Ma Vérité, neuvième et dernière partie

Date 17-12-2013 10:42:43 | Catégorie : Nouvelles confirmées


Pour terminer, je dirai que Papa et Maman ont toujours de bonnes intentions. Leurs actions sont déterminées par le souci qu’ils se font à mon égard. Mais ils sont extrêmement maladroits et envahissants. Ils ne s’aperçoivent pas qu’ils vont à l’encontre de mes intérêts. Je me souviens d’un dialogue entre Papa et Dominique. Papa lui a expliqué qu’il a toujours rêvé que mon compagnon bricole avec lui. Il aurait aimé que celui-ci participe à ses randonnées pédestres, ou à ses promenades à vélo. Dominique lui a répondu que c’étaient des activités qui ne l’intéressaient pas, et Papa en a été terriblement vexé.
Je sais que c’est la façon qu’ont Papa et Maman d’intégrer quelqu’un à leur conception des relations familiales. On sent parfaitement l’énergie qu’ils ont envie de communiquer. Ils ont envie de partager leurs passions. Ils sont capables de déplacer des montagnes et de se montrer très serviables, c’est indéniable. Mais Dominique n’est pas réceptif à leurs centres d’intérêts. Son affection à leur encontre se situe à un autre niveau. Elle est dans le partage des idées, dans les discussions sur les sujets de société, sur la culture, sur l’actualité, etc. Je crois que Papa et Maman ne l’ont jamais réalisé.
De mon coté, je suis d’un naturel à ne vouloir vexer quiconque. Ils le savent, et ils en jouent. Ils profitent toujours que je n’ose pas leur répondre pour me faire prendre part à leurs activités. Je répète pourtant régulièrement que je n’aime pas le sport. Ils font la sourde oreille. Je dois avouer que, si, pendant longtemps, je ne me suis pas positionné fermement, c’est parce que j’ai toujours craint que si je le faisais, ils me rejetteraient. Et j’ai eu raison.
Tout ce dont j’ai parlé précédemment fait que je ne corresponds plus à cette enfant de dix ans dont ils gardent le souvenir. Ils ne se rendent pas compte que j’ai grandi. Ils ne réalisent pas que je suis en couple de manière définitive. Je n’ai donc plus besoin de leurs conseils. Ils ne comprennent pas que leurs remarques perpétuelles sont mal venues. Enfin, ils ne voient pas que je suis dans l’obligation de me protéger d’eux afin de préserver le lien qui m’unit à Dominique.
Par ailleurs, au fil des années, je me suis aperçue que ce qu’ils disent n’est pas parole d’évangile. Je ne suis pas obligée de suivre leurs décisions, même s’ils insistent déraisonnablement. J’ai également constaté que j’aurai beau faire quoi que ce soit, ils n’accorderont jamais aucune importance à mes passions, à mes préoccupations quotidiennes ou autres. Les mondes, les horizons, les gens, etc. auxquels Dominique m’a ouvert n’ont aucune importance à leurs yeux. Ils refusent de toutes leurs forces d’en entendre parler. Ils mettent toute leur énergie afin de les effacer de leur Réalité. Il n’y a que les leurs qui sont dignes d’intérêt. Et ce comportement de leur part s’est manifesté à partir du moment où je me suis installée en couple. Je suis donc persuadée que leur curiosité de parents s’est arrêtée le jour où j’ai quitté leur maison.

D’un autre coté, Papa et Maman s’imaginent qu’ayant exercé le métier d’Educateur, ils sont les mieux placés pour savoir ce qui est bon pour moi, et par ricochet, pour Dominique. Or, ils oublient que les choix que l’on fait dans le cadre de son travail ne sont valables que pour celui-ci. L’objectivité dont on est pourvu dans son métier est altérée lorsqu’on l’applique dans sa vie privée. On ne se conduit pas de la même façon dans l’un ou dans l’autre. Les règles n’y sont pas les mêmes. A mon avis – cet avis n’engage que moi - ils n’ont jamais véritablement séparé ces deux aspects de leur vie. Je rajouterai, qui plus est, que Papa n’a pas encore fait son deuil de sa vie professionnelle. C’est pour cette raison que, l’un comme l’autre, s’investissent autant dans le milieu associatif. Ils s’y sentent utiles autant qu’à l’époque où ils travaillaient encore ; mais d’une autre manière.
