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Nouvelles confirmées : Claustrophobie
Publié par christianr le 15-05-2016 01:09:10 ( 1298 lectures ) Articles du même auteur



Ça avait débuté de façon banale. Mon grand frère et moi jouions à la cachette. Il était excellent à ce jeu. J’ai décidé que cette journée-là c’était assez. Il y avait un placard particulièrement exigu. Je dus m’ingénier pour me faufiler à travers toutes les babioles qui y traînaient. Heureusement, j’avais une petite constitution. N’empêche, j’étais à l’étroit. Tout l’espace était occupé. Jamais il ne suspecterait que je puisse m’y glisser. Comme pour me donner raison, il n’y arrivait pas. Il commençait d’ailleurs à devenir très frustré. Il faut dire qu’il avait toujours été un mauvais perdant.

Cela faisait quinze minutes et il n’avait pas réussi. C’est là que je suis parti à rire. Il l’entendit évidemment. Il était furieux. Il commit alors l’irréparable. Il me déclara : « Tu trouves ça drôle ? Et si je fais ça, rigoles-tu encore ? » On appliquait une force sur la porte. J’essayais d’ouvrir, mais c’était impossible. Mon frère bloquait l’accès. Un début de panique me donna un élan pour tenter de briser le barrage. Sans succès. Cette même panique qui m’avait procuré de l’énergie se transforma en monstre. Elle envahissait tout mon corps pour prendre le contrôle total. Je ne me possédais plus. Mes mains s’agitaient de partout. Malgré le peu d’espace, je renversais tout autour de moi. Ma voix poussa un cri que même la mort aurait craint. Mes poumons se vidèrent de leur air. Mes glandes sudoripares humidifièrent tout sur leur passage.

Il a fallu l’intervention de ma mère pour que cela cesse. Mon frère fut grondé évidemment, mais le mal était fait. Car la hantise continua après qu’on m’est délivré. Comme mu par un instinct nouveau, mon métabolisme sursauta devant chaque pièce que je rencontrai. Je ne fermai d’ailleurs plus la porte des toilettes, c’est dire ! En fait, mes parents devaient rester près de moi le plus souvent possibles, sans quoi la vilaine angoisse se pointait le museau.

Le plus gros problème survint lorsque je dus revenir à l’école. J’avais peur des casiers. Je demandais à mon ami d’aller chercher mes affaires pour moi. Il ne me comprenait pas évidemment. J’étais immensément gêné de lui avouer que je craignais que quelqu’un m’y coince, alors qu’on ne m’avait jamais intimidé. Heureusement pour moi, il haussa les épaules et obtempéra sans en discuter davantage. Ça dura ainsi jusqu’au jour où mon copain samaritain tomba malade. Je ne pouvais pas donner ma combinaison de cadenas à n’importe quel élève, alors j’ai requis l’aide d’un de mes professeurs. Je dus lui expliquer mon histoire. Il m’observait et il m’annonça : « Le véritable service que je pourrais te rendre est de te forcer à le faire toi-même. » Le con ! Il me demanda d’attendre, mais je quittai la salle furieux. Tant pis, j’avais décidé de feindre la maladie également.

Chez moi, ma famille espérait que ça allait se tasser. Ils furent déçus de constater que ça continuait de plus belle et ils me menacèrent de me faire consulter un psychiatre. Il n’en était pas question. Je ne suis pas fou. Pourquoi irais-je ? Pour qu’ils m’oublient, j’ai pris la décision de me passer de leurs présences. Je faisais mes besoins à l’extérieur autant que possible. Si c’était quelque chose de plus… long, j’attendais que mon frère soit hors de chez nous. Je faisais de même pour les bains. Mes parents ne me voyant plus leur demander d’être présents, ils croyaient que les choses se tassaient. J’étais juste devenu meilleur pour cacher le problème.

Je continuai ce manège jusqu’à ma vie adulte. Je ne pensais pas cela possible, mais mon cas empira. Je supportais de moins en moins d’être dans une maison ou tout établissement que ce soit. À l’intérieur, j’étouffais. On aurait dit que tout l’oxygène qu’un lieu pouvait contenir n’était pas suffisant pour moi. Je passais de plus en plus mes journées dehors. Et puis mes nuits. Mes parents réalisèrent que rien n’était réglé et voulurent me faire interner.

Je m’enfuis. J’étais majeur dorénavant, je n’avais plus de compte à leur rendre. La rue allait devenir mon chez-moi. Le seul endroit où je me sentais bien. Libre de mes moyens. Bien sûr, la vie de vagabond était difficile, mais elle était mieux que la souffrance que je subissais.

