Souvenirs d'un concours d'embauche ou comment un rêve va devnir réalité

Date 04-08-2014 14:12:24 | Catégorie : Nouvelles




Mademoiselle poursuit ses études dans son Ecole de Paris, la provinciale dans la capitale ?
Il n’y a rien à dire d’autre : Oui, cette jeune fille est un peu perdue, petite jeune fille alors bien sage, enfin c’est ce qu’elle laisse croire, en tous les cas. Elle n’est pas encore très libérée, vous savez, et habite chez sa grand-mère maternelle, en ces temps-là les parents étaient bien prudents, et la grand-mère bien protectrice, aie, aie, aie ! Si elle avait su ! Ah ! Si Mère Grand avait tout su !

Mademoiselle s’adapte peu à peu à son univers parisien et vient de découvrir, que la Directrice de son école était un ancien « adjudant » de notre compagnie nationale, obsession, obsession, que me veux-tu ? Madame Chef présentait quelques-uns de ses bons éléments à l’examen d’entrée du personnel navigant de La Compagnie Aérienne. Que vous dire ? Notre demoiselle tendit l’oreille afin d’en écouter les conditions d’admission. A l’époque elle n’était pas si dissipée que maintenant et son caractère n’était pas des plus appréciés , parlait peu, et ne communiquait presque pas, pour les personnes qui la connaissent à l'âge adulte, celà peut paraître étonnant : se peut-il que nous parlions de la même personne ? Eh bien, oui, c’était bien elle et une certaine timidité pouvait l’étouffer encore ; il faudra attendre encore quelques semaines avant qu’elle ne prenne de l’assurance.
« L’adjudant » nous annonce le nom des favorites, elle n’en faisait point partie, le rouge montait à ses joues, la colère l’accabla en écoutant le nom de quelques godiches, son sang ne fit qu’un tour, Elle était bien décidée, non, le verdict ne pouvait être définitivement tombé.
Madame connut en deux semaines les motivations qui étaient les siennes, l’acharnement qu’elle mit, à se faire accepter à être convoquée fit, qu’elle fut enfin choisie, elle entend encore pleurer la demoiselle qui dut être évincée ; le mystère reste encore entier, mais son ange gardien l’avait prévenue.

Après quelques solides recommandations sur le comportement à tenir lors de l’entrevue, la tenue vestimentaire à arborer, la coiffure à préférer, le rouge à lèvres discret (je n’y comprend rien, enfin ! ) le Jour J arriva. Il n’était plus question de reculer, il fallait laisser sa timidité au vestiaire et ne penser qu’aux merveilleuses traversées à venir et aux regards langoureux de ces messieurs. Ah, quel bonheur d’être regardée par un œil masculin !

Mademoiselle provinciale portait en ce jour du 22 novembre 1972 (elle a alors 20 ans, le bel âge) un petit tailleur vert amande, rien de très excitant, bien comme il faut, comme le dirait sa maman. Le chignon, du plus bel effet, (elle s’est rendue chez un grand coiffeur), lui donnait un air de jeune femme d’affaires, les mains soignées, le maquillage léger, Mademoiselle était parée pour l’aventure de l’entretien d’embauche.
Le chemin lui semblait bien long pour arriver dans cette Tour Maine Montparnasse qui abritait le Saint des Saints. Les couloirs de métro n’en finissaient plus de s’attaquer à son maquillage, non, se dit-elle, elle ne céderait pas à l’énervement !
La Tour affiche enfin ses étages, l’entrée magique se profile enfin, le bureau où il faut montrer patte blanche semble tout à coup être un puissant obstacle, un adversaire.

Elle ne cède pas à la panique et dévoile son identité ; elle jette un bref coup d’œil, enfin pas si bref que cela, sur les autres candidates : quelle ne fut sa surprise ! Elles étaient toutes superbes, telles des mannequins en quête de contrat. Elles n’arboraient pas,……elles, ce côté provincial qui lui collait aux basques ; elles semblaient évoluer légèrement dans cette atmosphère qui lui pesait tant ! Rien ne semblait les atteindre, elles échangèrent quelques mots, elles affichaient une assurance qui l’épatait. Que vous dire si ce n’est que le moral n’y était plus !
Elle décida alors de ne plus les regarder, de ne plus les écouter et d’attendre que son nom soit appelé.

Mais au fait en quoi consistait cet examen ? Comment le jury allait –il les piéger, comment le jury allait-il donner le feu vert à celles qui allaient être engagées sur la scène de l’Avion, celles qui allaient décrocher le Rôle. ?


Toutes les candidates furent invitées à passer dans une salle et s’installer à une table individuelle où, elles devraient dévoiler leur culture à l’aide de questionnaires très pointus ; elle avait ses chances, ses parents lui ont inculqué une certaine éducation qui comprenait la connaissance de toutes les sciences et arts sans parler des usages, connaissance qui devaient, disaient-ils, faire d’elle une bonne épouse. Le test de culture générale terminé, elle fut légèrement rassérénée. Elle était enfin prête pour quelconque adversité.
Puis son nom fut épelé, et fut conviée à s’installer dans une salle où trois messieurs fort sérieux, l’invitèrent à leur livrer ses motivations, et leur raconter en quelques minutes..... sa vie.
Comment une vie de petite provinciale pouvait intéresser ces messieurs à l’œil légèrement « lubrique »? Croyez-vous que le sujet les intéressait ? Non ! Ce qui les passionnait pour l’heure, se cantonnait au croisement de ses jambes, à sa bouche qu’ils fixaient, à son joli tailleur qu’elle découvrit, à l’instant même, un peu moulant, elle n’était tout à coup plus maîtresse de ses mouvements, elle tremblait, le maquillage l’interpellait à nouveau, comment allait-elle s’en sortir ? Au fil des minutes qui lui paraissaient des heures, Mademoiselle se livra, rendez-vous compte !

