Le sacrifice

Date 20-03-2012 03:10:00 | Catégorie : Nouvelles


Le sacrifice

Eux, c’est les Aquariens. Ils sont la norme. Au début, ils n’étaient qu’une poignée d’enfants devant des milliards. Ces enfants avaient développé spontanément des pouvoirs surnaturels. Dans le monde entier, c’était la consternation. Certains les considéraient comme des anges venus du ciel, d’autres comme des démons venus de l’enfer. Personne ne pouvait rester indifférent face à cette situation.
Tel un raz-de-marée, le sujet envahissait toutes les sphères médiatiques : radios, journaux, réseaux sociaux, télévisions. Et puis, une astrologue fait une révélation : ces enfants seraient le résultat du passage de notre terre dans l’ère du verseau. C’est d’ailleurs elle qui leur a donné un nom : les Aquariens, les êtres du verseau.

Moi, je suis un Piscémien. Je suis un marginal, un hors-norme, un anormal. Il y a 200 ans, j’aurais été vu comme quelqu’un de bien ordinaire. J’ai tout ce qu’un humain d’alors avait. J’ai deux bras, jambes, oreilles, yeux. Je suis aussi en parfaite santé. Aucun problème d’audition, une vue parfaite, pas de problème d’apprentissage. Mais voilà, je n’ai aucun pouvoir. Je suis l’ancien monde. Un anachronisme. La même astrologue qui a baptisé les Aquariens, en a fait de même avec nous : les Piscémiens, ceux de l’ère du poisson.

Cinq ans plus tard, ils devenaient de plus en plus nombreux. En grande majorité, les nouvelles naissances étaient celles des Aquariens. Les premiers enfants, eux, qui étaient à l’aube d’être adolescents, acquirent de nouveaux pouvoirs. Le camp de la peur, du côté des Piscémiens, avait maintenant de nouveaux adhérents. Les Aquariens n’étaient que des enfants. Qu’allait-il arriver le jour où ils seraient grands? Des partis politiques opportunistes voyaient là l’occasion de se faire du capital. Certains prônaient le contrôle des populations Aquariennes. D’autres plus à gauche clamaient qu’on devait s’adapter à elles. Évidemment, il y en a eu des plus radicaux qui voulaient ni plus ni moins l’éradication de la «menace». Certains accusaient les pollueurs d’être responsables de l’avènement de cette nouvelle espèce humaine. Les autres croyaient en un supposé complot. Quelques-uns osaient même avancer qu’ils étaient l’œuvre d’extra-terrestres!

Maintenant, nous ne sommes plus qu’une poignée de Piscémiens à travers le monde. La décroissance de notre population n’a rien avoir avec les Aquariens. La nature veut laisser la place au plus fort. Les Aquariens nous respectent dans notre handicap. Bien que les bâtiments soient principalement conçus pour eux, ils ont installé des facilités pour nous accommoder. Il faut expliquer que le monde d’aujourd’hui est évidemment conçu pour la majorité, soit pour des gens ayant des pouvoirs de l’esprit. Des pouvoirs tels que la télékinésie, la télépathie, la psychokinèse, la photokinésie, l’électrokinesie (certains arrivent même à manipuler les circuits électroniques), la clairvoyance et audience. Ils pourraient bien nous exterminer s’ils le voudraient, nous laisser dans nos réserves et nous oublier là. Ce n’est pas ce qu’ils font. Ils continuent de respecter le traité de Saint-Eustache.

Il y a 50 ans de cela, les Aquariens représentaient presque la moitié de la population. Les scientifiques ont maintenant compris qu’ils étaient la nouvelle espèce humaine. Le nouveau maillon de la chaîne. Un événement logique dans la loi de l’évolution.

Pour éviter une guerre imminente, le nouveau et l’ancien monde décidaient de se rencontrer. Chacun avait choisi des représentants. On avait ensuite choisi un lieu secret pour éviter toute intervention extérieure. On avait opté pour une petite ville peu connue du monde mais remplie d’histoire, Saint-Eustache au Québec. Une ville où une révolution mourut et une nouvelle allait naître. On y signait donc le fameux traité de Saint-Eustache. On établissait donc que chaque gouvernement devait se munir d’un ministre aux affaires Aquariennes. Ce ministre devra inévitablement être un Aquarien. Ensuite, advenant le jour où la population Aquarienne serait majoritaire, les Aquariens devront faire de même pour les Piscémiens.