Ils pensent encore qu’ils doivent se comporter avec moi comme ils l’ont fait jadis avec Deborah, avec juste raison en ce qui concerne cette dernière. Ils ont toujours été courageux et méritants, et ont toujours fait tout ce qui était possible afin de lui offrir une vie la plus agréable possible, j’en suis consciente. Je suis fière d’eux pour cela. Mais, leur perception de mon handicap et de ma maladie qui m’affectent est faussée. Mon handicap n’est évidemment pas aussi important que celui de Déborah, heureusement pour moi. En outre, je n’ai pas les déficiences mentales et physiques qu’elle a, loin de là.
Depuis qu’ils connaissent Dominique, ils sont au courant qu’il est handicapé. Même si son handicap est différent du mien, il est tout aussi invalidant. Ils connaissent son parcours, ainsi que les difficultés qu’il a dû affronter. Ils savent qu’il a très bien réussi à se débrouiller seul dans son existence au cours de cette période. Ils sont au courant que ces épreuves ont toujours renforcé sa volonté de s’en sortir quoiqu’il arrive. Elles ont renforcé sa détermination à les affronter, à les surmonter, à les vaincre. Eliane l’a, dès son plus jeune âge, toujours incité à se débrouiller seul, à ne rien attendre des autres, sauf quand il ne réussissait vraiment pas. Elle l’a éduqué en ce sens : « il n’y aura pas toujours quelqu’un derrière toi pour te tenir par la main. », comme elle lui répète régulièrement aujourd’hui encore.
Le choix de Papa et Maman est différent. Comme d’habitude, cela part d’un bon sentiment. En souhaitant en permanence tout faire à ma place. Ils veulent me montrer qu’ils m’aiment. Ils pensent qu’ils se doivent de se conduire ainsi pour me protéger des aléas de l’existence. Ils souhaitent m’éviter le plus grand nombre de difficultés. Ils sont persuadés que c’est « pour mon bien ». De fait, à leurs yeux, je reste cette enfant qui a forcément besoin d’eux dans tous les actes de sa vie. Et tant pis s’ils me montrent ainsi que, non seulement ils n’ont pas confiance en moi, mais aussi, que je ne peux pas avoir confiance en moi. Dominique ou d’autres essayent bien de m’encourager à dépasser mes peurs, leur ombre plane en permanence sur moi, et me bride. Dominique a beau m’épauler, je suis déchirée parce que j’ai l’impression que je ne ferais jamais aussi bien qu’eux. Je culpabilise, je suis indécise, et cela me gène parfois dans mon existence quotidienne.
Et tant pis pour les décisions, les choix, que nous prenons Dominique et moi en tant que couple. A leurs yeux, ces derniers ne comptent pas. Ils n’ont jamais compté ; et à moins qu’ils changent d’attitude, ils ne compteront jamais. Ils se comportent comme si j’étais toujours célibataire. Ils jugent que la façon de vivre que Dominique m’offre néfaste. Ses passions, ses centres d’intérêts, etc., sont, pour eux, à écarter parce que trop différents de ceux que j’avais lorsque je vivais sous leur toit. Ils n’ont jamais réalisé que, lorsque j’étais encore chez eux, si je participais à leurs activités, c’était pour ne pas rester seule, isolée. Même si elles ne m’intéressaient pas réellement, au moins, j’étais avec eux et les gens qui les entouraient. J’espérais ainsi attiser qu’ils se rapprochent de moi. C’est le fonds du problème, je le pense sincèrement. Et c’est la cause principale des dissensions, des reproches, et des injures, qu’ils ont à l’encontre de Dominique.

