Bon appétit ! (partie 2)

Date 08-11-2013 06:24:23 | Catégorie : Nouvelles confirmées




Le lendemain matin, c’est une odeur de café frais qui l’éveille. Lucie s’étire doucement.

« ‘Jour, Mam’zelle ! »

Elle renvoie le bonjour à son hôte, affairé à préparer la table du petit déjeuner et qui l’invite à se sustenter.

« C’est gentil mais une tasse de café me suffit le matin.
- Non ! Faut manger quand y fait froid ! Faut s’forcer ! »

En regardant le ventre proéminent de Robert, Lucie se dit qu’il devrait arrêter de se forcer, avant d’exploser. Il lui donne des biscottes et de la confiture en insistant pour qu’elle en avale au moins trois. Après en avoir ingurgité péniblement deux, elle lui tend la troisième en disant « Non, merci ! ». Robert semble contrarié et la jeune femme se sent un peu mal à l’aise face à son regard sombre.

La table débarrassée, Lucie observe à travers la fenêtre afin de déterminer si le temps lui permettrait d’aller appeler une dépanneuse d’une maison voisine. Mais la tempête de neige fait toujours rage. Impossible de sortir sans risque de se transformer en bonhomme de neige au bout de cent mètres. Elle va devoir continuer à squatter chez Robert, même si cela la rend un peu nerveuse.

« Vous n’avez pas de télévision ?
- Non. C’est cher et ça sert à rien.
- Comment occupez-vous vos journées ?
- En été, j’fais mon potager et en hiver, j’lis des romans. »

A cette réponse, Lucie ne peut s’empêcher d’afficher une mine circonspecte. En effet, au vu du langage assez pauvre de l’homme, elle ne l’aurait jamais cru capable de lire autre chose que les petites annonces des toutes boîtes. Ah, les préjugés !

« Quel auteur aimez-vous ?
- Stephen King. J’ai toute la collection. Voulez voir ? V’nez. »

Avec enthousiasme, Robert attrape la main de Lucie et l’entraîne vers le premier étage jusqu’à une pièce qui semble servir de bureau. Une petite bibliothèque en acajou est posée contre le mur perpendiculaire à la fenêtre. Il la désigne d’un geste majestueux de la main, en disant « Tada ! ». Le meuble présente plusieurs dizaines de bouquins aux reliures fatiguées et portant toutes le nom du célèbre auteur de thrillers.

« Waouw. Vous êtes un vrai fan ! » s’exclame Lucie.

Elle remarque un bureau posté devant la fenêtre, recouvert de morceaux de journaux découpés. Elle s’approche et parcourt rapidement les titres. Ils font tous état de personnes disparues. Certaines coupures, jaunies car datant de plusieurs années, sont soigneusement collées sur des feuilles quadrillées, attachées dans une farde bleue à anneaux. Robert lance :

« Faites pas gaffe à ça.
- Pourquoi conservez-vous ces coupures ? Vous voulez écrire un roman, vous aussi ?
- Oui … j’voudrais bien. Venez, y’a la salle de bain là. »

En traversant le couloir, Lucie jette un œil en direction de l’unique chambre. Quel capharnaüm : des vêtements sont empilés en tas épars et la garde-robe grande ouverte déborde.

Robert ouvre la porte d’une petite pièce d’eau. Elle comporte un lavabo fissuré, une vieille toilette à la cuvette brunie par le calcaire et une cabine de douche maintenue droite à l’aide de ficelles.
«’Tendez ! »

Robert s’en va dans sa chambre. Après de longues minutes, il revient avec un jean et un chemisier à fleurs.

« C’est votre taille ?
- Oui, je pense. A qui appartiennent ces vêtements ?
- A ... ma sœur. Elle vient parfois et elle laisse des trucs.
- Merci. »

Lucie s’enferme dans la salle de bains éclairée par une ampoule jaunie et grésillant. Elle se débarbouille, se lave les dents avec son index recouvert du dentifrice bon marché de Robert, pas question de partage de brosse à dents. Rafraîchie, elle enfile les vêtements de prêt, un peu trop larges pour elle et ses cinquante-cinq kilos.

Elle descend ensuite et rejoint le salon où Robert l’attend. Lucie remonte son pantalon qui a tendance à tomber.

« Z’êtes vraiment maigrichonne ! »

Il part fouiller une vieille commode qui a perdu la moitié de ses poignées et en sort une paire de bretelles rayées qu’il tend à la jeune femme. Celle-ci les attache et peut enfin se déplacer sans devoir retenir son jean qui menace de lui tomber sur les chevilles.

A suivre ....




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