Sirius

Date 07-11-2013 15:40:00 | Catégorie : Nouvelles


SIRIUS
( épisode 1 )

Léontine,

- André viens vite j'ai besoin de toi ..... !
L'appel de Léontine traverse la cour de la ferme
et pénètre par la porte entrebaillée de la cuisine.
En ce jour d'été c'est la canicule et la campagne
étouffe, écrasée par un soleil de plomb. André est
dans son fauteuil et s'est assoupi malgré la moiteur.
Sa chemise dessine de larges auréoles sous les
aisselles et autour du col, largement ouvert.
Un ventilateur qui n'a plus d'âge fait frémir les
feuilles du journal posé à ses pieds.
- André viens vite, j'ai besoin de toi bon sang !!
Le chien, allongé sur la dalle fraîche de ciment
patiné, devant la porte principale de la maison
tourne cette fois-ci la tête quelques secondes,
la langue pendante, puis reprend, d'un air indifférent
sa sieste canine.
- Andrééééééé ........
Mais André ne répond pas.
Léontine passe le bras sur son front pour enlever les
gouttes qui y perlent. Elle a redressé sa vieille carcasse en se tenant le bas du dos, impuissante
à relever sa brouette renversée, chargée de deux
bottes de paille.
Elle est fatiguée Léontine, fatiguée avec cette chaleur difficilement supportable, fatiguée qu'André
ne daigne pas lever les fesses de son fauteuil
pour venir l'aider.
Elle traverse la cour en s'épongeant avec son mouchoir et en maugréant contre son fainéant
de mari " André, André, ..... tu vas voir de quel bois
je me chauffe " Mais André s'obstine : sa main
flasque le long de son corps a laissé échapper son
journal. Seul mouvement perceptible à part le
ventilateur, les mouches sur la table : elles
aspirent un rond de lait laissé par un bol.
Léontine est debout, incrédule. Elle plisse les yeux
plusieurs fois, gênée par la différence soudaine entre
l'ombre de la maison et la violente clarté de l'extérieur.
Pas un cri, pas un son ne sortent de sa bouche. Elle tend son bras à en perdre l'équilibre et touche
l'épaule d'André puis recule aussitôt, médusée.
Les bras ballants comme statufiée, elle regarde
son mari bouche bée et André la regarde aussi,
les yeux grands ouverts. André est mort.
Elle renifle bien un semblant de désespoir et de peine qu'elle essuie prestement d'un revers de
manche, mais c'est tout.
Elle reste là Léontine, amorphe, les yeux presque
secs et elle s'entend dire comme dans un
brouillard " c'est sûr qu'il pouvait pas m'entendre .....
çà c'est sûr" Ce fût la seule parole compatissante
qu'elle prononça.

A suivre......


Cuga



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