Comme une poupée : samedi 1er novembre

Date 17-08-2013 20:20:00 | Catégorie : Nouvelles confirmées


Samedi 1er novembre
La fin de la journée se profile à l’horizon. Lucie pédale pour retourner chez elle. Elle vient de rendre visite à sa tante Norma. Elle apprécie ces petites après-midi passées avec elle. Norma lui fait à chaque fois découvrir une nouvelle plante qu’elle a achetée ou déterrée dans le bois tout proche. S’en suit le casse-tête pour lui dégoter une place dans le jardin qui s’apparente plus à une jungle. Sa tante divague parfois et lui relate des conversations tenues avec ses végétaux. Cette folie douce amuse Lucie et lui fait oublier son quotidien d’étudiante.
La petite rouquine tente de devenir assistante sociale mais la tâche s’est avérée plus ardue que prévu. Elle double sa deuxième année. Ce n’est pas par défaut de travail mais les matières sont vastes et nécessitent beaucoup de mémoire, le point faible de la jeune fille.
Le ciel se couvre rapidement et des nuages gris se mettent à déverser des trombes d’eau sur la petite route de campagne et sur Lucie qui se met à accélérer. C’est à peine si elle voit encore devant elle. Et aucun abri à l’horizon. Une voiture la dépasse à grande vitesse. En plus de l’arroser, elle la fait vaciller dangereusement. Lucie s’approche un peu trop du fossé et s’y retrouve entraînée par une coulée de boue. Le trou est profond d’un bon mètre et la cycliste chute lourdement au fond. Une douleur vive à la cuisse droite lui arrache un cri perçant. Rassemblant ses forces, elle se dégage de l’emprise de son vélo. Dans la pénombre, elle tâtonne son corps jusqu’au lieu de douleur. Là, sa main tremblante touche quelque chose de dur qui lui sort du côté de la jambe droite. Paniquée, elle se met à crier des « au secours » désespérés.
Le fossé se remplit comme le lit d’une rivière asséchée. Prenant son courage à deux mains, elle tente de se hisser sur le flanc de la pente. A ce moment, elle sent des mains lui agripper les bras et la remonter au niveau de la route. Elle entraperçoit deux visages ridés qui lui sourient mais ne lui adressent pas la parole. L’homme, plus fort que ne l’aurait laissé penser sa petite stature, soulève Lucie sous les jambes et l’amène vers une maison au bout d’une allée de graviers, pendant que la dame tient un parapluie sombre au-dessus de la blessée.
L’homme la dépose sur un vieux canapé dans un salon chauffé et éclairé par un vif feu de bois. Il observe longuement la blessure avant d’interroger Lucie :
« Vous avez mal ailleurs ?
- Non. Je ne crois pas. Merci de m’avoir sortie du fossé. J’ai craint de devoir rester là toute la nuit.
- Nous avons entendu vos appels. Bon, on va vous soigner maintenant.
- Il vaudrait mieux appeler une ambulance, je pense.
- Ce n’est pas nécessaire. Et puis, un jour férié, ils ne viendront pas avant demain. »
Lucie trouve sa réflexion étrange mais elle est épuisée et ne souhaite pas ouvrir le débat. Le vieillard ouvre une mallette digne d’un musée et en sort divers instruments. Il découpe le pantalon autour de la blessure. Lucie jette un œil. La lumière vacillante du feu lui permet de constater qu’un morceau de branche s’est planté dans sa cuisse lors de sa chute et y est toujours logé. Le retraité lui colle un mouchoir en tissu dans la bouche en annonçant : « Mordez là-dedans ! ». Sans prévenir, il arrache d’un coup sec le corps étranger. Lucie perd connaissance.
Lucie ouvre peu à peu les yeux. Le dernier souvenir avant son évanouissement lui revient. Elle tâtonne sa cuisse et constate, avec soulagement, que le morceau de bois a été remplacé par un gros pansement. Elle est maintenant sèche et en robe de nuit longue.
Elle observe la nouvelle pièce qui s’offre à elle. Il s’agit d’une chambre d’enfant. A la lumière de la lune qui s’immisce par la fenêtre, elle aperçoit des poupées anciennes qui l’observent de leurs yeux de porcelaine. Une maisonnette en bois leur semble consacrée. Sur la table de nuit, un vieil ours en peluche a été disposé. Il la contemple du seul œil qui lui reste. Son pelage élimé évoque un passé riche de partages avec un jeune enfant.
L’horloge à balancier affiche trois heures. Il faut qu’elle se repose même si la douleur lancinante semble vouloir l’en empêcher. Lucie finit par succomber à l’appel de ses rêves.




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