Après avoir longuement réfléchi, et j’ai pesé le pour et le contre. Désormais, je préfère être directement en contact avec les différents membres de notre famille. Je ne veux pas que Papa et Maman aient à intervenir en ce qui concerne ce que je partage avec les uns ou les autres. Si mon frère, ma sœur, mes oncles, tantes, etc., désirent me rencontrer, il n’y a pas de problèmes. Mais ce sera en compagnie de Dominique. J’avoue que depuis que nous n’avons plus à passer par Papa et Maman pour les voir, Dominique et moi nous sentons plus libres. Nous sommes davantage décontractés. Personnellement, je m’exprime aisément devant eux. Cela s’est d’ailleurs encore vérifié au mois d’Aout dernier. C’était à l’occasion de notre premier anniversaire de PACS conjugué à nos dix ans de vie commune. Pour la première fois depuis je ne sais pas combien de temps, j’y ai été libre de parler avec les invités, sans que Papa ou Maman ne m’interrompe afin de ramener la conversation à eux. J’ai pu aborder les sujets qui m’intéressaient, sans avoir la crainte de m’ennuyer.

Leur attitude m’amène à penser que Papa et Maman culpabilisent beaucoup. Ils ont l’impression de ne pas avoir assez été vigilants vis-à-vis de mon handicap lorsque j’étais jeune. Ils ont le sentiment qu’en intervenant aujourd’hui, ils vont rattraper le temps perdu. Or, ils ne réalisent pas qu’ils se trompent complètement. Le passé, c’est le passé ; on ne peut pas revenir dessus.
Je ne leur en veux pas : c’est humain. Il faut se souvenir que, durant ma jeunesse, les outils qui auraient pu déceler mon handicap n’existaient pas dans la région. Ni Papa, ni Maman ne sont des super héros ; ils n’auraient jamais pu découvrir de quoi j’étais atteins par eux même. Dominique n’a pas pu découvrir ma Sclérose en plaques seul malgré les symptômes l’annonçant. Dans un cas comme dans l’autre, personne n’aurait été capable de les dépister. Par ailleurs, lorsque Déborah est née – et attention, ceci n’est pas une critique -, celle-ci leur a pris toute leur énergie, toute leur attention. C’était quelque chose de tout à fait naturel. Je suis fière d’eux pour cela, car beaucoup auraient certainement baissé les bras. En plus de cela, s’occuper des autres par le biais d’associations diverses à accaparé tout leur temps. Comment, avec tous ces impératifs, auraient t’ils pu se concentrer sur mon cas. Ils avaient bien d’autres soucis au quotidien.
Ce n’est pas en essayant de rattraper aujourd’hui le passé qu’ils changeront quelque chose. En outre, maintenant que je suis en couple, ils n’ont plus à prendre à leur compte tout cela. En effet, c’est Dominique et moi qui sommes à même de savoir ce qui doit être fait – ou pas. Ce qui est en permanence le cas, évidemment.
Ce changement est difficile, pour ne pas dire insupportable, intolérable, pour eux, je le sais. Eux qui se sont toujours occupé des autres, ils se sentent dépossédés de leurs droits. Eux qui s’y sont toujours investi, le fait qu’un « étranger » comme Dominique ait pris leur place les hérisse. Qu’il remette en question leurs solutions les perturbe profondément. Ils ont toujours été ceux qui décidaient pour les autres sans tenir compte de solutions différentes des leurs les blesse. Leur ancien métier d’Educateur les a aveuglé. Grâce à celui-ci, toujours été ceux qui arbitraient. Ils considèrent donc, aujourd’hui encore, leur implication comme une nécessité vitale, autant par rapport à la personne concernée que pour eux. Ils s’imaginent ainsi pouvoir réparer le passé et être capables de contrecarrer les maux dont nous pourrions être atteints à l’avenir. Ce qui, je le répète, est bien sûr utopique.
La seule option qui leur reste est de faire leur deuil. Ils n’ont pas d’autre choix. Il est absolument nécessaire que ce soit Dominique et moi, en tant qu’adultes responsables, qui doivent faire ce qui doit être fait. L’inverse est vrai aussi, en ce qui concerne le handicap et la maladie dont Dominique est atteint depuis sa plus tendre enfance. Ce n’est pas à la Maman de Dominique de s’occuper du suivi de ses soins. C ‘est à lui et à moi. D’ailleurs, la Maman de Dominique, elle, n’y trouve rien à redire et n’est jamais intervenue dans ce domaine.

