Deux mains deux maîtres (texte à quatre mains de Tchano et Emma)

Date 18-02-2013 21:29:52 | Catégorie : Poèmes confirmés


Une gauche très adroite, une droite pas très gauche

Deux mains se disputaient un bout de papier gras

Pour y faire glisser leurs farandoles de mots

L'une voulait des rimes plates ou des rimes croisées

L'autre aimait les vers libres qui vaguement s'embrassaient

La plume infidèle sans cesse changeait de camp



Alors qu'elle fût volante, la plume se fit volage

Allant au gré des vents, plus que tout des envies,

De la main rigoureuse à celle plus licencieuse

Quel étrange jeu de mains, une danse silencieuse

Où la plume est l’objet d’invectives délicieuses

Trouble penne, bien en peine d'un jour pouvoir choisir !

Dextre et gauche, toutes deux à la blancheur insigne

Pourtant, pourpres, s’insultaient dans la langue des signes

S'accusant mutuellement de leur muse au rabais



Mais pendant ces querelles, la page immaculée

Se froissait, s'offensait d'être ainsi délaissée.

Cette irritante attente lui causa un prurit

Que seul pouvait calmer les crissements lyriques

De la plume affûtée. (La plume nous le savons,

Comme l'éponge à vaisselle, n'est douce que d'un côté.)

La feuille, c'était horrible, suppliait qu'on la gratte.

Qu'on lui gratte le dos mais aussi le verso,

Car vous l'aurez compris, l'urticaire fut géant.

Cela finira mal que personne ne s’étonne

Car tous ces jeux de mots dont certains qui détonnent

Restaient là en suspens attendant le tout-venant…

Cette pauvre page vierge qui, nous le sentons

Se savait seule comme la dive crèche, oui, mais sans les Santons

Restait là, fataliste face aux muses grévistes sans éducation.

Et force d’érythème et de crise de foi

La page s’encolora d’un camaïeu de mirepoix

Puis s’enflamma tout de go d’inextinguible colère.



Tandis qu’elle s’immolait de l’entête aux guiboles

Échevelée de flammèches et de funestes fumeroles

Elle livra un ultime message aux deux mains affolées...

De la fumée montant au paradis des arbres

Une voix s'adressa aux deux mains déconfites

"Ne montrez pas le poing, l'une vers l'autre tendez,

Joignez vos différences en un dessein commun!"

Sur un bout de papier, aux franges calcinées,

Épargné par l'ardeur de ce feu spontané,

Elles décidèrent ensemble d'écrire cette épitaphe:



"Ici gît à jamais un jeu de mains vilain,

Ici est née une belle et franche poignée de mains".

















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