Les obsèques

Date 14-06-2014 11:00:00 | Catégorie : Nouvelles


Un brouillard opaque où s'aperçoivent à peine les dentelles fines de givre blanc, que dessinent les branchages nus des arbres. Les poteaux de bois semblent noirs, sur les fils quelques oiseaux perchés lancent des cris stridents, comme le sifflement que produit le vent, traversant les câbles téléphoniques. La plaine s'étend à perte de vue, uniformément claire, givrée.
Le convoi de fantômes noirs marchant en file, suivant ce triste corbillard, que seules les couronnes et gerbes animent de fleurs, qui dans la journée gèleront. Juste derrière, un vieil homme cassé en deux, s'aidant de sa canne, que deux femmes encore jeunes soutiennent, sous leurs voilettes des yeux rougis par les pleurs incessants. En fin de file deux fillettes chahutent, des éclats cristallins et gais que seuls les enfants produisent. À un bout le début de la vie, à l'autre la fin...

Un triste chien boitant, les croise en sens inverse, allant vers le bourg où d'une ferme nous sentons les relents du fumier chauffant, et la bonne odeur réconfortante de l'étable. La fumée du bois brûlé dans les cheminées exhale des parfums boisés. D'un petit café sortent des éclats de voix, les vitres dégoulinantes de buée font imaginer la chaleur qui y règne, une puissante odeur de tabac d'anis et de café, vous agresse dès l'entrée.
Des hommes de la terre, en bleus de travail, bottes noires de caoutchouc crottées de boue discutent, toussent dans une cacophonie bruyante. Certains jouent aux cartes, aux dés, le convoie funéraire est attendu, ils viendront ici se réchauffer apportant la tristesse et les larmes.

"Il était bien brave l’Émile, c'est point possible, le bon Dieu punit les bons, et ces salauds qui méritent l'enfer, ne souffrent point, ces vaches-là!"

Et patati et patata, les langues de serpents faux sortent de toute part, un chat se chauffe innocent près d'un vieux poêle en fonte,il scrute ahuri ces pantins désarticulés donnant un spectacle.

Il faut mourir pour que les éloges fusent, ce qui était noir devient blanc, seule la mort altère les vivants.



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