Gestion de crises ( suite )

Date 30-09-2013 12:23:17 | Catégorie : Nouvelles



De retour à Youssoufia, elle expliqua à son père qu’elle s’était inscrite dans un institut de renommée internationale. Elle comptait faire des études en management. Vu que les programmes étaient surchargés, elle envisageait de louer un petit studio juste en face de l’école. D’ailleurs elle devait faire vite, parce que les cours débuteraient la semaine suivante.
Lorsqu’elle annonça le prix de la scolarisation, Aziza, sa mère, sursauta en criant que la somme était au dessus de leurs capacités. Laouissi la rassura en soulignant qu’une école de telle notoriété méritait bien ces frais. Il ajouta en souriant : « Pour les études de ma fille, je suis prêt à dépenser même plus ». Il conclut enfin, que cette nouvelle dépense ne déséquilibrerait en aucune manière leur mode de vie.
La valeur des pots de vin avait augmenté sensiblement.
La maman appela la petite bonne pour qu’elle débarrasse la table.
Elle évita de contrarier son mari. Miné par une maladie incurable, il venait juste de prendre une poignée de médicaments susceptibles de rallonger sa vie de quelques mois. Le médecin traitant avait prévenu la famille qu’il ne fallait en aucune manière irriter le président.
Le soir même, le père remit à sa fille des liasses de billets d’argent et quelques chèques dûment signés. Celle-ci les rangea soigneusement dans sa valise au milieu de ses habits. Laouissi voulait bien l’accompagner jusqu’à l’école, mais elle le rassura qu’elle était assez grande pour se débrouiller toute seule.
Tôt le matin, il la déposa à la gare routière.
Titubant sous l’effet des médicaments, il rejoignit son bureau.
Elle rejoignit la ville d’El Jadida.


Comme un chien abandonné par son maître, Rachida erra longtemps dans la ville. Elle se retrouva enfin à quelques mètres du marché Lalla Zahra.
Désordre. Chaos.
Étalages de légumes, de poissons sur toutes les ruelles qui menaient à l’entrée principale.
Flaques d’eau sale. Odeurs nauséabondes. Détritus jonchant le sol. Immondices. Mouches.
On se déplaçait avec précaution pour ne pas salir ses vêtements.
Debout, derrière leurs charrettes surchargées de légumes, les prétendus modèles de la vertu, - les intégristes, les rabats-plaisir-, des barbus habillés en blanc, dévoraient de leurs yeux de lynx les fesses serrées de l’étrangère qui tentait de se frayer un chemin au milieu de la foule.
Contorsions.
Allongement des cous pour faire durer le plaisir du spectacle.
Ceux qui comprirent qu’ils n’avaient aucune chance de gouter à ce fruit sensuel qui déambulait devant eux, maudirent Satan et récitèrent quelques versets coraniques. D’autres, comme des hyènes affamées, suivirent silencieusement la proie pendant quelques mètres.
Bredouilles, la gueule ruisselante de salive, ils rejoignirent leurs tanières.
Ils récitèrent à leur tour des versets de Coran.

La jeune fille découvrit enfin le marché.
Elle fut découverte par H. Ritzou.
Souriante, elle engagea facilement une conversation avec le jeune aux bras tatoués.
Pour la rassurer, Ritzou l’emmena directement chez la grosse femme et lui commanda un verre de thé et deux crêpes. Comme elle n’avait rien mangé depuis le matin, elle dévora rapidement son repas.
Le jeune homme lui tendit un gros joint.
Elle apprécia la qualité de la drogue.
Sensation de détente.
Sa langue se délia.
Elle raconta à son bienfaiteur tous les déboires qu’elle avait connus et tous les malheurs qu’elle avait vécus depuis son retour à El Jadida.
Elle avait gaspillé tout son argent au casino. Chaque soir, en s’installant devant sa machine à sous, elle espérait rafler le gros lot, mais l’engin restait insensible aux prières de la jeune fille. L’ogre gobait avidement l’argent et refusait de vomir. Les cris sonores qu’il dégageait après chaque bouchée montraient bien qu’il n’était pas encore rassasié.
Elle vendit ses vêtements et sa valise, paya le loyer et abandonna définitivement sa chambre.
En quittant la vieille maison, elle brada le téléphone portable qu’elle avait acheté en débarquant à El Jadida et se rendit une dernière fois au casino.
Dame chance était encore absente ce soir là.
A six heures, elle quitta définitivement ce lieu magique et revint en ville. Elle erra toute la matinée et atterrit au marché Lalla Zahra.

( à suivre )




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