Les retrouvailles ( suite et fin )

Date 16-09-2013 21:34:44 | Catégorie : Nouvelles


Les retrouvailles ( suite et fin )

Un faisceau de souvenirs et d’images déferlèrent sauvagement et en désordre dans l’esprit du jeune homme: leurs petits jeux sous la couverture, leur premier baiser au cinéma, leurs caresses près de la tombe de Benhayoun…
Lui aussi éprouvait un certain plaisir chaque fois qu’il racontait ces délectables instants de bonheur.
Les bras pendants autour des seins de Tity, il parlait à voix basse. Il chuchotait presque dans les oreilles de sa compagne. Blottie contre lui, celle-ci laissa tomber le coucher du soleil et ferma les yeux pour se concentrer et revivre une nouvelle fois les sensations de bonheur que lui procure cette histoire.
Il reprit son histoire.
« J’ai enlevé mon manteau et je l’ai étalé par terre. Nous nous sommes assis. Et… et j’ai commencé à te caresser. D’abord les cheveux, tout doucement. J’avais peur que tu réagisses négativement. Sentant mon hésitation, tu as pris ma main gauche et tu l’as appliquée sur tes seins m’invitant ouvertement à être plus courageux et plus entreprenant. Tu as enlevé ton manteau et les bas qui te protégeaient contre le froid. Tu haletais. Tu m’as dit que tu avais chaud. Tu t’es allongée sur le manteau en m’invitant à m’étendre à côté de toi. En t’embrassant sur les lèvres, je caressais en même temps toutes les parties de ton corps : Tes cheveux, le bout de tes seins et tes jambes. Le sang bouillonnait dans mes tempes. Toi, Tu te débattais. Ta respiration est devenue précipitée et saccadée. C’était la première fois que je te voyais dans cet état.
Soudain tu t’es dégagée de mes bras et tu m’as demandé ou plutôt tu m’as ordonné d’enlever mon pantalon. Dehors, la pluie est devenue plus intense. Voyant que j’hésitais, tu as déboutonné toi-même ce vêtement en m’assurant que notre plaisir redoublerait de force quand ces parties de nos corps allaient se toucher. En effet, une sensation délicieuse m’a envahie au moment où tu as placé tes belles jambes entre les miennes. J’étais aux anges ! Mais je n’étais tout de même pas satisfait. Je tremblais de tout mon corps. Une fièvre m’avait pris soudainement. Je voulais aller plus loin. Je voulais atteindre le sommet de cette merveilleuse sensation. Mais, encore une fois je me suis retenu en me contentant de te confier entièrement mon corps. Toi, non plus, tu n’étais plus maîtresse de tes gestes ni de tes mouvements. Tu murmurais « oui ! Comme ça ! Continue ! ». Soudain, dans un déluge de mouvements brusques et enchevêtrés, tu t’es débarrassée de ton slip et tu as enlevé le mien. En découvrant la partie de mon corps la plus tendue, la plus rigide, la plus fiévreuse tu m’as basculé sur toi et tu as presque crié ; « Vas-y ! J’attends ce moment depuis longtemps. Je voulais que mon grand père en soit témoin, mais nous n’avions pas de chance. Aujourd’hui je veux accomplir cette œuvre devant mes ancêtres. N’aie pas peur, je vais t’aider. Je t’assure que je ne vais pas crier ». Mais tu m’as conseillé, tout de même, d’opérer tout doucement .Tu as fermé les yeux.
Et c’est vrai ! Tu n’as pas crié. Le fait de te voir mordre ta lèvre inférieure ma confirmé que je te faisais horriblement mal, et j’ai réalisé, en même temps, à quel point tu devais m’aimer pour supporter cette douleur et m’offrir ce que toute femme a de plus cher. Durant tout ce noble acte qui n’a duré que quelques minutes, tu n’as cessé de murmurer des mots d’une manière imperceptible. Tu plantais tes ongles dans mon dos.
Des secousses convulsifs ont mis fin à nos ébats. Ebranlés et tout tremblant, nos deux corps qui se tiraillaient par ce premier voyage bouillonnant et maladroit ont retrouvé leur calme. Tu m’as regardé affectueusement tout en passant tes doigts fins dans mes cheveux. Quelque chose nous avait ôté la parole. Nous sommes restés allongés l’un à côté de l’autre une bonne demi-heure avant d’enfiler silencieusement nos vêtements.
Dehors la pluie avait cessé de tomber. Le vent s’était calmé. Sur la ville planait un air de repos. Un air pur.
« Tu vois ! Même la nature fête notre amour ! », m’as-tu fait remarquer en éclatant de rire.
Et bien sûr depuis ce jour, nous n’avons cessé de tisser des mensonges, d’élaborer des stratégies pour nous retrouver seuls.
« Et cette nuit nous allons nous retrouver encore une fois seuls pour passer une bonne partie de la nuit ensemble ». Conclut Tity en souriant.
Heureux, ils se levèrent pour rentrer chez-eux.

