Ce jour-là

Date 27-05-2013 21:10:00 | Catégorie : Nouvelles


Quand les troupes de Franco arrivèrent à Madrid, la guerre civile espagnole s’arrêta et beaucoup de républicains s’exilèrent, mais mon père ne voulait pas quitter son pays, abandonner sa patrie. Alors nous restâmes tout les trois, ma sœur, mon père et moi, dans un des petits quartiers de la capitale. Ma sœur, bien plus âgée que moi, ne comprenait pas ce qui se passer, pas parce qu’elle n’était pas intelligente, mais parce que la politique ne l’intéressait pas et surtout parce qu’elle était amoureuse. Amoureuse d’un franquiste. Mon père ne lui avait rien dit, car il préférait qu’elle reste dans l’ignorance. En effet, Barbara n’était pas au courant de la vie secrète de notre père, qui consistait à distribuer des tracts de propagande, dans toute la ville avec son groupe de résistant, dont il était le chef.

Ce matin-là, je me réveillai en sursaut lorsque j’entendis une personne tambouriner à la porte. J’attrapai mon long gilet en laine et m’approchai de la porte doucement.
-Ouvrez ! Ouvrez ou je défonce la porte.
Mon père sortit de sa chambre.
-Laila retourne te coucher !
-Mais…
-Laila !
J’exécutais son ordre. Je savais que quelque chose n’allait pas. Je sentais cette boule au ventre prendre de plus en plus de place, comprimer tout mes organes. Je n’avais pas l’habitude que mon père hausse la voix. Quelque chose de grave se préparait, mais j’étais loin d’imaginer ce qui allé se passer.
Tout se passa très vite. Je n’étais pas encore dans ma chambre, quand mon père ouvrit la porte et que trois franquistes entrèrent dans la maison et empoignèrent de force mon père.
-Je vous arrête pour le meurtre d’un soldat du chef d’état du général Franco. Vive Franco !
Je me retournai et me précipitai vers mon père.
-Papa ! Papa !
-Ce n’est rien Laila. Retourne te coucher.
-Non papa !
>>Lâchez le. Lâchez-le.
-Tu devrais écouter ton père, gamine.
-Je ne suis pas une gamine.
Je me précipitai contre le franquiste pour l’assener de coup, mais il les esquiva et me repoussa violemment, avant de pousser mon père vers la sortie et de refermer la porte. Je me jetai sur la porte, pour les poursuivre, mais ma nourrice la bloqua.
-Nounou, pousse-toi ! Ils ont prit papa ! Il n’a rien fait ! Nounou !
Je m’effondrais dans les bras de ma nourrice.
-Je sais Laila. Je sais. Tout ira bien.
Elle me berça comme quand j’étais enfant. Depuis la mort de ma mère, c’est elle qui s’occupait de ma sœur et moi. Elle était comme une deuxième mère pour moi. Je lui faisais confiance, alors quand elle me promit que tout irait bien, je la crus, même si je savais que tout était faux. Même si je savais que tout n’irai pas bien. Que tout n’irai plus jamais bien.
A la fin de la journée, José, le fiancé de ma grande sœur, vint à la maison alors que celle-ci faisait les courses avec Nounou. Les traits de son visage étaient durs. Il était porteur d’une mauvaise nouvelle. Tout au fond de moi je savais, mais quand il les dit à haute voix, ce que je m’interdisais de penser, mon cœur se déchira en deux et je ne pus faire taire ce cri d’épouvante.
-Là. Là. Je suis là, disait-il pour essayer de me calmer.
Je repoussai violemment sa main, attrapai mon manteau et sortis de la maison. Comment pouvais-je laisser un franquiste, comme ceux qui venaient d’embarquer mon père ce matin-là, me toucher? Un franquiste, comme ceux qui allaient l’exécuter pour un crime qu’il n’avait pas fait.
Dans les rues de la capitale, je commençais à courir. Je courais jusqu’au quartier général, où mon père et ses compagnons se rejoignaient d’habitude. Je courais pour rejoindre ma vraie maison. Je courais vers mon destin, car se fut ce jour-là, que moi, Laila Cristobal, je m’enrôlais dans la résistance.




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