Comme tout le monde, Dominique a ses qualités et ses défauts. Qu’on le comprenne ou pas, qu’on l’accepte ou pas, il n’aime pas beaucoup sortir. En fait, il n’en n’éprouve pas le besoin. L’appartement est au cœur de son épanouissement personnel. Il y est heureux. Il n’a besoin de rien d’autre. Grace à Internet, étant en relation avec des personnes habitant aux quatre coins du monde, cela lui suffit. Par ailleurs, ni lui, ni moi, n’avons trouvé à Valognes des personnes avec lesquelles ayant les mêmes affinités que nous. Nous avons donc pallié à ce manque par ce biais. Certains voient en cela un défaut, ne comprennent et n’acceptent pas cette attitude. Personnellement, je l’accepte et la respecte.
Dominique est aussi quelqu’un de très franc et de sincère. Un de ses défauts est d’être parfois brutal dans ses propos, c’est indéniable. Mais il va toujours jusqu’au bout de ses convictions, de ses pensées. Il dit parfois des vérités qui dérangent ceux qui l’entourent. Pour lui, c’est une question de respect, autant des autres que de lui même. A cause de cela, il en a plusieurs fois payé le prix fort. Mais il l’assume totalement. Pour le connaître, je sais qu’il ne veut que personne ne l’empêche de s’exprimer. Tant pis si ses propos se retournent contre lui. Je l’accepte, même si je ne suis pas toujours d’accord avec lui. Par contre, jamais je ne l’empêcherai de parler. De toute façon, il n’a pas à m’en demander l’autorisation.
Dominique est encore quelqu’un qui stresse très facilement. Beaucoup d’entre vous s’en sont rendu compte. La plupart des discussions tournant autour du quotidien l’ennuient. Cela fait parti de sa personnalité, c’est comme ça. Il a un caractère fort, tout comme Papa et Maman, je ne peux le nier. Il ne se laisse pas marcher sur les pieds, ni par eux, ni par quiconque.
Lorsqu’il s’exprime pour moi devant Papa, Maman, ou d’autres personnes, c’est toujours avec mon accord. Pour moi, c’est même un soulagement qu’il le fasse. Il s’agit toujours de verbaliser mes désirs, mes choix, mes décisions, mes projets, etc. Ce sont ses mots, mais ce sont surtout, et avant tout, mes pensées, qu’il détaille. Papa et Maman, bien entendu, se persuadent du contraire, et s’accrochent désespérément à cette conviction. Mais il préfère se faire traiter de tous les noms par eux. De cette manière, il préserve l’image de cette petite fille de dix ans qu’ils désirent si ardemment garder de moi. Et ainsi, ils peuvent s’imaginer que ces propos ne sont pas les miens. Cela leur facilite les choses et s’en prendre à lui plutôt Car, lorsque je tente timidement de leur dire par moi-même ce que je souhaite, ils n’entendent pas. Quand, parfois, j’insiste, ils me coupent la parole. Ils font pression sur moi afin de me faire plier à leur vision des choses. Ils essayent de se renforcer leur emprise sur ce que doivent être, selon eux, mes choix. Pire encore, ils tentent de me monter contre lui.
Dominique n’est pas rancunier. Papa et Maman, eux, n’en n’ont jamais fini avec les paroles dites des jours, des mois, ou des années avant. Ils tentent aussi de l’amener à se ranger à leur opinion à tout prix. Ils n’acceptent pas qu’il leur dise que chacun a le droit d’avoir ses propres opinions, si différentes soient t’elles. Ils n’aiment pas quand il affirme que ces dernières sont aussi respectables que les leurs. Ils n’apprécient pas non plus quand il explique que, malgré leurs désaccords, rien n’empêche de laisser ces derniers de coté. Je me souviens toujours de plusieurs échanges virulents que Papa et Maman ont eus, où il leur a répété ces phrases. A chaque fois qu’il ne se pliait pas à leur opinion, j’ai eu l’impression qu’ils se sentaient humiliés. Et ils finissaient par l’insulter parce qu’il assumait haut et fort ses idées devant eux.
En ce qui me concerne, j’accepte les qualités et les défauts de chacun, que ce soient ceux de Papa, de Maman, ou de Dominique. Je pense que lorsqu’on aime une personne, et encore plus quand on vit au quotidien avec elle, on se doit de prendre en compte ses particularités. On s’accommode de ses blessures, de son passé, de sa vision du monde et des autres, etc. Bref, on prend en compte ses différences dans leur globalité. C’est mon cas, c’est le sien, comme ça l’est dans tous les couples, dans toutes les familles.
