L'incomprise

Date 07-01-2014 11:58:52 | Catégorie : Nouvelles


7 h, le réveil sonne. C’est dur, j’aurais bien passé un peu plus de temps au lit. Une petite douche en écoutant la musique et les infos. Mes vêtements attendent sur la chaise de la salle de bain, pas de prise de tête pour trouver le pull qui va aller avec le pantalon, ou les chaussettes assorties au gilet. Maquillage discret, je peux descendre.

En attendant que l’eau pour le thé chauffe, je m’occupe de mon chat :

-Oui Minette, ton yaourt est prêt.

Elle me regarde avec ses grands yeux dorés, elle a toujours l’air de découvrir que nous habitons ensemble ! Elle ne s’approche de sa gamelle que si je m’éloigne un peu, on ne sait jamais s’il me prenait l’envie de la poignarder pendant qu’elle mange… Elle est bizarre de toute façon, un chat qui mange des yaourts c’est curieux.

Il pleut, je me précipite dans le garage et sort la voiture. J’aperçois la voisine qui part pour l’école avec ses trois enfants :

-Bonjour !

Elle me répond d’un signe de tête, la mine un peu renfrognée, elle ne doit pas être bien réveillée, elle a l’air pressée.

Arrivée au collège où je travaille, Karine est déjà là :

-Salut ça va ?

- Ouh là, tu nous fais quoi ce matin ? Il faut aller doucement, j’ai besoin de mettre mon cerveau en route !

-Moi aussi tu sais. Bon qu’est-ce que tu veux que je fasse aujourd’hui ? Des livres à couvrir ? Du rangement ? Je préparerais bien une petite expo sur la guerre de 14, qu’est-ce que tu en penses ?

Karine ne répond pas, elle me regarde bizarrement, un peu comme le chat et la voisine.

-Tu es sûre que tu vas bien ?

- Oui ça va, j’ai de la confiture sur le nez ou quoi ?

- Tu m’inquiètes je t’assure. L’infirmière ne répond pas au téléphone, ne bouge pas je vais la chercher.

- Pour quoi faire ? Je me sens parfaitement bien !


- Ne bouge pas, je te dis, je descends la chercher.

La bibliothèque où nous travaillons est au premier étage, Karine court chercher l’infirmière dont le bureau est au rez-de-chaussée.

Je décide de ne pas l’attendre, je m’éclipse par la petite porte qui donne sur l’escalier extérieur. Je lui expliquerai demain, je n’ai pas trop envie de devenir un sujet d’observation.

Il me faut du pain, je m’arrête à la boulangerie.

-Une baguette bien cuite s’il vous plaît.

La jeune vendeuse éclate de rire.

-Pardon, excusez-moi je n’ai pas compris.

Je répète en articulant ma phrase :

-Une baguette bien cuite s’il vous plaît.

Elle est prise d’un fou rire irrépressible. Elle ne peut même plus parler. Derrière moi, une file s’est formée et les clients se tordent de rire eux aussi.
Je sens la colère rosir mes joues, j’attrape une baguette sur le comptoir, je dépose ma monnaie et je sors.

Je décide d’appeler mon médecin pour avoir un rendez-vous dans la journée. La secrétaire me raccroche au nez après m’avoir fait répéter cinq fois ma demande !
Qu’à cela ne tienne, je vais envoyer un sms. Je tape mon message, mais je me rends compte que quelque chose cloche. Le clavier du téléphone n’est pas adapté aux mots que je veux écrire, certaines lettres ont même disparu, j’ai même le sentiment qu’elles n’ont jamais été présentes dans l’alphabet proposé.

Je commence à prendre peur, que se passe-t-il ? Je décide d’aller aux urgences, Karine avait l’air affolée et elle me connaît bien, j'ai déjà eu un petit problème au cerveau il y a quelques années.

-Bonjour madame, je ne sais pas ce qu’il m’arrive, ça va vous paraître bizarre, mais, j’ai l’impression que les gens autour de moi ne me comprennent plus.

Elle regarde sa collègue.

-Tu comprends ce qu’elle dit ?

- Non je ne sais pas, d’où elle vient celle-là ?

- Du même pays que l’autre à mon avis ! Nous pas comprendre. Vous répéter ?

Mais je les comprends moi, ces idiotes !

Je répète ce que je viens de dire, j’essaie même de l’écrire sur un papier, mais je n’ai pas plus de succès.

Elles me font entrer dans la salle d’attente. Un homme est assis, il me dit :

-Bonjour, vous aussi vous avez un problème pour vous faire comprendre ?

- Oui, vous aussi ? Qu’est-ce qui se passe ? J’ai l’impression d’être dans un pays étranger.

-C’est la même chose pour moi. Je suis comme ça depuis hier, mais, si j’y réfléchis, ça fait un petit moment que j’ai l’impression que mon entourage a du mal à me suivre.

- Maintenant que vous me le dites, j’ai un peu le même sentiment que vous.

Ce type est pas mal, très mignon même, nous nous comprenons parfaitement. Ce langage commun crée même une certaine intimité entre nous.
Nous attendons trois heures avant qu’un médecin n’ait le temps de s’occuper de notre cas. Après des coups de fil à nos familles, et des examens en tous genres, le corps médical décide de nous garder en observation.

Je ne sais pas s’ils trouveront ce qui est détraqué chez nous, mais en tous cas Il me comprend et Je le comprends très très bien. Dès le lendemain, nous nous enfuyons de l’hôpital main dans la main.
FB arielleffe






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