Le ministre en question s’assurera que les droits suivants soient respectés. Premièrement, chaque partie respecte le droit d’exister de l’autre. Deuxièmement, chaque partie doit s’assurer d’aider à la survie de l’autre. Troisièmement, aucune discrimination ne doit être tolérée, tous doivent avoir des chances égales.


En effet, les Aquariens respectent toujours le traité. Cependant, soyons réaliste, ce qui se dit sur papier ne peut pas toujours se réaliser dans la réalité. Pourquoi choisir un médecin avec une médecine traditionnelle quand on peut aller voir un guérisseur Aquarien? Pourquoi aller voir un banal technicien informatique Piscémiens quand on peut faire affaire avec un electrokinésien qui voit tout de suite où est le problème et le règle en un temps record? Pourquoi aller voir un soudeur ordinaire quand on peut utiliser les pouvoirs extraordinaires d’un psychokinésien?

Bien sûr, les services d’un Piscémien coûtent beaucoup moins cher que ceux d’un Aquarien. Mais comment peut-on prétendre à l’égalité quand les deux ne gagnent pas du tout le même salaire? Et peut-on leur reprocher de nous payer moins cher? On est plus lents, moins adroits, moins vifs qu’eux. Pourquoi le feraient-ils?


Il y a 100 ans de cela, ils nous ont officiellement dépassés en nombre. La grande majorité des Piscémiens qui vivaient encore était constituée d’individus âgés, vieux et mourants. La société des Aquariens évoluait d’une façon gargantuesque. Ils développaient des nouveaux outils tous adaptés pour eux, c'est-à-dire manipulables par l’esprit. Les bâtiments n’avaient plus les portes telle que l’on connaissait auparavant. Les esprits maintenant en ouvraient les accès. Les vieux téléphones n’étaient utilisés que par les Piscémiens. La société s’en passait, laissant place à la télépathie à grande échelle.

On constatait très vite que le vieux monde était dépassé par la nouvelle civilisation qui s’imposait. Les différents ministres Piscémiens montraient leur colère vis-à-vis de cette dérogation au traité. Les Aquariens admettaient donc leur tort. Et c’était depuis ce jour, qu’on était devenus officiellement des sujets à part, le boulet attachés au pied, la pierre dans le soulier des Aquariens. Oh bien sûr, ils ne le diront pas. Mais leur essor et leur civilisation auraient atteint quel niveau aujourd’hui, s’ils n’étaient pas forcés d’intégrer des facilités dans leurs bâtiments? Quelle prouesse auraient-ils pu faire, s’ils n’étaient pas obligés de bâtir leur technologie par rapport à nous?


Je n’aime pas ce que je suis, je n’aime pas ce que nous sommes. Je suis né de deux parents Piscémiens. La logique aurait dû leur imposer de s’accoupler avec un Aquarien. Ils ont plutôt écouté l’écho de l’ancien monde. Malgré cela, il y avait une chance sur un million que je naisse Piscémien à mon tour. La génétique a joué contre moi. En naissant, j’étais déjà une anomalie, un déviant, un être difforme. D’accord, la majorité ne le dit pas. Mais ils le pensent ou ils devraient le penser.

Quand j’étais en âge de commencer l’école, on m’assignait à une classe d’intégration. C’était une idée géniale de notre ministre de la condition Piscémienne. Dans le but d’intégrer un peu plus les Piscémiens, on décidait de les mettre dans les mêmes classes que les élèves Aquariens. Une idée horrible. Il est déjà suffisamment terrifiant pour un enfant de commencer l’école, car il doit faire face à l’inconnu, seul. Si en plus, il doit affronter le regard des autres enfants, cela devient presque intenable.

