| A + A -
Connexion     
 + Créer un compte ?
Rejoignez notre cercle de poetes et d'auteurs anonymes. Lisez ou publiez en ligne
Accueil >> xnews >> Teddy blues - Nouvelles confirmées - Textes
Nouvelles confirmées : Teddy blues
Publié par Donaldo75 le 29-09-2016 11:34:31 ( 890 lectures ) Articles du même auteur



Initialement, j'avais écrit ce texte, en retard, pour le défi sur la journée du patrimoine, puis je me suis dit que ce serait un peu gros, vu que le mot patrimoine apparait deux fois à titre d'excuse.

Teddy blues


Teddy sonda ses poches, en vain. Son patrimoine se résumait dorénavant à du vide. Il repensa à ses derniers mois de galère. Barbie l’avait siphoné jusqu’au trognon, lui le compagnon des têtes blondes, l’ours favori des petites filles. D’abord, elle l’avait intoxiqué avec ses histoires de mode, de marques et de paraitre. Il s’était retrouvé habillé d’improbables tissus bigarrés, à tordre de la fesse pour sa reine des princesses, sous le regard amusé de dizaines de doudous habitués à se promener nus. Pour se payer ses soi-disant costumes, il avait emprunté à Winnie, un ourson pas vraiment généreux, puis à tous les autres.

Barbie n’était désormais plus là pour lui dire comment marcher, quels verbes utiliser avec les enfants, où poser son chapeau. Elle était partie avec Arlequin, un beau parleur, le genre à rouler des yeux et amuser la galerie avec ses pitreries. Malgré tous ses griefs, Teddy regrettait Barbie et ses beaux cheveux lisses. Elle lui manquait. A ses yeux, elle représentait le nec plus ultra de la féérie, loin des mièvres peluches et des pauvres poupées de toile si longtemps adorées par des parents nostalgiques. Barbie avait même sa chaine de télévision, avec ses copines couronnées et ses chevaliers propres sur eux. Des milliers de petites filles, et même des petits garçons, se repassaient les épisodes en boucle, rêvaient d’un monde doré où le crapaud se transformait toujours en beau prince, où Cendrillon rencontrait le fils du roi, tout ceci malgré les nombreuses embûches placées ça et là par des sorcières pustuleuses ou des conseillers occultes. Barbie était une étoile.

Teddy jeta un dernier coup d’œil sur la chambre, son ancien monde. Les doudous ne trainaient plus dans tous les coins, certainement à cause d’Isabella la femme de ménage, une fanatique de la géométrie et de l’alignement. Seuls le rossignol de la pendule et le petit cochon tirelire n’étaient pas enfermés dans des placards, des boites de rangement ou à la cave. Teddy se dirigea vers Porky le gardien des sous.
— Peux-tu m’accorder un dernier prêt, vieux frère ?
— Tu as déjà une ardoise bien remplie, Teddy.
— Je sais. Je vais me refaire.
— Tu dis toujours ça.
— Disney embauche de nouveaux héros pour sa prochaine saison.
— Tu as trop écouté les délires de Barbie, vieux frère. C’est du flan. Aujourd’hui, il n’y en a plus que pour les voitures qui parlent, les robots tueurs de fantômes cybernétiques. Même les super-héros sont en perte de vitesse.

Porky, le petit cochon tirelire, n’avait pas tort. Teddy le savait. Le temps ne jouait pas en sa faveur, lui le doudou démodé. Pour appuyer ce constat, le rossignol sortit de sa cachette, siffla sa mélodie tyrolienne puis donna son point de vue.
— Nous sommes des dinosaures, Teddy, les fruits passés d’une longue tradition.
— Les dinosaures reviennent à la mode, au cinéma.
— Mais ils ne sont pas réels, juste des images fabriquées pour effrayer les adultes, fasciner les adolescents et remplacer les monstres sous le lit.
— Et si nous étions de gentils dinosaures ?
— La gentillesse ne paie plus, Teddy. Barbie t’a coincé dans un mirage, avec ses chateaux de guimauve, ses tenues colorées et son sourire éclatant. Tu as acheté ce conte, au prix de tes dernières économies.
— Si je t’écoute, il n’y a pas d’espoir, alors.
— Accepte de vieillir, va te coucher dans une boite en carton.
— Barbie ne l’a pas fait, elle. Elle est partie tutoyer les sommets.
— Elle passera, à son tour, quand les enfants connaitront leurs premiers dépits amoureux.

Le rossignol rentra dans sa pendule. Le petit cochon cligna des yeux puis le silence règna de nouveau dans la chambre. Teddy comprit qu’il n’aurait pas de nouveau prêt. Il devait maintenant compter sur lui seul, sans moyens. Il avait mis au clou ses habits de fête, les costumes onéreux concoctés par Barbie quand il était encore son nounours favori, son amant merveilleux. Il n’était pourtant plus cet ours nu, toujours souriant. Teddy se regarda dans le miroir mural et commença à discuter avec son ancien lui.
— Je sais, tu vas te moquer de moi, avec ma salopette de camionneur.
— Non, ça te va bien.
— Tu es sérieux ?
— Oui. La simplicité te va bien.
— Je ne regrette pas le temps d’avant. Et toi ?
— Non plus. Se promener nu, cousu de fil, avec cet éternel sourire niais, c’était lassant. Nous sommes devenus graves.
— Et nous avons rêvé, à notre tour.
— Barbie a créé un véritable pays des merveilles.
— Le retour à la norme est difficile.
— Non, il est désormais impossible.

Teddy acquiesça en silence. Son double du passé avait raison. Il n’y avait aucune raison de revenir en arrière. Barbie était partie avec un autre, mais elle lui avait ouvert les yeux. Il ne pouvait plus rester sagement confiné dans le rôle de la peluche obéissante, pour le plaisir des petits et des grands. Les podiums, le strass et les paillettes l’avaient enivré, et cette ivresse résonnait encore en lui comme autant d’étoiles dans le ciel nocturne. Son patrimoine n’était que du vent, des croyances construites sur l’illusion d’une enfance éternelle. Rien ne l’obligeait à terminer dans un placard, à moisir au milieu des souvenirs effacés. Sentir l’odeur de la mite ou de la naphtaline, s’enfoncer dans la poussière et le rance, subir les affres de moults déménagement, pour finir dans un vide-greniers, ne l’emballait pas outre-mesure. Teddy décida de tenter sa chance dehors.

Article précédent Article suivant Imprimer Transmettre cet article à un(e) ami(e) Générer un PDF à partir de cet article
Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

Connexion
Identifiant :

Mot de passe :

Se souvenir de moi



Mot de passe perdu ?

Inscrivez-vous !
Partenaires
Sont en ligne
52 Personne(s) en ligne (13 Personne(s) connectée(s) sur Textes)

Utilisateur(s): 0
Invité(s): 52

Plus ...