La tâche lui pesait, dans sa famille, la parole est rare, les sentiments personnels ne se donnent pas ainsi, il n’est pas bon de s’épancher, dans ces familles comme la sienne.
Après avoir réfléchi, tout en leur parlant, Mademoiselle se dit que c’était pour la bonne cause, alors ses mots, ses paroles devinrent très vite un flux incessant d’anecdotes tirées de sa courte vie d’adolescente désireuse de devenir enfin Dame de l’Air. De l’air elle commença à en manquer, mais l’ange veilla encore et nos trois messieurs, ayant fait le tour enfin, de sa jeune personne, lui donnèrent « l’absolution », Ouf, se dit- elle ! Car elle commençait à être intime dans ses propos, la pauvre ! Si elle avait eu connaissance de ce que vraiment ils voulaient !

Mademoiselle, enfin libérée, prit quelque repos bien mérité, l’espace d’un café ; elle scruta quelques-unes de ses congénères, et découvrit que les trois hommes avaient, chez elles, également frappé. La pitié n’était pas de mise, chacun pour soi et le combat serait de part et d’autre égal.

Une troisième épreuve l’attendait, le test de tangue, le plus dur, à ses yeux. Une dame, très anglaise, vint la chercher, sans doute ne connaissait-elle pas un des secrets de réussite dans le fabuleux métier de navigante, elle ne souriait pas, tant pis pour elle, aucun homme ne la regardera, comment le pourrait-il, cet homme, elle était moche, si, si ! La question n’était pas à l’ordre du jour, il fallait seulement la convaincre que Mademoiselle savait tenir une conversation en anglais, une mince affaire !
Elle s’installa, à l’endroit désigné par la « Beauté », elles échangèrent une conversation qui devint au fil des minutes plus attrayante que la physionomie de l’interlocutrice, au bout de quinze à vingt minutes, et après l’avoir remerciée tout en lui souriant, mais oui ! Tout arrive ! , Mademoiselle sortit de cette salle si impressionnante au demeurant et qui en fait lui a procuré une certaine satisfaction, il fallait attendre le résultat, bien sûr !

Les heures s’égrenèrent et vint le moment de l’attente insupportable des résultats.

Les candidates avaient, en fin d’après-midi, oublier leur assurance du matin, elles semblaient inquiètes, sûres de leurs défaillances au cours des différentes épreuves. Mademoiselle et ses camarades de jeu oublièrent leurs soucis et attendirent « calmement » la décision magique au coin d’une table accueillante décorée par un délicieux diabolo menthe (une boisson préférée du moment)


Cinq heures sonnèrent à l’église du quartier, elles allaient enfin savoir, elles allèrent enfin pouvoir… ?…..

Ultime épreuve, la montée de l’escalator vers le panneau d’affichage des noms choisis, des futures stars de l’aviation commerciale ; Mademoiselle s’achemine doucement, très doucement vers le panneau qui sera peut-être bienfaiteur, elle en doute et se remémore toutes les erreurs de la journée : « Là, j’ai fait une grossière erreur, là aussi, Cà y est, c’est foutu, envolés les rêves d’enfant précoce ! » se dit-elle
Une jeune femme vint alors agrafer la liste magique, et tout à coup Mademoiselle ne sut plus comment elle s’appelait, et laissa les autres candidates regarder la liste ; certaines pleuraient et d’autres sautèrent de joie ; elle se décida enfin à regarder, après tout, la vie n’allait pas s’arrêter parce qu’elle ne serait pas la diva des airs ; A…..C…….F……H .H…H….O….S…. Victoire, elle regarde encore… Est-ce possible … ? Est-elle ivre ? Son nom s’affiche. Non ? Elle ne l’était pas, Oui, elle irait évoluer dans les cabines feutrées, il fallait maintenant faire honneur à la dame au chignon banane de son enfance, lui prouver que son message était bien enregistré.


Mademoiselle folle de joie, intérieurement, souvenez-vous, son père lui avait enseigné de ne pas montrer ses sentiments rejoignit les siens qui attendaient impatiemment la Nouvelle ; elle resta très calme mais afficha une certaine joie, un de ses rêves va se réaliser, elle a seulement 20 ans.

Mademoiselle se déshabille et enlève la parure de l’embauche, elle s’endort et songe aux multiples traversées à venir, à ces messieurs, à tous ces passagers qui ne manqueront pas d’admirer son sourire, sa coiffure, ses jambes, les siennes ne sont pas galbées, tant pis.

Le jour se lève à nouveau, Mademoiselle s’en retourne terminer la deuxième année de l’Ecole merveilleuse qui a su lui offrir ce merveilleux cadeau.


Son rêve va enfin devenir réalité





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