Manifeste pour l’adhésion au culte de Guandi

Date 28-09-2012 06:50:00 | Catégorie : Essais confirmés


Récemment la diaspora chinoise célébrait Guandi. Guandi est souvent considéré comme un dieu de la guerre (mais pas que…) - il faut prendre garde à ne pas se faire une idée trop réductrice de sa place dans un panthéon foisonnant et complexe.

En tout état de cause il n’est certes pas le dieu des va-t-en-guerre de salon embusqués derrière leur clavier, qui n’ont jamais éprouvé dans leurs clavicules le recul du 38 SP ni savouré le cliquetis graisseux d’une culasse de calibre 12, mais qui envoient volontiers au casse-pipe des songe-creux pressés de se faire dégorger le poireau dans un au-delà milk and honey.

Guandi est une divinité à la fois purement chinoise, bouddhiste, taoïste et même confucéenne. Un dieu transversal, en quelque sorte, qui exalte des mérites dont la rareté désole : la fidélité, le courage, la maîtrise de soi…


Guandi avant d’être dieu fut homme. Un homme de chair, de sang et d’os qui fut divinisé. Ô singularité, ô chose originale et exceptionnelle que l’on ne vit jamais en d’autres temps ni en d’autres lieux !

On notera avec intérêt que Guandi n’est généralement pas traité en objet de dérision. Personne ne semble avoir envie de se moquer de lui, on ne le blasphème pas…. étrange, non ? Serait-ce que le culte qui lui est consacré, pourtant très répandu mais qui est, il faut l’admettre, assez peu démonstratif, a permis de conserver intactes sa dignité, sa respectabilité, sa crédibilité ?

Imaginons cependant que Guandi devienne l’objet de moqueries cruelles et caricatures féroces. Verrait-on, devant des ambassades et des consulats, de fort peu viriles démonstrations d’hystérie ayant pour acteurs des hommes faits dûment pantalonnés, trépignant et ululant comme des gamines de douze ans, avec brûlements de drapeaux et autres singeries grotesques ? Peut-on imaginer des zélateurs de Guandi se ruer au meurtre, la bave aux dents et le vit en berne ?



On se plaît à imaginer Guandi, qui fut un homme de guerre, botté, casqué, revêtu d’une cuirasse métallique, et armé d’une épée Jian au double tranchant sans défaut. Imaginez qu’une grosse mouche, un bourdon ou un taon viennent lui tourner autour. Dégainerait-il sa Jian pour chasser la bestiole ? Non. Souvenons-nous qu’il incarne entre autres la maîtrise de soi.

Inspirons-nous de Guandi. Il y a une foule de choses que nous pouvons évacuer de notre existence, comme on chasse une mouche importune d’un revers de la main, très tranquillement, avec calme, mais avec fermeté, sans presque s’en rendre compte tant c’est machinal.

C’est ainsi qu’inspiré par Guandi je traite, par exemple : les bêlements crypto-nationalistes, le journal de vingt heures, le mariage gay, les sempiternelles et moisies tautologies monothéistes, le règne du trouillomètre à zéro, et d’une façon générale tout ce qui parvient à peine à m’en toucher une sans faire bouger l’autre, et je vous prie de croire que la liste est longue.



Il n’est que temps de revendiquer le droit à l’incuriosité et de ne pas se sentir forcément concerné par les conséquences éventuelles des quelques pico-centicubes d’air ridés par le pet d’un lépidoptère dans le désert de Gibson.

Gardons bien présent à l’esprit que nous n’aurons pas assez de toute notre vie (quelle qu’en soit la durée) pour nous occuper de ce qui ne dépend que de nous. Alors de grâce, soyons économes de notre empathie.

Adoptons Guandi comme divinité tutélaire, et faisons de lui le dieu de tous ceux qui ont envie de dire, comme Léautaud juste avant de mourir : « Maintenant, foutez-moi la paix. »




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