessus d’un sac-poubelle. J’ai dû perdre la tête, mais elle m’attira immédiatement. Je la pris dans mes mains et une envie irrépressible m’est venue de m’observer dans le reflet de la vitrine. J’avais la berlue. J’étais jeune, à nouveau… Les rides, cernes, peaux flasques, disparues. J’étais redevenue la jouvencelle d’autrefois. Cette statuette, elle doit être magique. Je ressentais une pulsation lorsque je la tenais. J’ai laissé tomber mes plans et suis retourné chez moi. Je devais constater dans mon miroir que je n’avais pas halluciné. Et me voilà, me contemplant, Vénus revenue des tréfonds de Vulcain. Cette figurine est la solution à ma détresse. Le temps n’a qu’à aller se faire foutre!

Je me suis regardé dans le miroir ce matin. Presque la perfection. Presque. Une ridule semble vouloir me narguer. Je ne l’avais pas vue hier, parce que j’étais trop obnubilé par le miracle. Je dois me recueillir à la statuette. Elle a sûrement la réponse.

Je ne savais pas trop quoi faire, alors je me suis mis à genou et je l’ai touché de mes doigts. J’ai encore ressenti la même vibration. Il s’intensifia à un point que j’ai fini par l’entendre dans ma tête. J’ai eu d’abord un nom : Gorrotoa. Et puis, quelque chose d’étrange se produisit, comme si ça pouvait l’être davantage. Un liquide vert visqueux s’échappa du bas de la statuette. Je ne perdis pas de temps, je pris un verre et le rempli de cette substance. Une fumée verdâtre s’en émana. Je compris immédiatement le message. Je devais l’utiliser comme crème. Cela deviendrait ma fontaine de Jouvence. Je n’ai pas attendu, et j’ai tout de suite tenté l’expérience. Ma peau s’est tendue jusqu’à faire disparaître l’affreuse ride. J’étais tellement heureuse que je dansais comme une ensorcelée dans la pièce. J’ai célébré cela en engloutissant un repas calorique. Je n’avais plus rien à craindre de toute façon maintenant que j’avais la recette à la beauté éternelle.

Ce matin, je remis de nouveau le baume sur mon visage. Un effet inattendu est arrivé. Ma peau s’est mise à s’étirer à un point que je n’apercevais plus mes lèvres et mes yeux. C’était très douloureux. J’avais l’impression que des épingles me piquaient le visage sans arrêt. Ça s’est arrêté après cinq minutes. Tout est redevenu normal. J’étais la même beauté gracieuse qu’auparavant. Peut-être que je dois ne l’appliquer qu’au besoin? Peu importe, vu les derniers changements, j’ai rappelé mon agente. Je lui ai dit que j’ai retrouvé mon teint d’antan. Elle ne m’a pas cru, mais je le lui prouverai en allant la rencontrer cet après-midi. Elle le constatera bien par elle-même.

L’industrie de la mode est tellement un monde cruel. Comme prévu, j’ai été rendre visite à mon agente aujourd’hui. Trop de chairs qui pendent de mes cuisses, trop de varices. Dans mon égarement, je n’avais que pensé à mon visage, et non au reste de mon corps. De retour chez moi, j’ai remédié immédiatement à la situation. J’ai récupéré la précieuse mixture, je me suis dénudé et j’en ai mis partout où je le pouvais. Vint la douleur la plus intense que j’ai jamais vécu. On aurait dit que des griffes me lacéraient là où j’avais étendu le produit. Malgré ma vue réduite par mes larmes, je pouvais apercevoir ma peau se déformer dans le miroir. J’avais l’impression de voir des parasites sous-cutanés se promenant tout le long de mon anatomie. C’est devenu tellement vif que je n’ai plus eu le choix de crier. C’est à ce moment que ça s’est arrêté. Ça avait marché. Mon corps était une célébration à la beauté. Le dicton affirmant qu’il faut souffrir pour être belle était donc vrai. Il semble que mon cri avait alerté les voisins, car plus tard la police cognait à ma porte. Je leur ai déclaré que j’avais écouté un film d’horreur et que j’avais mis le son trop fort. Ils ont accepté l’explication. Je devrai trouver une façon d’être plus discrète.

Ma mère est venue aujourd’hui. J’étais déçue, j’aurais cru qu’elle aurait observé la différence, mais elle ne m’en a rien dit. Quand je suis retourné me voir dans le miroir, j’avais compris. Mon corps avait repris certains de mes défauts. L’effet n’a pas duré aussi longtemps que prévu. Il doit bien avoir un moyen pour le faire perdurer. J’irai demander à la statuette, elle aura sûrement la réponse. Elle ne m’a jamais trompé jusqu’à maintenant.

Je suis une idiote. C’était évident. La statuette m’a répondu. Je dois l’amener dans le bain et elle remplira son nectar revivifiant dans celui-ci. Je n’aurais qu’à me baigner dedans. Cléopâtre avait son lait, moi j’ai ma mixture magique. La statuette ne perd pas de temps. Elle répand son précieux jus à une vitesse vertigineuse. Un peu de vapeur verte se projette dans la salle de bain, je peux le ressentir partout en moi déjà. À moi la beauté éternelle!

*

Les mémoires s’arrêtent là. Quelques jours après, sa mère, inquiète de ne pas avoir de nouvelles, décida d’utiliser sa clé pour vérifier comment allait sa fille. C’est l’horreur qui s’est présentée à sa place. Madeline était dans un bain totalement écorchée. Il n’y avait que de la chair et des os. Elle baignait dans une boue verte et sanglante. Les autorités n’ont pas été capables de déterminer de quoi était composée cette mixture. Évidemment, la statuette fut introuvable. Mme Chanel en fait encore des cauchemars aujourd’hui, je ne peux lui reprocher. Il est primordial que je retrouve cette statuette avant qu’elle ne fasse une autre victime.

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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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