En descendant du car à Rabat, M’hamed décida de rejoindre l’université à pieds qui n’était pas très loin de la gare routière. Les cours débuteraient le 27 octobre. Il avait choisi de s’inscrire à la faculté des lettres et des sciences humaines. Voulant tirer profit de cette journée d’automne qui s’annonçait belle, le jeune homme acheta un journal français célèbre par son impartialité et ses articles très sérieux, avant de se diriger vers un café pour prendre son petit déjeuner. En feuilletant le quotidien, son attention fut attirée par un titre sur les dégâts humains de la guerre des Sept Jours. L’auteur parlait de cette guerre absurde qui faucha en moins d’une semaine, sans distinction, des milliers d’innocents. Il cita, dans un petit encadré l’exemple d’une famille qui avait été complètement décimée par le tir d’un obus :
« Des obus tirés par des chars Syriens ont réduit en décombre un chalet près de la ville d’Akhziv au nord d’Israël tuant une famille de quatre personnes.
Ohayon, sa femme Régine et leur fille Tity étaient arrivés en Israël depuis plus d’un an. Au moment de leur départ de la ville de Safi au Maroc, la jeune fille était enceinte de deux mois. Le bébé, Issac, est mort lui aussi avant de voir son papa qui était resté au Maroc… »
Les mots de l’article devinrent flous. M’hamed ne put poursuivre sa lecture. Il essaya de relire l’encadré mais sans succès. La salle tournait autour de lui. Il avait chaud. Il avait la nausée. Il se leva. Il dut s’agripper à une chaise tellement ses pieds flageolaient. Il paya son café et quitta les lieux.
Dehors, il ne distingua plus rien. Un bourdonnement confus inonda son esprit. Il se dirigea d’un pas chancelant vers la gare routière, prit le premier autocar qui allait à Safi.
Durant tout le trajet, il ne cessa de maudire son sort. Une lassitude pesait lourdement sur lui. De ses deux mains, il cacha son visage et pleura à chaudes larmes. Il lança quelques soupirs et force jurons. Qu’avait-il commis de grave pour que la mort s’acharne contre lui en lui arrachant tout ce qu’il avait de plus cher dans ce monde. D’abord son père, mort d’un cancer à l’âge de quarante ans, ensuite sa maman raflée par la tuberculose et enfin sa femme et son bébé disparus tous les deux sous les décombres. Il se demandait pourquoi le destin lui avait fait goûter des moments de bonheur, de tendresse et d’amour s’il savait que la mort allait venir piétiner tout d’un seul coup.
« Comment était le petit ? Ressemblait-il à sa maman ou à moi? », se demanda le jeune homme,
« Tity avait bien tenu sa promesse en donnant au bébé le nom d’ « Issac ».
« Si c’est un garçon, je le nommerai Issac et si c’est une fille, elle s’appellera Amira ».
En arrivant à Safi, M’hamed rejoignit directement sa maison. Il faisait déjà nuit. Il parlait tout seul. A haute voix. Il n’avait rien mangé de toute la journée. Il se mit devant une table basse, prit un feuillet et commença à écrire. Il rédigea une courte lettre à l’intention de sa chère Tity. Il prit les trois autres lettres qu’il avait rédigées auparavant, fourra le tout dans une bouteille en plastique qu’il ferma hermétiquement avant de quitter la maison en riant joyeusement.


VI - L’inspecteur demanda des renseignements sur les circonstances de la mort.
« Le corps a été rejeté par la mer. Des pêcheurs l’ont découvert sur une petite plage à trois kilomètres au sud de la ville », répondit un homme trapu portant une fine moustache.
« D’après le médecin légiste, la mort remonte à trois jour. La victime n’avait aucune pièce d’identité sur elle. Seule une bouteille en plastique fermée était solidement attachée au pied droit du défunt. Elle contenait les quelques feuilles de papier que voici. Je crois qu’il s’agit là d’un suicide mon chef. ».
Le petit homme se retira du bureau en fermant doucement la porte derrière lui. L’inspecteur prit les feuillets dans le désordre et commença à lire. L’écriture était bien soignée et facilement lisible. C’était des lettres rédigées par le défunt à l’intention d’une jeune juive qu’il aimait et qui était partie en Israël.
LAABALI




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