Le bonheur est là

Date 18-04-2014 18:54:47 | Catégorie : Nouvelles


Alphonse roule à toute vitesse sur l’autoroute, il veut battre son record. Il sait qu’après le virage, il y a une longue ligne droite. Il se prépare, il regarde à droite, à gauche, derrière. Il n’y a rien devant. Tous ses sens sont en alerte. Il met les gaz, sa Bandit se cabre comme un cheval, elle répond au doigt et à l’œil cette grosse machine. Il se met en limande derrière le saut de vent, et met la poignée en coin. Le bruit est assourdissant, le paysage ressemble à un film en accéléré de chaque côté du bitume. 130, 200, 250, 280, le guidon ne bouge absolument pas, c’est magique. Ça le prend aux tripes, il a vraiment l’impression de vivre ! Ça dure une minute, voire deux. Il faut ralentir maintenant, la fin de la ligne droite se rapproche tellement vite. Alphonse relâche la pression sur l’accélérateur. La vitesse redescend lentement, il est à 130 km/heure et a l’impression de se traîner. Les limitations de vitesse, quelle bêtise !

Dans le prochain virage, la vitesse ne doit pas dépasser 50, Alphonse se conforme aux indications du panneau. Mais soudain, sa moto dérape sur une nappe d’huile, il glisse pendant un long moment, la moto est complètement couchée par terre. Quand elle s’immobilise il ne sent plus sa jambe.

Alphonse s’est cassé le fémur dans plusieurs endroits, et il a le bassin fracturé. Il se retrouve en rééducation à Granville pour plusieurs semaines. Entre les séances de kiné, les exercices en piscine et les soins à base de produits marins il rencontre d’autres patients.
Clémence est très jolie, elle est grande et très fine. Elle est danseuse classique. Des heures d’exercices ont abîmé l’articulation de sa hanche.
François est un homme politique connu, il a été blessé au bras et à l’épaule lors d’un attentat à la bombe
.
Jean est maçon, il a le dos meurtri après 20 ans passés à construire des maisons.
Et enfin Bernadette. Son bras a gonflé après l’ablation d’un sein touché par le cancer, il faut le rééduquer.

Les cinq amis déjeunent généralement ensemble.
Alphonse est toujours aussi enthousiaste :
- Pour être heureux, je veux tout essayer, ma vie me semble trop courte pour arriver à faire tout ce que j’aimerais expérimenter. J’ai toujours envie d’une nouvelle activité, d’un nouvel objet, d’une nouvelle femme aussi. Au bout d’un moment je me lasse et il me faut de la nouveauté.

- Mais tu ne fais rien à fond, et il te manque toujours quelque chose, répond Clémence. Moi la danse est ma passion et je ne conçois pas de ne la pratiquer qu’à moitié. Il faut tellement de travail pour arriver à la perfection, mon bonheur est de réussir à exécuter un mouvement parfaitement. J’ai une vie saine et je fais de l’exercice.


- Le travail, il n’y a que ça de vrai, acquiesce Jean. J’ai commencé à 16 ans et j’adore mon métier. J’aime la belle ouvrage, un mur bien droit et solide, pas comme mon dos, ajoute-t-il en riant ! La félicité se trouve dans le travail, la satisfaction d’avoir participé à un beau projet, mais il faut faire des choses utiles et pouvoir nourrir sa famille.

- Certainement, dit François, mais le bonheur n’est valable que s’il est partagé. Un individu ne peut pas être complètement heureux s’il vit au milieu de gens désespérés. J’ai choisi mon métier pour pouvoir changer les choses dans mon pays et permettre au plus grand nombre de vivre suivant ses aspirations.
Bernadette est certainement celle qui a la pathologie la plus grave, pourtant elle est étonnamment sereine.
- Tout ce que vous dites est très bien. Profiter de la vie et de tout ce qu’elle propose, avoir une vie saine et disciplinée pour être bien et accomplir de belles choses. Travailler dur, s’occuper de sa famille. Aider les autres. Mais tout cela n’est qu’une illusion du bonheur. Pour moi, le véritable bonheur ne peut pas se trouver sur terre, nous essayons de l’atteindre mais c’est impossible. Seul Dieu est notre véritable salut.

Quelques temps après cette conversation, Bernadette meurt.

Les quatre amis vont à son enterrement.
- Pensez-vous qu’elle a trouvé le bonheur ? Demande Clémence.

- Comment le savoir, répond Alphonse. Je continue de penser qu’il faut profiter de tout ce que nous propose la vie, elle est décidément bien trop courte.


- Elle a au moins la satisfaction de laisser quelque chose à ses enfants, dit Jean.

- C’était une personne généreuse, ajoute François.

Ils regardent par la fenêtre, la pluie tombe toujours, les jardins vont être splendides, l’herbe est d’un joli vert et les framboisiers adorent les arrosages répétés. Le bonheur est peut-être tout simplement là !
FB arielleffe



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