Un an s’écoula. Je subsistais grâce à l’aumône des passants. Été comme hiver, je dormais à l’extérieur. J’étais une nouvelle espèce d’humain. Une bête sauvage qu’on ne peut garder chez soi. Ça aurait continué ainsi si je n’avais pas revu mon vieux professeur d’antan. Celui-là même qui avait refusé de m’aider. Je ne sais pas comment il m’a reconnu. J’avais tellement changé d’apparence, que même mes parents auraient passée à côté sans me voir. Il me salua et s’assit à côté de moi pour discuter. Sa présence ne m’enthousiasmait guère, d’autant plus qu’il me déconcentrait sur ma tâche du moment soit quêter de l’argent. Avoir l’air piteux est un art, et il me dépouillait de mon énergie mentale. Pour me débarrasser de lui rapidement, je décidai de l’ignorer. C’était peine perdue, il continua de me parler. Il éloignait mes clients. Je lui donnai donc satisfaction en participant plus activement à la conversation pour qu’il en finisse au plus vite. Constatant qu’il avait mon attention, il me demanda :

- Je me rappellerais toujours lorsque tu es venu me voir avec ta requête un peu… spéciale…
- Et alors ?
- Tu as peur des endroits clos n’est-ce pas ?
- Si je vous réponds oui, est-ce que vous me laisserez tranquille ?
- Est-ce à cause de celle-ci que tu te retrouves dans la rue aujourd’hui ?

La perspicacité du maître me cloua le bec. Sa question était rhétorique, c’était évident, il le savait.

- Je n’ai jamais arrêté de penser à toi, affirma-t-il en regardant dans le vide. Prends cela comme tu le désires, mais j’ai continué à suivre ton parcours. Jusqu’au jour où j’ai perdu ta trace. Tes parents, qui était surpris de mon intérêt évidemment, m’indiquèrent qu’ils ignorèrent où tu étais, mais que tu étais probablement devenu itinérant, ne pouvant plus supporter de vivre à l’intérieur de quoi que ce soit. J’ai donc décidé de partir à ta recherche partout à travers la métropole, et je te retrouve finalement aujourd’hui…
- Que… Que me voulez-vous ? dis-je soupçonneux.
- T’aider. Bon, je dois être complètement honnête. Ce n’est pas totalement désintéressé. Tu vois, ma femme était atteinte de la même maladie que toi. Ça l’a tuée, enfin elle s’est suicidée, tu comprends ? Voilà pourquoi tu m’obsèdes. Je souhaite trouver un remède à ton mal. Or, j’ai eu dernièrement l’idée d’une expérience. Et tu es le sujet rêvé. Considère ça comme une thérapie.
- Une thérapie ? C’est pour les fous ! Je ne suis pas fou !
- Qui a parlé de folie ? L’homme qui a peur n’est pas fou, il n’a tout simplement plus le contrôle. Voici ce que je te propose. Tu viens avec moi. Tu participes à mon étude et je te donne 500 $ de compensation pour ta participation. Que cela fonctionne ou non, tu en ressors gagnant. Qu’est-ce que tu décides ?

J’hésitais. J’avais toujours eu un préjugé envers ces supposées thérapies. Devenir un rat de laboratoire n’était pas ce qui était des plus enthousiasmants non plus, mais 500 $ c’était beaucoup d’argent. En particulier pour quelqu’un comme moi. L’appât du gain eut le dessus sur moi et je lui dis « Pourquoi pas ! » en haussant les épaules. Il me demanda de le suivre. Vu que je ne pouvais pas entrer dans sa voiture, on marcha jusqu’à chez lui. Ce fut long, mais pour moi qui vivais du vagabondage ce n’était rien. Le pauvre professeur, lui, devait reprendre son souffle couramment. En chemin, j’essayais de lui tirer les vers du nez. Je voulais savoir en quoi cela consistait. Il me répondit : « L’idée est que tu ne le saches pas justement. » Je n’insistai pas. Tant qu’il me payait…

On arriva en face de chez lui. Je lui fis remarquer :

- J’espère que vous avez conscience que je ne peux pénétrer à l’intérieur.
- Bien sûr. Allez à la cour. Je vous y rejoins.

Il s’agissait d’une cour bien ordinaire. Une remise au fond, un set de patio vers l’avant bon marché, et l’éternel barbecue. Le professeur ressort avec deux assiettes contenant des sandwiches et des légumes. Il repart et il revient avec deux verres. « Avant de commencer, il faut manger, vous devez être en forme ! » Je ne disais pas non à un repas gratuit. Le sandwich était au jambon. Cela faisait un long moment que je n’en avais pas dégusté, alors ce fut délicieux. La saveur comme la beauté est relative. Je vidai après mon verre d’eau d’une traite.

L’enseignant s’appuya sur son dossier et m’observa en souriant. Je lui demandais ce qu’on allait faire ensuite. « On attend. », qu’il me répondit sans perdre son sourire. Je n’eus pas à le faire longtemps. Car ce fut le noir complet immédiatement après qu’il ait prononcé ces mots. Je ne vous cacherai rien, de toute façon, vous l’avez sûrement deviné, il m’avait drogué.

