Tout est permis

Date 19-04-2013 07:40:00 | Catégorie : Nouvelles


Tout est permis …

Lucie suit des cours d’auto-école depuis plusieurs mois. Les débuts ont été laborieux. La partie théorique, elle a dû la passer 5 fois avant de l’obtenir. Elle ne passait valablement bien que le test de vision ! Ah, ces questions pièges … Elle tombait toujours dans le panneau (de signalisation !). Et ces règles de priorité particulières avec les trams, les bus. Ils n’ont qu’à supprimer les trams, il y a quand même le métro ! Un jour de chance, elle est tout de même parvenue (oh miracle !) à obtenir suffisamment de bonnes réponses pour passer à l’étape suivante.

Et non des moindres ! D’abord l’apprentissage de la maîtrise de l’alchimie subtile de l’équilibre des gaz. Elle qui n’est pas scientifique pour un sou ! La voiture a souvent eu des soubresauts, comme prise d’un hoquet avant de s’immobiliser en plein milieu du parking. Trois cours pour lui apprendre à avancer sans caler, le moniteur n’avait pas encore connu cela.

Viennent les sacro saintes manœuvres à effectuer en sécurité sur le terrain privé de l’école. Le pare-chocs de la petite Opel a plusieurs fois vu de très près les différents murs alentours. La pire épreuve fut le créneau ; là, pas moins de cinq leçons lui furent nécessaires. Son moniteur prénommé Bernard, plutôt expérimenté, poussait un long soupir à chaque arrivée de Lucie, priant le Saint Patron des chauffeurs de lui prodiguer patience et protection car les choses sérieuses commençaient avec le parcours dans la ville. Bernard était assez nerveux, ce qui ne rassurait pas Lucie. Etonnamment elle se débrouillait plutôt bien. Elle a juste oublié une priorité de droite et failli emboutir un camion si Bernard n’avait pas actionné son frein. Ah, il y a aussi la petite mémé que Lucie n’a pas vue traverser tout doucement car son regard était attiré par la publicité pour le nouveau Centre commercial. Là encore Bernard aurait pu être canonisé pour avoir sauvé une vie : « Saint Bernard, protège Lucie ! ».

Finalement, après le financement du double de leçons habituel, Lucie est fin prête pour l’épreuve finale. Elle est très nerveuse et s’en remet à nouveau entre les mains du Docteur Matamba et ses cachets zen. Après les formalités courantes, Lucie prend place à côté de l’examinatrice, une dame d’une quarantaine d’années. Sa bouche ridée reste pincée comme si elle allait embrasser le pare brise. Ses yeux cachés derrière ses lunettes en demi-lune sont mi-clos, ce qui lui donne un air mauvais. Lucie prend une grande inspiration et tourne la clé de contact. C’est parti ! Les consignes sont simples : tout droit sauf si ce n’est pas possible ou si l’examinatrice donne une direction précise. A l’arrière, Bernard égrène un chapelet. Non pour que Lucie obtienne son permis mais pour qu’aucune victime ne soit à déplorer à la fin de l’épreuve. Lucie évite d’emboutir le véhicule devant elle qui pile, laisse traverser les piétons et respecte les priorités. Elle s’avance dans une petite route et l’examinatrice lui demande de stopper le véhicule sur le côté.

« Ah, c’est déjà fini ? Je pensais qu’on retournait au centre d’examen. »
La dame affiche un petit rictus en lui déclarant :
« Mais c’est terminé. Vous avez échoué, Mademoiselle. »

Lucie repasse en vitesse dans sa tête le parcours effectué pour déceler ses erreurs sans en trouver une assez grave pour se voir éjectée de la sorte. Sa voisine coche diverses cases sur un formulaire. Lucie la questionne :
« Pourquoi ?
- Mais, vous venez d’entrer dans un sens interdit ! C’est une faute grave. Veuillez faire demi-tour et retourner au Centre, je vous prie. »

Lucie reste bouche bée quelques secondes. Comment a-t-elle pu commettre une telle erreur ? Ce n’est pas la faute du Docteur Matamba ! De ses lunettes peut-être ? De sa distraction le plus sûrement. Dans la vie, malheureusement pas de marche arrière possible comme dans une voiture.

Lucie revient devant le grand bâtiment gris sans âme. Une profonde déception se lit sur son visage quand l’examinatrice lui tend le feuillet rose où la case « échec » est cochée en lui adressant un « au revoir » des plus glacials.
Bernard pose la main sur son épaule en déclarant avec plein de regrets (pour lui, non pour Lucie) :

« Ce sera pour la prochaine fois. Va reprendre un rendez-vous. »

Lucie attrape son sac et s’extirpe de la petite cylindrée. Sur le chemin vers le bureau d’accueil, elle remarque une jeune fille en béquilles arborant un large sourire, signe probant d’une réussite. Lucie n’en revient pas : « S’ils commencent à donner le permis à des estropiés, ils vont bientôt le délivrer aux aveugles ! »

Les sentiments de colère et d’injustice prennent place dans son esprit et des larmes naissent au bord de ses paupières. Non ! Lucie n’était pas de celles qui se laissent abattre. Prochain rendez-vous dans six semaines ? OK, elle prend. Et là, ils verront. Lucie, la fille spirituelle de Senna et du commissaire Quisquater (présentateur de l’émission « Contact »).




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