A mon avis, ils devraient être contents qu’un homme m’accepte et m’aime telle que je suis. Ils devraient être heureux qu’il fasse siennes mes qualités et mes défauts, mes faiblesses et mes forces. Ils devraient être contents qu’il ne se soit pas détourné de moi à cause de mon handicap ou de ma Sclérose en plaques. Ils devraient être rassurés, qu’un homme se préoccupe de ma santé, de mon bien-être, de mon épanouissement. Or, depuis le début de ma relation avec Dominique, je m’aperçois que c’est le contraire qu’ils éprouvent. Au fil des années, je réalise qu’ils sont de plus en plus incapables de l’accepter. Ils ont de moins en moins la volonté de prendre en compte les spécificités de mon compagnon. Ils sont réfractaires au moindre effort pour aller vers lui, pour tenter de le comprendre, de l’écouter, ou de tenir compte de ses choix.

Pour conclure, je dirai que je ne veux plus de contact avec Papa et Maman, tant qu’ils n’auront pas modifié leur comportement. A force de s’en prendre en permanence à Dominique, d’en faire leur bouc émissaire pour tout et n’importe quoi, jusqu’aux choses les plus absurdes, ils m’ont obligé à prendre cette décision. Tant qu’ils le considéreront comme quelqu’un d’incompétent, d’incapable de s’occuper de moi correctement, rien ne sera possible. Tant qu’ils auront des préjugés et des à-priori sur notre mode de vie, sur ce qui est important pour nous, sur nos passions, nos projets, etc., ils seront incapables de voir que je suis heureuse. Tant qu’ils seront persuadés qu’ils sont les seuls à détenir la vérité sur ce qui est le mieux pour moi, ils ne seront pas apaisés. Mais, pendant ce temps, ils me feront souffrir de leur insatisfaction.
Ils ont régulièrement, et par tous les moyens qui étaient à leur disposition, essayé de déstabiliser mon couple. Ils ont tenté de semer la zizanie entre Dominique et moi. Il faut que cela cesse, et tant pis s’il leur faut des années pour cela. J‘attendrai le temps nécessaire. Pendant cette période, je continuerai à vivre ma vie aux cotés de mon compagnon. Je ferai en sorte de m’éloigner de cette atmosphère nauséabonde. Car, mon choix, c’est d’être heureuse et épanouie avec lui, et non pas pleine de haine, de rancœurs et d’amertume, avec eux.
Aujourd’hui, je suis une femme comblée. Dominique m’apporte tout ce que j’ai toujours désiré chez un homme. Il prend en permanence soin de moi. Il se préoccupe de ma santé. Il prend les décisions utiles et nécessaires au suivi de ma maladie. Il gère les nombreux rendez-vous et examens intégrés au protocole médical du Docteur LeBiez. Lorsque j’ai un coup de blues à cause du comportement de Papa et Maman, il me soutient et m’épaule.
Par ailleurs, contrairement à Papa et Maman, sa famille m’accueille formidablement bien. Pour elle, j’en suis un membre à part entière. Eliane et Mémé Yvonne ne font aucune distinction, aucune différence entre Dominique, sa sœur, ses neveux, etc., et moi. A Noel par exemple, j’ai droit à un cadeau aussi important, de la même valeur, qu’eux. Dès que j’ai besoin d’un vêtement, que j’ai envie d’un livre, d’un objet quelconque, elles me l’offrent. Mais surtout et avant tout, quand j’ai le désir de partager avec eux un sujet de conversation qui m’intéresse, elles m’écoutent et me laissent m’exprimer à mon rythme malgré mes bégaiements ou mes lenteurs. Et pour moi, plus que tout le reste, c’est quelque chose qui m’a toujours manqué et fait souffrir chez Papa et Maman. C’est une source de grande joie et de bonheur que j’ai longtemps craint de ne jamais vivre.
Au quotidien, je suis également entourée de personnes formidables. Que ce soit Sandrine, mon Infirmière-Psychiatre, mon Kinésithérapeute, ma curatrice, les gens que je fréquente dans l’entourage d’Eliane et de Mémé Yvonne, les infirmiers qui viennent à la maison pour mes piqures, mes Médecins, etc., je les ’apprécie tous beaucoup. Ils sont attentifs, se préoccupent de ce que j’aime, de ce que je veux – ou pas -, de mes centres d’intérêts, de mes lectures, des émissions de télévision que j’ai vue. Un échange que je n’ai jamais vécu chez Papa et Maman, existe.