Ce qui se passa par la suite… était abominable. J’étais enfermé. Mais pas n’importe où. J’étais dans une cavité faite de terre. Elle était si petite que je devais rester couché. Je pouvais tout voir grâce à des lumières artificielles encastrées dans le plafond. Une vieille ennemie dont j’avais oublié l’existence était revenue. La panique reprit ses droits sur mon corps. Je frappai partout. Comme si cogner pouvait régler quoi que ce soit. Je criai à plein poumon. Je gueulais tellement que je devins aphasique. Tout tournait autour de moi. Et puis, on me parla. Dans mon agitation, j’avais l’impression que c’était Dieu qui m’appelait. Sauf que celui-ci avait la voix du maître : « Te voilà en enfer. Pour rejoindre le purgatoire, il te faudra sortir de celui-ci. Ensuite, tu pourras envisager le paradis. » Vu l’état dans lequel j’étais, je ne compris pas immédiatement ce qu’il voulait dire, c’est à ce moment que j’ai aperçu une sortie derrière mes pieds. Elle était encore plus étroite que l’endroit d’où je me trouvais.

Je devais dégager d’ici. Au plus vite ! Je me fermai les yeux et j’avançai. C’était difficile, car le chemin était inégal, je devais me diriger avec mes mains. Mon malaise grandissait. Je n’allais pas assez rapidement. Je sentais que j’allais être malade si je ne me pressais pas. J’ai dû rassembler toutes mes forces pour ouvrir les paupières. Cela me facilita la tâche. La voie était tellement exiguë que j’avais de la difficulté à bouger. Je pleurai de désespoir. J’espérais que mon calvaire se terminerait bientôt. Ensuite, j’allais m’occuper de mon bourreau. J’étais sorti.

J’observais aux alentours et mon cœur faillit s’arrêter. J’étais de nouveau dans une cavité. Dans celle-ci, il y avait trois autres passages caverneux que je devais choisir. C’était fini. J’allais mourir ici. Je me maudis pour mon manque de jugement. Comment avais-je pu lui faire confiance ?

Et puis, la peur se transforma en colère. Je n’avais que le mot vengeance dans ma tête. C’était une énergie nouvelle. L’adrénaline avait aiguisé mes sens. Je détectai un parfum de cuisine dans le chemin de gauche. Je décidai de l’emprunter. Maintenant, il n’y avait qu’une chose présente dans mon esprit. Le crâne démoli du professeur. Je pistais l’odeur comme un chien de chasse. Elle était de plus en plus forte. J’étais proche du but, je le sentais. Et puis, j’aperçus de la lumière. Oui, la fameuse lumière au bout du tunnel. Littéralement. Une membrane de plastique me sépara de celle-ci. Je n’eus aucun mal à la défaire.

Il était là. Devant moi. L’air fier. Il me dit les bras vers l’avant : « Tu es né de nouveau ! Bienvenue chez les vivants ! » Je ne perdis pas de temps. Je sautai sur lui. Mes poings étaient devenus des marteaux piqueurs. Son visage se remplit de rouge. Mais plutôt que de l’entendre crier, il se mit à rire. Plus je le frappai, plus il riait.

Il allait me gâcher le plaisir de le massacrer en plus ? Quand je cessai, il déclara en crachant du sang : « Ne trouves-tu pas bizarre que tu n’aies plus envie de t’enfuir ? Alors que nous sommes dans un sous-sol ? » Il avait raison. J’étais dans une cave et pourtant je n’avais pas peur. « C’était le seul moyen, ajouta-t-il. Tu devais être exposé pour guérir. »

J’étais désarçonné. Mais je n’allais pas lui donner la satisfaction de la victoire. Je lui assenai un coup de pied dans les côtes et je lui exigeai mes 500 $ dollars, sinon j’allais le tuer. Il me lança les billets par terre. Je les ramassai et sortis pour toujours de cet endroit maudit.

Je ne sais plus quoi en penser. Après cette aventure, je suis retourné chez mes parents et j’ai tenté de me refaire une vie. Il m’avait fait vivre le pire des cauchemars et pourtant c’est grâce à lui que j’en suis là aujourd’hui. Que je suis libre enfin !

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Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
couscous
Posté le: 15-05-2016 17:52  Mis à jour: 15-05-2016 17:52
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Claustrophobie
Cette phobie en traversée du désert... c'est horrible ! Ce test m'a fait penser à un accouchement. Est-ce fait exprès ?

Un beau récit, haletant. J'espère que ce n'est pas autobiographique...

Merci

Couscous
christianr
Posté le: 16-05-2016 00:19  Mis à jour: 16-05-2016 00:19
Plume d'Or
Inscrit le: 17-03-2012
De: Boisbriand, Québec
Contributions: 125
 Re: Claustrophobie
Citation :
Ce test m'a fait penser à un accouchement. Est-ce fait exprès ?


Bien vu! Je voulais utiliser le thème de la renaissance.

Citation :
J'espère que ce n'est pas autobiographique...

Mon Dieu non! La seule chose c'est que je fais un peu de claustrophobie moi-même mais jamais à cet extrême.
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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