Gestion de crises ( suite )

Date 26-09-2013 14:00:00 | Catégorie : Nouvelles


Rachida commença à sortir les samedis après midi pour se rendre chez ses amies. On l’invita à des rencontres entre copains. Elle ne ratait aucune « boum » et s’amusait comme une folle. Le jour où elle alluma sa première cigarette, elle faillit suffoquer et fut l’objet de plaisanteries sarcastiques de la part de ses amis. Pour effacer cette moquerie, elle s’appliqua sérieusement et devint en quelques mois une experte de la drogue à qui beaucoup de jeunes adolescents venaient lui demander son avis sur la came qu’ils comptaient se procurer.
Les résultats de son travail au collège commençaient à se détériorer sérieusement. Comme son père n’avait ni les compétences ni le temps de suivre régulièrement le parcours scolaire de sa fille, ce fut donc Aziza qui lui demanda des explications.
« J’aimerais bien réviser mes leçons avec mes amis ».
Elle ajouta qu’elle aussi, voulait profiter de cours particuliers, mais malheureusement, elle n’avait pas de moyen de transport. Elle pria donc sa maman de dire à son papa de lui acheter une moto.
Comme d’habitude, Laouissi montra une certaine résistance qui fut de courte durée, puisque Rachida eut son scooter une semaine après.
Avec son engin, la jeune fille devint plus indépendante et plus libre. Son champ d’action s’élargit. Elle parcourait tous les quartiers et s’aventurait même parfois jusqu’aux hameaux qui se trouvaient à des kilomètres de chez elle pour s’approvisionner en drogue. Elle connaissait tous les dealers de Sidi Ahmed, de Mzinda et de bien d’autres quartiers plus sensibles.
A la fin de l’année scolaire, elle fut renvoyée du collège.
Ce triste événement n’ébranla aucunement Laouissi.
Sa fille serait autorisée à redoubler sa classe.
Rien ne peut s’opposer à la volonté d’un président de conseil municipal, surtout s’il ne sait conjuguer le verbe « vouloir » qu'à la première personne du singulier du présent de l’indicatif.
C’était le cas de Laouissi.
« Je veux… », disait-il.
Et ses interlocuteurs étaient tenus d’exhausser ses vœux.
Mêmes les chômeurs avaient déserté Youssoufia.
Laouissi parvint à les convaincre que l’avenir des jeunes se trouvait dans les grandes villes. « Là bas, vous trouverez facilement un travail bien rémunéré ».
Tous les jeunes partirent réclamer du travail ailleurs.
Le jour où le président du conseil intervint auprès de l’administration du collège en la sommant :
« Je veux que ma fille redouble sa classe ».
Ce jour là, le temps s’arrêta. Le monde s’ébranla. Et le verbe « vouloir » perdit son aura et sa charge significative.
Laouissi se heurta à un solide front formé de professeurs dont l’idéologie et l’appartenance politique étaient diamétralement opposées aux siennes.
Courageusement, ils dirent « NON ! » au président, en le fixant droit dans les yeux.
La chute !
Rachida fut renvoyée définitivement de l’établissement.
La mort dans l’âme, le père se résigna. Il accepta sa défaite. Il déserta son bureau pendant quelques semaines. Il partit digérer sa désillusion dans un asile de schizophrènes à Casablanca.
L’échec cuisant du président du conseil municipal, devint un sujet de conversation dans toutes les bouches des habitants de Youssoufia.
« Laouissi est vulnérable ».
« Laouissi est malade ».

( A suivre )








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