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Nouvelles confirmées : Coup de jeune (défi du 18/06)
Publié par couscous le 22-06-2016 19:25:21 ( 1019 lectures ) Articles du même auteur



Dimanche, 10 h 14, je suis vautrée devant une chaîne de téléachat. Des vendeuses au sourire Colgate viennent de me vanter les mérites d’une machine qui coupe les légumes en un tour de main, d’une gaine qui fait perdre deux tailles de pantalon en un clin d’œil et d’un appareil de musculation qui sculpte des abdos d’acier apparemment sans trop d’efforts. Et puis c’est au tour d’un autre produit d’être mis en avant. Une femme arborant l’apparence de la vingtaine se plante droit dans mon petit écran avec un petit pot de couleur dorée. Et elle commence un long discours sur les ravages du temps sur nos jolis minois, qui peu à peu ressemblent à la terre d’Afrique après une longue sécheresse. Évidemment, le produit contenu dans ce pot est censé nous rendre notre jeunesse perdue. Ensuite vient le défilé de clientes qui ont essayé cette crème de jouvence. Elles sont toutes plus volubiles les unes que les autres pour nous faire croire au miracle apporté par quelques milligrammes de cet onguent posé chaque jour sur les rides et ridules. On a droit à des photos « avant » avec madame qui arbore un air triste et un visage sillonné de toutes parts, et des photos « après » où cette même personne, devenue souriante, affiche une peau de jeunette.
Dimanche, 10 h 41, pendant ma pause pipi, mon regard tombe sur mon reflet dans le miroir de la salle de bain. On ne peut pas dire que le temps m’ait épargnée, quarante ans, c’est pourtant encore jeune. J’ai deux sillons profonds sur les côtés de la bouche et des pattes d’oie au coin des yeux. Il paraît que ce sont des rides d’expression ; d’un naturel plutôt rieur, j’en subis les conséquences. Finalement, cette crème me serait peut-être utile. 11 h 05, je me pose devant mon ordinateur et passe commande.

Jeudi 17 h 06, le facteur sonne et me remet un colis. Je le remercie à la hâte et m’empresse de rentrer pour ouvrir la boîte en carton qui semble avoir été malmenée pendant le transport. Je découvre, sans surprise, le même pot présenté à la télé, à la différence près qu’il me paraît beaucoup plus petit. Je l’ouvre et en renifle le contenu. Une odeur plutôt acre me saute au nez. Je lis les conseils d’utilisation : « à utiliser exclusivement avant le coucher ».
Jeudi 22 h 21, je me tartine la tronche de cette crème dont les relents me provoquent un léger haut-le-cœur. Allongée dans mon lit, je tente de m’endormir en évitant de basculer sur mon côté ou carrément sur mon ventre sinon ce serait mon oreiller qui profiterait d’un coup de jeune.

Vendredi 7 h 06, je me réveille en sursaut à cause d’un cauchemar indéfinissable. J’avance à tâtons jusqu’à la salle de bain. L’ampoule du plafond me tue les rétines. Ma vision est floue et je décide de faire quelques ablutions pour me sortir de mon semi-coma. Après un séchage vigoureux de mon visage, je me contemple dans le miroir. J’écarquille les yeux en constatant que je viens de retrouver la tronche de mes trente ans. Dingue ! Cette crème marche vraiment ! Je n’en reviens pas !
Vendredi 9 h 52, je sonne avec insistance chez ma copine Diane. Il faut qu’elle voie ça. Elle ouvre la porte et m’invite à rentrer.

– Alors, quelles nouvelles, Lucie ?
– Tu ne vois pas quelque chose de changé chez moi ?
– Attends, je mets mes lunettes… Tu as changé tes cheveux ?
– Mais non ! Regarde mon visage ! J’ai perdu dix ans !
– Ah, oui. Maintenant que tu le dis. Tu as mis combien de couches de fond de teint ?
– Aucune, juste un peu de crème antirides avant de dormir hier soir.
– Faudra me donner la marque.
Diane sort des anciennes photos de moi. On pourrait croire qu’elles ont été prises hier.
– Je me demande si l’effet durera…
– C’est déjà bien que cela ait un effet. Tu sais, j’en ai essayé des crèmes de toutes sortes. C’est toujours décevant.

Vendredi 11 h 52, nous décidons d’aller manger un morceau dans un petit resto du coin. Diane commande des tripes et moi un steak. On choisit une bouteille de vin à partager. Le serveur refuse de m’en verser un verre.

