La vie est un manège (chapitre 2)

Date 21-04-2013 18:10:00 | Catégorie : Nouvelles


Chapitre 2 : Une reprise différente


28 Septembre 2010, 9h30

Aujourd'hui, je reprends le travail. Un mois de frustration totale, sans voir mes charmants camarades mais, surtout immobilisée. Deux semaines avec une attelle, deux semaines de rééducation. En mettant mes sombres pensées de côté, je retire la buée qui encombre le miroir de ma salle de bain. Je coiffe rapidement ma chevelure brune en queue de cheval. Je déteste m'attarder devant mon reflet dérisoire. J'attrape ma veste et sors en boitant légèrement. Je profite de l'air frais qui souffle sur mon visage tout en rejoignant ma voiture.

Un quart heure plus tard, j'arrive toute pimpante de mes vacances forcées et me dirige vers le bureau à la rencontre de mon chef : Christophe. Il est grand avec un ventre quelque peu bedonnant. Ses cheveux bruns, gradués de blanc sont toujours coiffés en bataille. Sous ses yeux d'un bleu océan, on aperçoit des rides bien creusées. Sa chemise est froissée et un côté sort de son jean délavé. Il est loin d'être un exemple à suivre. Soit, je lui fais la bise. Une aubaine pour moi, ce matin il n'a pas pris son bol de vin ou de bière, comme tout le monde le laisse entendre.
- Alisée mais que fais-tu là ? Me demande-t-il.
- On m'a dit qu'il te manquait du monde et que tu avais besoin de moi.
- C'est vrai, mais je m'en suis arrangé. J'aurais peut-être besoin de toi dans l'après-midi.
Sur cette dernière phrase, il prend sa radio pour écouter le message à son attention. Et comme à son habitude, il part en courant je ne sais où.

Je souffle, déçue de ce que je viens d'apprendre. Malgré cela je pars dans les vestiaires afin de me vêtir de ma chemise de cow-boy beige et prune. J'en profite aussi pour mettre ma veste rouge avec le logo du parc, car il commence à faire frais. En sortant du petit lieu, je rencontre une collègue. Contente de me voir, elle me salue et m'accompagne auprès des autres qui sont sagement assis aux tables de pique-nique réservées au personnel. J'explique mon absence. Puis leur demande si tout s'est bien passé. Là commence, une discussion très animée, comme toujours.

Durant une heure et demie, je tourne, je vire dans ce lieu bruyant mais plein de vie. Je rencontre des personnes de tout âge. Les enfants sont bien entendu les plus enthousiastes. À chaque nouvelle attraction qu'ils découvrent, leurs regards deviennent admiratifs, surpris. Les parents les suivent le pas traînant, voulant que cette journée finisse au plus vite. Durant ma brève disparition pas grand-chose a changé. À part bien sûr, la mise en place du décor pour la période d'Halloween, à commencer par l'installation des drapeaux orange et noir en hauteur. Soudain je m'arrête devant une mise en scène assez bien réalisée. Elle représente la maison de la sorcière du conte d'Hansel et Gretel. J'admire chaque détail les uns après les autres : des poteaux en forme de sucre d'orge, des buissons en chamallow, des volets ronds en sucette... un travail de professionnel. Fascinant pour l'imagination...

000

Le repas se termine rapidement. Il est déjà l'heure de reprendre le travail. N'ayant aucune nouvelle de Christophe, je décide d'aller aider pour les décorations d'Halloween. Donc j'entreprends de peindre en noir la bouche, le nez et les yeux des énormes citrouilles, stockées dans la cour entre les différents ateliers.
Malgré le pinceau qui perd ses poils, je m'applique du mieux que je peux. Je repense au coloriage que j'ai pu faire étant plus jeune.

Je regarde mon portable, je m'aperçois que le temps passe trop vite. Il est déjà quinze heures. Charles, un des chefs de la technique s'avance vers ma collègue et moi, le nez dans ses papiers. Je le considère comme un gros nounours à cause de ses joues joufflues et de son sourire qui s'affiche sur son visage en toutes circonstances. Il vient pour les pauses des opérateurs manèges. Je quitte mon outil sur ma table et m'approche pour écouter. Il montre à ma coéquipière les pauses qu'elle doit effectuer puis part sans rien me donner. Perplexe, je le poursuis, jusqu'à me mettre devant lui pour le stopper.
- Et moi ?
- Je suis désolé, mais Gary ne veut pas que tu ailles sur les manèges, me répond-t-il mal à l'aise.
- Où est-il ? Je demande irritée.
- Tu le trouveras au bureau mais...

Sans attendre la fin de la phrase je me précipite en direction du cube en fer, d'un pas décidé. J'entre sans frapper et me fige au milieu de la pièce, attendant qu'il veuille bien lever le nez de son ordinateur. Après quelques secondes, je vois qu'il ne bouge pas alors je lui lance :
- de quel droit tu m'empêches de travailler ?
Cette fois-ci, il relève la tête vers moi. J'aperçois une lueur dans ses yeux. Il se met debout et s'approche de moi tout penaud. Je l'observe de la tête aux pieds. Il a les cheveux noirs, coupés court et une fine moustache. Il porte la fameuse chemise du parc qui est impeccablement bien repassée et rentrée dans son jean.
- Tu n'es pas en état de... débute-t-il calmement.
- Pas en état... pas en état, répète-je en prenant des papiers que j'avais posés sur le bureau de Christophe ce matin même. Et cela c'est quoi ? L'attestation du médecin du travail, le certificat médical de mon médecin traitant qui dit que je suis totalement remise, explique-je en lui donnant les papiers.
Il dépose les feuilles sur la table, me prend par les épaules et plonge son regard dans le mien. Ses yeux m'apaisent tout de suite. Je ne bouge plus et attends sa réponse.
- Je t'ai observée toute la journée et j'ai remarqué que tu boitais encore. La dernière chose que je veux c'est que tu te retrouves de nouveau à l'hôpital.
À ces mots, mon cœur rate un battement et je ne peux plus m'empêcher d'admirer son regard noisette. Mais, je réussis quand même à m'expliquer.
- J'ai quitté l'attelle il y a peu de temps. Avec elle je boitais. Et il me faut un peu plus de temps pour avoir une marche normale, mais je vais très bien.
- Je suis désolé. J'aurais dû venir te voir, avant de prendre des décisions te concernant. Dès le week-end prochain, tu reprends ton manège, m'assure-t-il.
Je lui décroche un petit sourire puis me dirige vers la porte. Je sens son regard me parcourir. Avant de sortir, je me retourne et lui dis :
- excuse-moi de t'avoir engueulé.
Il me rend ma risette. Je sors, un vent frais vient frapper mon visage. Je m'appuie contre la porte et prends une grande bouffée d'air. La conversation que j'ai eu avec Gary m'a quelque peu chamboulée.



Cet article provient de L'ORée des Rêves votre site pour lire écrire publier poèmes nouvelles en ligne
http://www.loree-des-reves.com

L'url pour cet article est :
http://www.loree-des-reves.com/modules/xnews/article.php?storyid=2143