Avant de partager l’existence de Dominique, jamais je n’aurai cru que je pourrais un jour m’émanciper de l’ordinaire que j’ai toujours connu chez Papa et Maman. J’avoue même que j’y avais renoncé. J’étais certaine qu’il n’existerait jamais rien d’autre pour moi. Je n’aurai jamais imaginé que quelqu’un ait la capacité de m’ouvrir les yeux sur d’autres univers que les leurs. Je n’aurai également jamais songé que quelqu’un partage ses passions, ses centres d’intérêts, ses projets, ses rêves, avec moi ; et vice-versa. Jamais je n’aurai espéré qu’un homme accepte mon handicap ou ma maladie, et m’aime malgré tout. Je me suis toujours dit que seuls Papa et Maman m’accepteraient et m’aimeraient telle que je suis. Au fil du temps, jusqu'à ce que je croise la route de Dominique, Papa et Maman ont ancré si profondément cette conviction en moi que j’ai approuvé tout ce qu’ils estimaient bien pour moi. Je n’avais pas d’autre choix que de les croire. Et je n’avais pas la possibilité d’être confrontée à d’autres façons de voir les choses.
Mais, au cours de la dizaine d’années que j’ai vécue aux cotés de Dominique, je me suis rendu compte à quel point je m’étais trompé. Je me suis aussi aperçue à quel point ils avaient eu tort dans un certain nombre de domaines. J’ai constaté qu’ils jugeaient les autres sans jamais se remettre en question eux mêmes auparavant. J’ai découvert qu’il existait d’autres chemins que ceux qu’ils avaient empruntés Papa et Maman. J’ai été amené à côtoyer des personnes aux modes de pensées différents, aux parcours dissemblables. J’ai réalisé une chose primordiale, je crois : les routes que nous empruntons au cours de nos vies n’ont rien à voir avec celles de ceux qui nous ont précédé. Elles ne sont ni simples, ni faciles. D’innombrables épreuves la jalonnent. Les douleurs, les joies, l’amertume, le bonheur, les blessures, les victoires, etc. y sont innombrables. Pourtant, nul ne peut se prévaloir de détenir la meilleure manière de les affronter. C’est à chacun, avec ses moyens, ses possibilités, ses capacités, de les endurer. Personne n’a à faire ces choix à ma place. Sinon, je ne pourrais jamais avoir cette confiance en moi nécessaire pour être une adulte responsable et autonome. Papa et Maman ont pensé que, pour m’éviter les souffrances de l’existence, c’était à eux d’endosser ce rôle. Avec le recul, je me rends compte combien ils se sont trompé. Ils voulaient m’épargner, j’en suis convaincue. Mais cela a été une erreur monumentale qui nous a conduits à la situation dans laquelle nous nous trouvons. Enfin, pour compliquer les choses, ils sont dotés d’une fierté incommensurable les empêchant d’accepter cette Réalité. C’est à eux de s’en accommoder ; ce n’est pas à moi ou à Dominique qu’ils doivent en faire porter la responsabilité.
Aujourd’hui, leur tache est achevée. C’est à moi – accompagnée de Dominique – de reprendre le flambeau. Ils sont amers, tristes, de s’apercevoir que leur fille leur échappe. Ils en veulent à Dominique d’avoir été à l’origine de cette évolution de ma part. Mon handicap ou ma maladie n’ont été que les symptômes de leurs déchirements. Leurs rancœurs envers mon compagnon sont là pour le démontrer. Quand j’y songe, ils sont les principaux responsables de leur souffrance. Tant qu’ils n’auront pas effectué un travail sur eux mêmes pour le reconnaître, puis, pour franchir les barrières derrière lesquelles ils se sont emmurés, je ne pourrai rien pour eux. Je dois vivre ma vie, c’’est une obligation, mieux, une évidence. Tout le reste est secondaire. Et heureuse je suis aux cotés de Dominique, heureuse je veux le rester.




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