Et c’est d’ailleurs exactement ce qui m’est arrivé. J’étais devant la porte de ma classe, appréhendant comment des jeunes avec des pouvoirs pouvait apercevoir un autre sans pouvoir. Quand je me décidais finalement à entrer, une classe pleine d’enfants, qui, au départ, semblait se parler télépathiquement entre eux, ont fini par se retourner et m’observaient avec attention. Ils restaient tous muets, mais sans être télépathe, je pouvais lire dans leurs yeux le mélange d’étonnement et de railleries. J’ai très vite compris que j’allais être seul plus que jamais.

Je ne m’étais pas trompé. J’étais à l’écart sur tous les plans. Pendant la récréation, les enfants jouaient à des sports hors de ma portée. Avec leur habileté à déplacer les objets avec leur esprit, je ne pouvais que les regarder jouer. Aussi, les enfants passaient la plupart du temps à se parler télépathiquement. J’étais littéralement en dehors des conversations. Les seuls moments où j’ai eu le privilège de la parole, était quand on voulait m’insulter. Car si l’Aquarien adulte s’exempte en général de nous insulter, les enfants, eux, ne s’en gênent pas.

Et puis, il y avait la classe elle-même. Dans une classe de trente élèves dotés de pouvoirs, le professeur avait bien d’autres choses à faire que de s’occuper de moi. La plupart du temps, il me disait de lire mon livre et que je devais bien être capable de me débrouiller ainsi. Quand j’osais poser une question, je sentais que je ralentissais ma classe. La pensée transmise est un moyen tellement plus rapide que la parole après tout. Ce que je vivais quotidiennement était symbolique de ce qui se passait à l’extérieur. Nous ne sommes qu’une gêne, et le plus qu’on peut espérer comme avenir est d’être un faire-valoir.

Inutile de vous dire que le programme d’intégration fut un échec et abandonné. On remettait donc les élèves Piscémiens ensemble dans une école spéciale. Je dis «une» car vu le peu de nombre d’enfants qu’on était, une école était bien suffisante. Le problème c’est que cette école était bien loin de chez moi. Je crois que je devais perdre au moins 2 heures en autobus seulement pour m'y rendre. Les cours qu’on y donnait, était à l’image de l’avenir qui nous attendaient : réduits, inutiles et peu inspirants.

Vous pourriez croire que j’étais moins seul. N’en soyez pas si sûr. Évidemment, mes pairs ne me jugeaient pas par mes limites. Je n’étais pas plus intégré à leurs groupes. C’était probablement dû au fait que je n’aimais pas ce qu’ils représentaient. Je voyais en eux la faiblesse que j’étais forcé de voir les années précédentes. Si seulement, je pouvais avoir le privilège de ne plus avoir à y penser, une fois chez moi, mais mes parents étaient dès leurs, eux aussi!

L’adolescence était arrivée, le goût des femmes aussi. J’étais tombé amoureux d’une fille Aquarienne. Non seulement, elle était très belle, elle était gentille avec moi, pas de cette gentillesse qui semblait venir de la pitié, mais de la gentillesse vraie et sincère. Mais voilà, je n’osais pas lui avouer mes sentiments. Que ferait-elle avec un Piscémien tel que moi? Quel avenir pouvais-je lui apporter? Comment pourrait-elle être fière de moi? Je m’étais finalement décidé. J’avais pris mon courage à deux mains et lui avait avoué mon amour. Sa réponse m’avait frappé aussi fort qu’une pierre télékinésé dans mon visage. Elle ne m’aimait pas comme ça. Elle voulait qu’on reste ami. Je ne lui ai pas réalisé ce souhait. Pour moi, il était évident que c’était parce que je n’avais pas de pouvoir. Je n’étais qu’un faire-valoir, encore une fois.

Je m’étais dit que, finalement, je devais me contenter des Piscémiennes. J’allais donc faire la même erreur que mes parents. Ça a été aussi futile que frustrant. Toutes voulaient sortir avec des Aquariens. Qui peut les blâmer de vouloir essayer? Je leur souhaitais toutes, bonne chance, sachant le sort qui les attendait.

