Comme une poupée : vendredi 7 novembre (fin)

Date 18-09-2013 06:52:15 | Catégorie : Nouvelles confirmées


Vendredi 7 novembre

Lucie est réveillée par des bruits autour d’elle. Elle se relève d’un bond dans son lit, réveillant sa douleur à la cuisse. Elle lance un regard apeuré vers l’infirmière qui s’affaire. Celle-ci lui adresse un doux sourire en déclarant :

« Calmez-vous. Vous êtes en sécurité maintenant. »
Et elle invite Lucie à se recoucher. Celle-ci se remémore les événements de la veille et demande :
« Combien de temps suis-je restée inconsciente ?
- Plusieurs heures. Vous avez subi une intervention chirurgicale hier. Tout s’est bien passé. La police attend pour vous interroger. Vous vous en sentez capable ? Sinon, je peux leur demander de passer plus tard.
- Non. Ça va. »

La femme en blouse blanche laisse entrer un petit homme bedonnant. Il porte une belle moustache à la Hercule Poirot. Il a un air rassurant.

« Bonjour Mademoiselle. On vous a trouvée à temps, d’après le médecin.
- Ah bon ?
- Oui. Encore quelques jours et …
- C’est étrange car il me soignait. Il avait une mallette.
- Nous l’avons trouvée. Elle contenait quelques ustensiles, un flacon contenant de l’eau et une boîte de vitamines périmées.
- Je comprends mieux maintenant pourquoi j’avais l’impression de sombrer. S’appellent-ils vraiment Mom et Dad ?
- Non, ils se prénomment Agnès et Albert. Ce ne sont que leurs surnoms. Cela signifie maman et papa en anglais. Vous ne saviez pas ?
- Je ne suis pas très férue de langues. Ils m’ont raconté que leur fille était morte à seize ans.
- Ils n’ont jamais eu d’enfant !
- Voilà pourquoi il n’y avait aucune photo.
- On a fouillé le jardin et on a découvert … un corps. »

Lucie ne peut réprimer un « Oh mon dieu ! » d’effroi. Elle imagine cette fille dont les parents se seront obstinés à la soigner à l’eau et à la soupe de potiron et qui a fini par mourir à petit feu. Ils n’auront pas su quoi faire du corps et aurait finalement décidé de l’enterrer dans leur jardin, comme un vulgaire chien. Lucie est bouleversée et est prise de hauts-le-cœur. Le pire, est qu’elle a failli elle-même subir le même sort et personne n’aurait jamais retrouvé son corps. Le policier continue ses explications.

« Nous avons effectué des recherches. Il s’agirait d’une jeune fille, de seize ans justement, qui a disparu il y a six ans. Elle se promenait sur cette route de campagne et ils l’ont sûrement attirée. Elle s’appelait Marguerite. »

Lucie va de surprise en surprise. Mais cette révélation est plus cohérente. Il est plus facile de laisser crever une inconnue que son enfant. Ils ont attendu de la remplacer … par elle ! La jeune fille interroge :
« Et où dans le jardin ?
- Dans le potager.
- Je comprends mieux pourquoi ses citrouilles poussaient si bien.
- On a aussi retrouvé des photos d’elle dans un tiroir. Elles ont été prises avec un vieux Polaroid. Ils l’avaient fardée étrangement.
- Je sais ce qu’elle a enduré ! Ils avaient l’air sympathique … au début. Que va-t-il leur arriver ?
- Inculpation pour séquestration et sûrement meurtre. Ils ne sont pas prêts de retourner chez eux.
- J’espère qu’il y a des prisons maisons de retraite, vu leur âge. J’ai donc eu du bol d’en réchapper. Comment m’avez-vous trouvée ? Grâce aux éléments que j’avais donnés ?
- Non. En fait, votre portable a continué à émettre un signal intermittent qui a permis de vous localiser. Tenez, on l’a retrouvé.
- Merci. J’ai été sauvée par la technologie, des griffes d’un couple qui en avait horreur. Quelle ironie du sort !
- Je vais vous laisser. Bon rétablissement, Mademoiselle. »

Lucie est toute retournée. Elle imagine le kidnapping. Mais comment ont-ils attiré Marguerite ? Était-elle blessée, elle aussi ? S’était-elle perdue sur cette route de campagne et avait demandé son chemin à la seule maison à des kilomètres à la ronde ? Pourtant, ils n’ont pas de maison en pain d’épices … Elle évoque divers scenarios mais ne saura jamais lequel est le bon. Exténuée, elle finit par s’endormir.

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Lucie s’éveille doucement. La lumière de la lune est douce. Elle se lève lentement, sans ressentir aucune douleur. Elle observe sa cuisse droite qui ne porte aucune blessure ni cicatrice. Tout ceci n’aurait-il été qu’un cauchemar ? La jeune fille se dirige vers un objet étrange qui attire son regard. Il s’agit d’une boîte à musique avec une manivelle qu’elle commence à faire tourner. Une petite musique pour enfant s’en échappe. Quand brusquement, la boîte s’ouvre, laissant sortir la tête d’un clown défiguré. Lucie crie et recule. Elle marche alors sur quelque chose de mou, qui émet un petit gémissement. Le cœur battant, elle ramasse l’objet informe. Un nounours la fixe de son unique œil avant de déclarer : « Nous t’attendions depuis si longtemps ! ». Lucie, effrayée, lance l’ours en peluche au loin et cherche la porte. Un coup d’œil vers l’ensemble de la pièce l’informe que la pièce en est totalement dépourvue. En tâtonnant les murs à le recherche d’une sortie, elle passe devant le miroir géant de la coiffeuse. Celui-ci lui renvoie un reflet qui lui est étranger. Elle s’approche pour en avoir le cœur net. Sa peau est devenue blanche et mate avec des pommettes roses parfaitement rondes. Ses yeux sont devenus noirs et brillants … comme de la porcelaine ! Lucie voudrait crier mais aucun son ne sort de sa bouche immobile, scellée à jamais.




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