– Je suis désolée, vous êtes trop jeune, Mademoiselle. Les boissons alcoolisées ne peuvent être servies aux mineurs. Vous désirez un coca ?

Diane et moi ne pouvons retenir un fou rire. Je suis obligée de sortir ma carte d’identité pour prouver que je suis majeure et vaccinée. Le serveur détaille la photo et me dévisage. Je sirote finalement mon verre de vin pendant que Diane me supplie de lui donner le nom de ma super crème magique.

– Je ne sais pas si je dois. Tu risques de ne plus pouvoir picoler tranquille et on t’interdira l’accès aux boîtes de nuit.

Vendredi 14 h 37, on termine le dessert avant de repartir chacune chez soi. Je rentre dans une librairie pour acheter ma drogue quotidienne.

– Un Marlboro Menthol, s’il-vous-plaît.
– Pas de tabac aux enfants, ma petite. Désolée !
– J’ai quarante ans, Madame.
– C’est ça ! Et moi je suis Michaël Jackson !
– Il est mort !
– Justement !
– Voici ma carte d’identité pour preuve.
– Bien essayé d’avoir emprunté la carte de ta maman. Mais va lui rendre maintenant. Allez, file, j’ai du travail.

Je jette un œil dans le miroir qui sert à surveiller les vols dans le magasin et peine presque à me reconnaître. J’ai l’impression d’avoir quatorze ans. Troublée, je sors de l’échoppe de tabac pour retourner dans mes pénates.
Vendredi 15 h 12, je suis devant ma glace à scruter de près mon nouveau visage qui porte les marques de la puberté avec des boutons rouges disgracieux. J’ai un fond d’Eau Précieuse dans mon armoire et en applique sur mes joues et mon front.
Vendredi 17 h 58, je sors afin d’acheter du pain pour souper. Je pénètre dans la première boulangerie qui présente encore une baguette dans son étal. Une dame proche de l’âge de la retraite apparaît de derrière un rideau de lamelles multicolores.
Je tente de demander la baguette mais seuls des petits bruits, comme des gémissements, sortent de ma bouche. Les yeux de la boulangère s’arrondissent et me scrutent comme une bête étrange. Je tente à nouveau en me concentrant sur mon articulation. La dame rit de mes gazouillis, pensant à une blague. Je sens que mes lèvres tremblent avant de me mettre à pleurer à chaudes larmes. Mais que m’arrive-t-il ? Je rentre chez moi en courant. Ma glace me renvoie un minois de poupon, les yeux rougis par les larmes.
Cette crème est d’une efficacité redoutable. Mais je ne veux pas retomber en enfance ! Je voulais juste paraître quelques années de moins. Je prends un gant de toilette mouillé et du savon afin de me frotter énergiquement le visage. Il ne faut plus laisser une trace de cette satanée crème.
Vendredi 18 h 42, je me chauffe une tasse de lait que je bois à la paille. Je suis épuisée. Une fois mon pyjama enfilé, je me mets en boule dans mon lit et m’endors en suçant mon pouce.

Une ambulance passe dans la rue toutes sirènes hurlantes. J’ouvre subitement les yeux. Mon réveil affiche 7 h 02. Je suis en nage et mes draps sont trempés. Je me rappelle la journée d’hier avec horreur. D’un bond, je suis hors de mon lit et me précipite dans la salle de bain.
– Miroir, ô beau miroir, dis-moi quel âge j’ai !
La glace reste de marbre mais je suis si heureuse d’avoir retrouvé la parole. Mes traits sont ceux d’une femme de quarante ans et sur lesquels la crème antirides n’a eu aucun effet miraculeux. Mais je suis presque heureuse de me reconnaître à nouveau. J’allume la radio pour écouter la météo.

– Bonjour chers auditeurs, nous sommes vendredi 17 juin, nous fêtons les Rita.

Vendredi ? Mais… J’ai rêvé alors ! Sainte Rita, patronne des causes perdues et désespérées. Tout un symbole pour mes rides ! Je pense que je peux faire un trait sur mon coup de jeune espéré. Cette crème fait halluciner sur un rajeunissement et espérer retrouver son visage ridé. Malin ! Sans regret, je jette le pot doré à la poubelle.

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Auteur Commentaire en débat
arielleffe
Posté le: 25-06-2016 08:33  Mis à jour: 25-06-2016 08:33
Plume d'Or
Inscrit le: 06-08-2013
De: Le Havre
Contributions: 805
 Re: Coup de jeune (défi du 18/06)
Je pars au marché acheter de la crème fraîche. En grossissant j'aurai moins de rides
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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