A chacun son dû ( 2ème partie ) ( suite )

Date 18-10-2013 14:50:40 | Catégorie : Nouvelles


A chacun son dû ( 2ème partie; suite)

Un samedi sur deux, le juif et le cheikh venaient passer une bonne partie de la nuit chez le juge. Leila et son mari les recevaient dans le salon intime au premier étage, près des chambres à coucher. Mina, la petite bonne, passait de longs moments à préparer la table sous le regard attentif de Lalla : bouteilles d’alcool, assiettes surchargées d’amuses gueule, fromage, verres, cendriers, glaçons, papier absorbant… Rien ne devait être laissé au hasard. Avant de rejoindre la cuisine, elle astiquait les volumineux fauteuils en cuir qui entouraient la table. Elle aérait le salon.
Accompagné toujours de trois ou quatre filles, Al Madmoon arrivait souvent le premier chez le juge. Leila n’éprouvait aucun sentiment de jalousie à l’égard de ces jeunes adolescentes. Pour elle, ce n’étaient que de petites mouches qui tournoyaient autour de la proie. Les meilleurs morceaux seraient réservés à la majestueuse lionne. D’ailleurs, à la vue de Leila, le cheikh, ébloui par la beauté raffinée de la maîtresse, oubliait toujours son escorte féminine.
Le juif Shimon, plus respectueux du protocole, arrivait tout seul, généralement une demi-heure après. Il était toujours bien habillé et soigneusement coiffé. Il saluait tous les présents en leur tendant la main. Lalla, par contre, avait droit à un savoureux baiser sur chaque joue.
Les deux amis n’oubliaient pas d’apporter un cadeau à la femme du juge. L’homme du désert avait un certain penchant pour les robes longues et les chemises de nuit. Le juif apportait plutôt des parfums et des fleurs.
Leila s’assoyait toujours sur l’un des quatre fauteuils qui entouraient la table. Le juif se mettait à sa droite, le cheikh à sa gauche, alors que Jalal, le juge, se vautrait en face. Les trois ou quatre filles prenaient des poufs et venaient se coller à l’homme du désert dans l’espoir de glaner quelques dollars au cours de la soirée.
On commençait toujours par porter de nombreux toast à la santé et au bien être de tous les présents, avant de passer aux choses plus amusantes.
Le cheikh enlevait sa kiffieh découvrant ainsi une tête chauve de la taille d’une grosse pastèque. Shimon ôtait sa veste, la pliait soigneusement et la posait sur un tabouret. Il relevait les manches de sa chemise révélant des bras poilus et bien musclés. Le juge, qui ne supportait pas la chaleur, restait torse nu. Son gros ventre mou de haut fonctionnaire débordait comme de la pâte bien levée, sur son pantalon, cachant ainsi la ceinture en cuir qui retenait ce vêtement. Quant aux femmes, elles regagnaient la chambre à coucher pour se maquiller et changer d’habits. Les trois hommes exigeaient qu’elles soient légèrement vêtues afin qu’ils puissent admirer la beauté dans son état le plus naturel. Une fois de retour, on les applaudissait tout en avalant un ou deux verres à leur santé. Et la fête démarrait pour de bon. Hommes et femmes se mettaient à danser au rythme de la musique orientale ou occidentale. Des couples se formaient et se déformaient.
De toutes les danseuses, Lalla était la plus sollicitée de ses deux invités. Le maître des lieux se contentait de l’une des trois ou quatre filles qui accompagnaient le cheikh.
Issus de milieux diamétralement opposés, Shimon et Al madmoon dansaient différemment avec Lalla. Le juif prenait toujours celle-ci par la taille, collait son corps contre le sien tout en la fixant des mains et du regard. Rayonnante de joie, la danseuse se livrait entièrement à lui en se laissant entrainer facilement ; surtout quand elle sentait le bas ventre de son galant cavalier se mettre à se métamorphoser. Cette transformation morphologique était toujours accompagnée de caresses et de mots doux qui la rendaient chancelante. Elle n’atteignait jamais ce degré de plaisir ni avec son mari ni avec le cheikh. Par des moments, il lui semblait qu’elle ne dansait pas mais flottait dans l’espace.
L’homme venu des pays du Golf tentait vainement d’imiter la posture du juif chaque fois qu’il parvenait à lui subtiliser sa cavalière. Malheureusement son énorme ventre bien rond, venait se mettre de travers entre les parties les plus sensibles de leurs corps. Déçu, il se consolait en s’agrippant de ses deux larges mains aux seins proéminents de Leila.
En regagnant leurs places, les danseurs se servaient quelques verres.
Lors de la première soirée, le juif qui ne fumait que des cigares avait pris soin d’offrir un paquet Dunhill à Leila. Celle-ci en apprécia le goût et remercia longuement Shimon pour son attention particulière.
Se sentant menacé de se faire largué par la maîtresse des lieux, le cheikh prit la décision d’imiter son rival en s’offrant une marque de cigares rare et extrêmement chère. Il inonda la femme du juge de Dunhill et commença, à lui infliger une bise sur les joues chaque fois qu’il la rencontrait. Il comptait impressionner tout le monde, et plus particulièrement Lalla.
A chaque pose, les femmes rejoignaient la chambre à coucher pour changer de tenues et apporter quelques retouches à leur maquillage.
Chaque fois qu’elles regagnaient leurs places avec des habits plus excitants que les précédents, Al Madmoon n’oubliait pas de faire quelques compliments à Leila, en lui caressant légèrement la jambe.
Le juge, tel un rapace, fixait des yeux l’une des accompagnatrices de l’homme venu du désert.
Calme et lucide, le juif, quant à lui, fumait silencieusement son cigare. Il gardait jalousement ses munitions pour la fin de la partie.

( à suivre )




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