Des vents et des grains (3ème partie et fin)

Date 03-11-2013 08:20:15 | Catégorie : Nouvelles confirmées


2ème partie ici :

http://www.loree-des-reves.com//modul ... /article.php?storyid=3099

En partageant un verre de jus de fruits, les échanges vont bon train. Sandy conclut :

« Alors, on se donne rendez-vous ce soir chez vous ? En tout bien tout honneur, bien sûr. N’allez pas vous imaginer des choses !
- Je l’avais bien compris ainsi. J’habite au 33 rue de la Montagne.
- Je passerai vers 17 h 30. »

A 17 h 15, Pierre se rafraîchit le visage dans l’attente de son invitée. Celle-ci débarque un peu avant 18 h ; ce qui agace notre comptable qui le lui fait remarquer sur le seuil de la porte.

« Vous n’êtes pas très ponctuelle !
- Je ne connais pas ce mot. Comme vous n’êtes ni médecin, ni avocat, je ne me suis pas sentie tenue à un timing précis. Cela signifie-t-il que vous refusez de me laisser entrer ?
- Non. Allez-y »

En la suivant, Pierre remarque qu’elle a adopté une tenue toute autre que ce matin. Un top bouffant rose surplombe un pantalon large beige, lui conférant un air décontracté. Sandy découvre un intérieur digne d’une maison modèle d’exposition. Il n’y a quasi pas de décoration, chaque objet est à la stricte place qui lui est dévolue. Les murs blancs et gris renforcent la froideur de la grande pièce qui sert de salle de séjour. Sandy est invitée à prendre place dans le canapé en cuir noir aux accoudoirs élimés, qui ajoute une touche de morosité à l’ensemble.

« Je suis désolée de vous l’annoncer mais votre intérieur est totalement déprimant.
- Il me ressemble. Sobre, clair et fonctionnel.
- Vous vous définissez comme fonctionnel ? Je suis curieuse de savoir ce que cela donne dans votre intimité Et à part comptabiliser, qu’avez-vous comme hobby ?
- Je fais des puzzles et je lis des polars.
- Quel jour ?
- Le dimanche matin.
- Je blaguais … mais en fait vous avez même un jour prédéfini pour ça ! C’est un peu inquiétant.
- Non, c’est rassurant.
- N’avez-vous rien d’autre à enfiler que votre costume ?
- Si, mais je souhaitais rester présentable pour vous recevoir.
- Oh. Je ne me formaliserai pas. Personnellement, j’adore sauter dans mon pyjama après ma journée de travail. Ne vous gênez pas pour moi. Là, j’ai l’impression d’être au restaurant et que vous attendez ma commande. Allez vous changer. »

Pierre se rend dans sa chambre et reviens quelques minutes plus tard avec un jean et un T-shirt d’un blanc immaculé. Sandy s’exclame :

« C’est déjà mieux. La prochaine étape sera de vous faire adopter le modèle délavé avec un marcel multicolore. En attendant, je voudrais vous faire découvrir un nouveau hobby. J’ai emporté un peu de matériel. »

Sandy ouvre son sac à dos et en extrait une palette, des pots de peinture, des pinceaux et une petite toile vierge. Sur ses conseils avisés, Pierre tente ses premiers coups de pinceaux. Le résultat n’a rien d’un chef d’œuvre mais il est fier de l’accrocher au mur du salon, lui apportant enfin une touche colorée.

L’estomac de l’artiste en herbe commence à émettre de francs gargouillis qui amusent Sandy.

« Ne me dites pas qu’il est 19 h 30 ?
- Si.
- Même votre corps est réglé comme une horloge ! Allons diner dehors.
- Je n’envisage cela que le samedi soir, pas la semaine.
- Vous m’avez confié la tâche de vous encanailler. Alors, on y va ?
- Je vais me changer alors.
- Pourquoi ? Ne me dites pas que vous comptez remettre votre tenue de comptable ?
- Mais nous sortons ….
- Vous êtes parfait ainsi. C’est parti. »

Un peu perplexe, Pierre suit la jeune femme qui l’amène jusqu’à une petite pizzeria quelques rues plus loin. Avant d’entrer, elle lui demande :

« Etes-vous déjà venu ici ?
- Non. Jamais. Je vais d’habitude au snack près de chez moi.
- Impeccable. »

Ils s’installent à une table exempte de carte des menus. Sandy apporte une explication :

« Ici, on est obligé de prendre le plat du jour. C’est toujours une surprise et ça évite la monotonie. Ainsi, on découvre des plats qu’on n’aurait jamais osé goûter. »

Ils se régalent. À la fin, Pierre cherche son portefeuille et remarque avec confusion qu’il l’a oublié dans la poche de son costume.

« Je suis désolé. Attendez ici, je vais le chercher.
- Vous voulez me laisser en gage ? Mais vu l’état dans lequel vous avez mis ma carrosserie ce matin, je ne pense pas qu’ils seront d’accord. Bon, restez là. Je vais négocier avec le patron. »

Sur ce, Sandy se lève et se dirige vers le bar. Elle discute longuement avec un gros italien aux cheveux gras et revient.

« Suivez-moi. »

Pierre est invité à entrer dans la cuisine. Sandy lui colle un essuie dans les mains et commence la plonge.

« C’est une façon originale de payer l’addition.
- Avec un peu d’imagination et un bon sens de la négociation, on arrive à beaucoup de choses vous savez … et dans de nombreux domaines.»

Après une demi-heure de bons services, ils sont quittes et peuvent rentrer. Sandy consulte sa montre.

« Il est presque 22 heures. Pouvez-vous me reconduire sans vous endormir au volant ? »

Pierre se met à rire en lui prenant la main.

« Ne vous en faites pas.
- Je trouve que ces petites mésaventures nous ont suffisamment rapprochés pour envisager de nous tutoyer. Non ?
- Tu as raison. Surtout que mon apprentissage n’est pas terminé et que je dois t’apprendre la notion de rangement. »

Pierre dépose Sandy devant chez elle. Elle lui envoie un signe de la main avant de rentrer dans l’immeuble. De retour dans ses pénates, le jeune homme voit l’horloge afficher 22 h 31. Il ne s’était pas couché si tard depuis longtemps. Allongé sur son canapé, il ferme les yeux et l’image de la jeune artiste peintre flotte dans son esprit. Un sourire naît au coin de ses lèvres et il s’endort paisiblement sans même penser à enfiler son pyjama.

Depuis ce jour, Sandy changea peu à peu le quotidien morose de Pierre. Ses murs prirent des couleurs et ses costumes furent relégués dans le grenier. Il visita de nouvelles régions, et contempla même le désert du Sahara, sac sur le dos et la main de Sandy dans la sienne.

C’est ainsi qu’un grain de sable a fait entrer un grain de folie dans sa vie aux rouages si bien huilés.





Cet article provient de L'ORée des Rêves votre site pour lire écrire publier poèmes nouvelles en ligne
http://www.loree-des-reves.com

L'url pour cet article est :
http://www.loree-des-reves.com/modules/xnews/article.php?storyid=3170