Agora

Date 17-10-2013 19:30:00 | Catégorie : Nouvelles


Pour la première fois depuis longtemps, Loretta se rendait en ville. Elle n’y allait pas souvent, car la route était parsemée d’ « embuches » qui terrifiaient la jeune fille au plus haut point. Mais aujourd’hui, elle ne pouvait faire autrement que d’y aller, elle souhaitait faire un présent à sa chère mère et s’était jurée de faire les efforts nécessaires pour y parvenir.

Elle s’était chaudement habillée, d’une part parce que le mois d’octobre annonçait le début d’un froid ambiant, mais aussi parce que les différentes couches de vêtements qu’elle portait s’apparentaient plus à une protection, une coquille, la maintenant à distance des autres.

D’un pas hésitant, elle passa la porte de sa maison, contrainte d’affronter la pluie portée par un vent puissant. Elle baissa la tête afin d’enfouir son menton, sa bouche, puis son nez dans son foulard et avança. Elle marcha longtemps en tournant de façon stratégique dans les rues. Elle accélérait le pas parfois, puis s’arrêtait net à d’autres moments, rendant sa course irrégulière et épuisante.
C’est alors qu’elle parvint à atteindre la grand’ rue : La rue du Sauvage. Comme son nom l’indiquait, elle était grande, et comme son nom l’indiquait, elle paraissait terriblement dangereuse, agressive, sauvage.

Loretta dû attendre quelques instants avant de s’engager sur ce terrible chemin. Elle serra les poings, ferma les yeux, et y pénétra. Au fur et à mesure qu’elle avançait, elle ralentissait, jusqu’à s’arrêter complètement. Elle était perdue. Perdue dans une forêt d’humains. Des humains qui se bousculaient, se dépêchaient, et s’écrasaient les uns les autres. Elle regarda à droite, puis à gauche, mais elle était prisonnière, séquestrée par des barreaux pouvant se mouvoir, parler, et nous faire du mal. A cet instant, son cœur battait plus fort et plus rapidement qu’il ne l’eût jamais fait. Elle avait peur et sa carapace semblait brutalisée à chaque frôlement contre elle. Elle avait froid, et son cœur semblait se compresser jusqu’à être sur le point d’éclater. Elle aurait voulu crier, elle aurait voulu appeler au secours, mais qui serait venu aider une pauvre petite qui craint la foule ? Qui serait venu rassurer une enfant qui souffre du contact avec les gens ? Qui pouvait simplement imaginer qu’à 16 ans, l’on puisse avoir souffert de mille et une plaies causées par l’Homme, à tel point que l’on avait fini par ne vouloir voir personne, ne vouloir parler à personne. Loretta savait qu’elle n’était pas la plus à plaindre, mais elle savait aussi que l’être humain pouvait être une créature sauvage et capable de choses atroces. Sa mère lui avait bien souvent répété que les relations humaines nous étaient indispensables, mais alors que Loretta était prise au piège, elle était persuadée qu’elle n’en avait pas besoin. « On ne peut souffrir si l’on n’a personne pour nous faire du mal » se disait-elle avec conviction. Elle voulait seulement s’échapper de cette étreinte infernale.

Elle serrait tellement les poings, que ses ongles pénétrèrent sa chair, jusqu’à répandre quelques larmes de sang. Son cœur était si bruyant qu’il s’empara de son ouïe, ses larmes étaient si épaisses qu’elles lui retirèrent la vue, mais elle avança. Lentement, elle posa un pied devant l’autre, tremblante, souffrante. Elle donna quelques brusques coups d’épaule et de coude pour se frayer un chemin en dehors de cet enfer et parvint à déboucher dans une ruelle étroite. Elle l’emprunta en pressant le pas afin de retourner chez elle, finalement incapable de chercher le cadeau qu’elle aurait voulu offrir…



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