Fées, gobelins et poudre de ... (fin)

Date 04-10-2013 06:39:58 | Catégorie : Nouvelles confirmées


La maîtresse de maison ouvre la porte du meuble et se met à enguirlander vertement son gobelin désobéissant, avec le silence pour seule réponse, avant de revenir vers Lucie.
« Il te demande de l’excuser. Il n’a pas l’habitude que nous ayons des invités. Il n’est pas méchant, juste curieux. Je pense que Claudius a réparé ton vélo. »
Lucie retrouve sa bicyclette contre la façade de la maison avec des pneus gonflés à bloc.
« Merci Mélina. Comment l’avez-vous réparé ?
- C’est Claudius, je te dis. Il est un peu grincheux mais il finit toujours par faire ce que je lui demande.
- Je dois le remercier alors.
- Viens. Il est derrière. »
Sans grande conviction, Lucie se rend dans le jardin. Celui-ci est verdoyant avec un magnifique potager garni et un verger attenant. Mélina se met à triturer la haie avant d’inviter Lucie, d’un geste de la main, à la rejoindre. Elle murmure :
« Il est là. »
Lucie s’approche des taillis et fouille du regard pour déceler la présence du fameux Claudius. Elle aperçoit deux feuilles plus grandes que les autres et qui ressemblent à deux oreilles vertes et pointues. Curieuse, elle écarte les branches du feuillage dense. Elle a juste le temps d’apercevoir une sorte d’éclair vert s’échapper en direction du verger.
« Tu l’as effrayé, lui explique Mélina.
- Oh, pardon. »
Lucie finit par crier un « Merci ! » tonitruant. Avant son départ, la vieille dame désire lui confectionner un bouquet avec les dernières fleurs de la saison. Elle part ainsi à la recherche de son sécateur mais en vain.
« Claudius utilise toujours mon matériel et ne remet rien en place. C’est énervant. »
Elle se met alors à hurler vers le jardin : « Rends-moi mon sécateur ! ». Elle demande à Lucie de rentrer quelques instants dans la maison. Lorsqu’elles ressortent, l’outil rouillé trône au milieu de la table en fer forgé. Mélina compose un joli bouquet multicolore qu’elle offre à son invitée surprise.
Avant de reprendre la route, Lucie promet à Mélina de repasser la saluer à l’occasion d’une prochaine promenade.
Les mois passent et le printemps revient avec son temps plus clément. Lucie en profite pour ressortir son vélo afin d’aller s’aérer et de retourner voir Mélina et ses drôles de colocataires. Lucie s’arrête devant la maisonnette légèrement délabrée. Elle agite la chaîne de la cloche … sans succès. Elle pousse la porte mais celle-ci est fermée. Mélina aurait-elle compris qu’il est dangereux de laisser libre accès à tout venant. Lucie décide de faire le tour de l’habitation et arrive dans le jardin qui est désert. Elle colle son visage à la fenêtre donnant sur le salon mais ne distingue aucun signe de vie. La vieille dame serait-elle partie en vacances ? Il ne doit pas être aisé de trouver une pension qui accepte les gobelins !
Lucie retourne vers son vélo lorsqu’une voiture se parque devant elle. Une jeune femme s’extrait d’une belle décapotable allemande. Sa silhouette est élancée et mise en valeur dans un tailleur haute couture. Elle s’approche de Lucie en la dévisageant de son regard froid.
« Vous êtes intéressée ?
- Par quoi ?
- La maison !
- Non, je venais voir une amie. Elle habite ici.
- La vieille folle !
- Pardon ? Qui êtes-vous pour la traiter ainsi ?
- Sa fille ! »
Lucie en reste sans voix. Comment une fille peut-elle parler ainsi de sa propre mère ? La femme antipathique continue :
« Je vends la maison. Elle vous intéresse ?
- Où est votre maman ?
- Elle est morte il y a un mois. Je vous fais visiter. Venez ! »
Cette annonce lui est faite avec une telle froideur que Lucie en reste coite. Encore sous le choc, elle suit la femme dont le visage reste inexpressif. Elles pénètrent dans la cuisine. Discrètement, Lucie jette un œil derrière le fourneau. Rien ni personne. Pendant que l’héritière continue la visite guidée, la jeune étudiante ouvre un placard et trouve la salière. Elle la saisit et saupoudre sa paume avec le contenu. Elle observe les grains blancs et en goûte quelques uns. Du sucre ! Elle glisse son larcin dans la poche de sa veste.
Dans le salon, un verre est posé, à l’envers, sur l’appui de fenêtre. Lucie le soulève et découvre deux petits insectes morts.
« Ma mère prenait les lucioles pour des fées ! Comme vous le constatez, il n’y a pas d’eau courante ni d’électricité, alors je fais un bon prix.
- Non. Cela ne m’intéresse pas. Je suis étudiante et je n’ai pas les moyens.
- Bon. Tant pis. Si vous changez d’avis, voici ma carte. »
Elle lui tend un petit bout de carton avec les coordonnées d’une agence immobilière et sort précipitamment. Lucie jette un dernier regard vers la pièce principale. De faibles bruits lui font tendre l’oreille. Il lui semble entendre des sanglots étouffés provenant de la cheminée. Des gouttes d’eau s’échappent de la pompe et perlent dans l’évier comme des larmes sur les joues d’un enfant.
Deux paires d’yeux regardent Lucie s’éloigner sur son vélo. Hans et Claudius auraient tant voulu que la petite rouquine reste avec eux. Ils la trouvent si jolie. Ils vont devoir rechercher un nouveau foyer. Et puis, elle a oublié la formule pour utiliser la poudre de Perlimpinpin.

Bonus pour eux qui suivent mes diverses histoires :
Lucie s’engage dans un chemin de terre qu’elle emprunte rarement. Elle passe devant une grande bâtisse qui se dresse au bout d’une allée en graviers blancs. Il lui semble apercevoir une jeune fille en robe à fleurs à l’une des fenêtres de l’étage. Oups ! A ne pas regarder devant, elle a failli verser dans le profond fossé …




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