Le fou-rire.

Date 08-09-2013 22:50:12 | Catégorie : Nouvelles confirmées


Le père de Ti-Louis venait de lâcher son dernier soupir. Sûrement lourdement chargé de vapeurs éthyliques, y'avait pas de raisons que ce jour soit plus extraordinaire qu'un autre. Ah oui, quand même : il venait de mourir. On pouvait dire qu'il y avait de nombreuses années qu'il fignolait l'événement. bref. De bitures en orgies, de mea culpa publics durant les rencontres de la croix bleue, en neuvaines hautaines et altières durant ses périodes de recyclage civique,il avait navigué dans des moments d'hésitations dont il était bien le seul dupe.*
Le père de Ti-Louis venait donc de mourir....
La première idée raisonnable qui soit venue à l'esprit de son épouse fut qu'il s'avérait nécessaire de l'enterrer. Il fallut donc que quelqu'un d'autre qu'elle s'en chargea.Ce qui fut fait.. Il est possible que la bonne âme qui le fit ait voulu garder l'anonymat, des fois qu'on fasse appel à elle trop souvent.
Pour être honnête, ni sa femme ni ses enfants n'exagérèrent en exprimant leur tristesse. Le mieux qu'ils aient pu faire fut de prendre une'attitude de résignation devant les exigences de l'existence, le genre de comportement qu'il convient de prendre lorsque la fatalité vient vous frapper.
Je vous ai présenté l'événement dans toute sa tristesse....
le soir de la veillée funèbre, j'étais là. Lorsque je vis toute sa famille groupée autour du défunt, j'ai éprouvé beaucoup d'émotion. Je ne pensais pas qu'ils aient pu être aussi peu rancuniers. C'est émouvant de voir comme les grandes douleurs rassemblent.
La première idée qui me vint à l'esprit fut de me demander qui avait offert son costume au défunt.
Un lourd ennui résigné semblait régner. Je me suis assis sur une chaise libre. J'ai commencé à détailler les visages et ce qu'ils exprimaient, autour de moi. A mi-parcours, je me retrouvais les yeux dans les yeux avec la femme de Ti-Louis qui m'observait pour voir mon comportement. Nous n'aurions jamais dû nous regarder.

Depuis que je la connaissais, il s'était instauré entre nous une connivence basée sur la dérision et l'absurdité des comportements de notre entourage. Tout pouvait être en non-dit, entre nous. Le fait de nous retrouver là, face à face, pour l'enterrement d'une personne dont les extravagances nous avait réjouis durant des années , ne nous trompait ni l'un ni l'autre.
Elle me fit un sourire exagérément attristé. Je le lui rendis de la même façon. ..
J'ai reconnu le flash de ses yeux. Danger ! Lorsqu'ils devenaient brillants et humides, de cette façon, la grande explosion aigüe de son rire ne tardait pas .
J'ai le don de pouvoir prendre un air triste et désolé sur commande. Pas elle. Je l'ai regardé, avec l'air chagrin, serrer les lèvres autant qu'elle pouvait, sans réussir à me quitter des yeux. Je sentais l'explosion grandir et s'approcher et je hochais la tête pour compatir avec ce qui allait lui arriver.
Elle se leva d'un bond et s'enfuit hors de la chambre en émettant un " Huuuui " prémonitoire. Je suis persuadé que chacun a pensé qu'elle ne pouvait contenir son émotion.. Elle a dû courir vite et loin, car je n'ai rien entendu.
Elle revint, un long moment plus tard, le visage baigné de larmes . Ses yeux rieurs, je crois bien avoir été le seul à pouvoir les interpréter.
Elle avait dû pleurer abondamment car elle semblait apaisée définitivement . Elle me lança un regard de reproche bienveillant , puis nous nous sommes investis dans notre profonde peine, avec le recueillement qu'il convenait d'avoir.



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