Chez Marie.

Date 10-03-2023 12:22:31 | Catégorie : Annonce


Chez Marie.




A Brignais Centre, y’a un café tout pourri, tout vieux : le Café de la Place (Chez Marie qu’y s’appelle plus exactement!)
Les chiottes sont turques, la tapisserie moisie…
La barmaid est un tantinet grosse : la soixantaine…
C’est le café des RMIstes, des alcoolos, des absents, des Dépersonnalisés, des tousseurs…
Ici, le demi est à deux euros vingt…
Je connais bien l’endroit : je suis un habitué des lieux…
Il m’arrive de débarquer à sept heures du mat pour me « charger à bloc » comme on dit…
« Qu’est-ce qu’y boit ? », qu’elle me demande, la Marie…
-Une pression, s’il- vous- plaît… Et qu’ça saute !...
Je suis là parmi les gars qui sèchent leur coup d’blanc aux petite aurores ; j’observe ces ombres autour du tapis de la belote de comptoir : ça fume, ça tousse en écho, ça crache, ça renverse les verres, ça papote, ça finit en capote…
Café des Dépersonnalisés, Brignais.
J’installe en terrasse ma machine à écrire et je raconte l’univers de ces fantômes qui sont à moitié là…
Une affiche sur la porte ventant les mérites des cigarettes Gauloises blondes
Une autre juste à côté : une exposition de peinture à Lyon, seul vestige d’une civilisation encore en construction…
Dedans, les tables sont sobres, blanches, délavées par les descentes….
Sept heures du mat : les Maghrébins du quartier ne sont pas encore là ; des gars en tenue de travail uniquement qui viennent « inaugurer » une journée de chantier autour d’une bouteille de blanc…
Certains sont au café… Bizarre ! …. Bizarre !….
Moi j’écris, la Gauloise au bec…
Êtes-vous là, messieurs les Dépersonnalisés ?
Mais non ! Pas une trace de vos descentes ; pas une trace de vos larmes retenues par le frimas…
Chez Marie, la mer n’est pas là pour laver l’Empreinte : c’est le soleil qui fait remonter les vapeurs éthyliques et qui « aère » et fait étinceler les mauvaises haleines…
L’été approche et désinfecte tout…
Croyez-moi, l’hiver est le pire ennemi des cafés « hors littoral » car tout y stagne : le chagrin moisi dans les yeux, le sang caillé, le moral flottant et puis la pluie arrêtée, photographiée au Côte du Rhône…
On s’abîme, on se lézarde le cœur, on alourdit ses tumeurs et son limon…
Oui vraiment, on manque d’air du large à Brignais : tout est irrespirable ! …
Les fumées s’entassent, les rires se craquellent et les étoiles filantes sont retenues par l’Aura épaisse et enveloppante…
Ici on meurt à petit feu, à grande gorgée…
Ici on se noie sans eau ni marée…
Ici on attend le lendemain et la prochaine cuite….

Brignais, 17/06/2009.








Cet article provient de L'ORée des Rêves votre site pour lire écrire publier poèmes nouvelles en ligne
http://www.loree-des-reves.com

L'url pour cet article est :
http://www.loree-des-reves.com/modules/xnews/article.php?storyid=12436