Et vint le jour où je devais me trouver une carrière. Le choix pour un Piscémien y est très limité contrairement à ce que voudrait se faire croire le gouvernement. Premièrement, il faut déjà avoir de l’argent pour se payer des études convenables. Hors, si on vient de parents Piscémiens tel que moi, il ne faut pas trop compter sur eux, vu leurs salaires. Il y a bien sûr des programmes de financement, mais ils sont pour ainsi dire à notre image, défaillants. Sans vouloir être de mauvaise foi, nous ne sommes pas une priorité. Les fonds sont donc insuffisants. Résultat seulement les meilleurs se retrouvent avec une bourse. Ensuite, vient le problème de trouver un métier qui n’est déjà pas contingenté d’Aquariens suffisamment plus compétents que nous. Et ça c’est tout un défi. Même les travaux manuels peuvent être mieux faits par des télékinésistes.

Heureusement pour moi, j’ai un bon cerveau. J’ai pu avoir une bourse. Après beaucoup d’hésitation, je choisis l’anthropologie. Je me concentrais beaucoup sur les vieilles cultures. Étais-ce parce que je voulais vivre à travers elle et me donner un faux sentiment de valeur? Peut-être, mais j’avais aussi une autre idée en tête.

Avant l’obtention de mon doctorat, je m’étais découvert une passion pour les anciens sorciers, chaman, magiciens. J’ai vite compris d’où venait ma fascination. Ils étaient tous Piscémiens et pourtant ils avaient des pouvoirs. C’est là que je m’étais donné une mission : trouver leur secret.

Ce ne fut pas chose aisée. D’abord, il a fallu que je justifie le financement. Une telle entreprise n’est pas sans coût. Il faut d’abord beaucoup voyager. Partout. Ensuite, il faut se payer des guides. Il faut soudoyer certains gens qui gardent ses secrets. Quand j’arrivais avec mes plans, les superviseurs de projets d’université refusèrent. «Recherche inutile» qu’ils disaient. «Vous êtes dans le fantastique» disaient les autres. Pour des voyants, je trouvais qu’ils manquaient de vision. Il n’y a pas si longtemps, les Aquariens eux-mêmes relevaient du fantastique.

Il a fallu que je me rabatte à des moyens moins orthodoxes. Les Piscémiens, comme je le disais, étaient pauvres, et qui dit pauvreté dit criminalité. C’était un marché noir à la vie difficile, car les policiers Aquariens étaient des précognitifs, il était donc très dur de se cacher d’eux. Mais il ne faut pas sous-estimer la volonté d’un être humain, surtout s’il a de mauvaises intentions. Contrairement aux Aquariens, ils furent très intéressés par ce que je proposais. Évidemment, les moyens financiers étaient un peu plus limités que ceux des organisations Aquariennes, mais ils étaient suffisant pour ce que j’avais besoin. En plus, leur réseau interlope pouvait me donner accès à certains contacts que je n’aurais pas pu avoir autrement.

C’est là que mon périple commençait. Vu le peu de nombre de Piscémiens qui restaient, les chamans, sorciers, magiciens se faisaient rare si ce n’est qu’ils étaient maintenant inexistants. Les seuls traces qui restaient d’eux, était dans les livres ou des films d’archive. Heureusement pour moi, les Aquariens ne protégeaient pas que les Piscémiens, mais aussi les vestiges de notre civilisation.

Les bibliothèques existaient encore mais la plupart des documents étaient en version «spirituel» c'est-à-dire lisible par l’esprit. Les livres étaient relégués dans des entrepôts à part, on les sortait au besoin quand un Piscémien demandait de le consulter. Les livres plus généraux étaient facilement accessibles. Pour les plus rares, ceux que j’avais évidemment le plus besoin, c’était beaucoup plus complexe. Les Aquariens sont certainement des êtres plus spirituels que nous, ils n’en ont pas perdu le réflexe bureaucrate pour autant. Il a fallu donc graisser la patte de bien des fonctionnaires surtout du côté du ministère des affaires Piscémiens. Dans les ministères où il y avait trop d’Aquariens, on préférait les éviter pour des raisons évidentes.

Si j’étais seul auparavant, les années qui ont suivi ont certes été de grandes solitudes. Une solitude choisie cette fois. J’étais comme un pèlerin sur le chemin de la Compostelle. Les livres étaient ma route, la recherche était ma réflexion. Je lisais tout : religion, secte, rituel, magie, autant blanche que noire, même ce qui avait l’air ridicule. Malheureusement, je ne trouvais rien qui satisfaisait les exigences que j’avais pour arriver à mon but. Soit de changer l’inutile en utile, le profane en initié, le vulgaire en noble, le plomb en or.

On dit qu’on trouve ce que l’on cherche, le moment où on arrête de le chercher. J’ai trouvé ma pierre philosophale. Un jour, un vieux Piscémien vendait des bricoles en face de chez lui. Disons que c’était un ramassis de vieilles babioles sans intérêt. J’allais passer sans demander mon reste quand le vieux m’interpellait pour demander l'aumône. Je lui dis que j’étais un Piscémien donc aussi sans le sou que lui. C’est là qu’il me tendait un vieux livre et me dit :

-Je vous vois passer à chaque jour avec des livres. Tous des vieux livres. Voici un livre écrit il y a longtemps par un de mes ancêtres, donnez-moi quelques dollars et il est à vous.

Une intuition me dit de jeter un coup d’œil. Il était plutôt en mauvais état. Je regardais le titre : «La vérité sur l’alchimie.» Je lis le début de la préface : «Dans ce texte, vous apprendrez que l’alchimie n’a rien à voir avec la transmutation des métaux, il s’agit de la transformation de l’homme ordinaire en surhomme.» Mes cheveux et mes poils poussèrent d’un coup. Ma peau déjà très blanche, devenait transparente. Le vieil homme devait être aveugle, car il ne s’aperçut de rien. Je faisais mine d’être vaguement intéressé et lui lançait quelques sous sur sa table. Il semblait satisfait de ce que je lui donnais. Je n’attendais pas qu’il change d’idée et partait vers mon antre illico.

Jamais, je n’avais fait plus grand étude que celle-ci. Comme je le disais, le manuel était en fâcheux état. Mais il n’était pas question que j’aille voir les Aquariens. Pour qu’ils me le saisissent, pas question! C’était déjà un miracle qu’il leur est passé inaperçu. J’ai dû utiliser de vieilles techniques de restauration plus du tout utilisé aujourd’hui. Ce fut un exercice très difficile, premièrement, parce que j’ai dû apprendre la technique mais aussi parce qu’il fallu trouver l’équipement. Grâce à mes amis mafieux, j’ai réussi.

C’est là que la révélation me fut donnée. Tout pouvoir que l’on souhaite acquérir, doit passer par un sacrifice. Mais attention, on ne parle pas de sacrifier un autre humain ou un animal. Le sacrifice doit venir de nous-mêmes. Après tout, pour arriver à dépasser ses limites, il faut en payer le prix.

Vous vous demandez sûrement quel est ce prix. Le prix en est simple, il faut sacrifier une partie du corps pour en réveiller une nouvelle. À une certaine époque, on faisait verser le sang pour recouvrer la santé, on appelait ça la saignée. Les sorciers de l’époque en faisaient de même. Ils choisissaient une partie symbolique de leur corps pour se donner des pouvoirs correspondants. Une oreille : le sorcier gagne le pouvoir d’entendre les morts. Une main : Le pouvoir de contrôler la matière.

J’ai fait mon choix. Ce sera mon œil. J’ai décidé que je serai un exemple. Non seulement pour les Piscémiens mais pour la société en entier. Je serai la solution. Celui qui fera qu’il n’y a pas d’arrêt pour le progrès. Le briseur de boulet. L’arracheur de roche dans le soulier. La prothèse.

Vous vous dites que je vais remplacer un handicap par un autre ? Je ne le vois pas ainsi. Je vais perdre une dimension pour une autre, plus grande et plus puissante. Je perdrais un œil, oui, mais pour ouvrir le troisième. Celui qui m’ouvrira les portes, celles qui m’étaient fermé jusqu’à maintenant.

Le rituel est maintenant prêt de commencer. J’ai tout ce qu’il me faut. Un couteau sur la table, une bouteille de scotch et de la volonté au ventre. Au contact de la lame sur ma rétine, je serais déjà un nouvel homme. J’aurais rejoint le nouveau monde. Je serais le nouveau pacte.




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