Détective Trask – Épisode 2 – Le cri

Date 16-05-2012 23:10:00 | Catégorie : Nouvelles


Détective Trask – Épisode 2 – Le cri
Détective Allan Trask roulait tranquillement sur l’avenue Grande-Côte. Il se dirigeait vers la ville de Rosemère, dans le quartier huppé en particulier. Ce quartier était réputé pour avoir comme résidents de grands noms, tels que la famille Mathers et Céline Dion. Mais il ne s’y dirigeait pas pour des raisons touristiques. Il s’y rendait pour visiter la résidence des prospères Castonguay. Le détective profita de la lente conduite pour réfléchir de sa première rencontre avec sa cliente. Il pensa à l’enquête policière bâclée. Il réfléchissait au présumé suicide de M. Castonguay, lui qui n’était pas du tout dépressif. En ayant vu l’état de Mme Castonguay, il s’était dit qu’il devait l’aider, même si c’était pour lui donner le même résultat que les autorités.

Quoique le détective avait hâte d’être arrivé, il ne se dépêchait pas. Il connaissait bien les policiers de la région, et il savait qu’ils étaient les champions des contraventions. Valait mieux ne pas tenter sa chance. Après quelques minutes, il quitta la banalité de Boisbriand pour tomber dans l’opulence de Rosemère. Il continua à conduire lentement, mais cette fois-ci parce qu’il admirait la majesté des maisons et des manoirs. Ce fut évidemment la fin de ce spectacle quand il vit la demeure des Castonguay. Il ignorait si c’était depuis le drame, mais la sécurité était très renforcée. Grille et caméras à l’entrée, garde et chien sur le terrain. On se serait cru chez un président de contrée. Trask se gara devant la grille et baissa sa fenêtre. Une voix crissait dans les airs : « Qui êtes-vous? » « Je suis le détective Allan Trask. Mme Castonguay et moi avons rendez-vous. » La grille s’ouvrit comme réponse.

De là, il put voir toute la splendeur du domaine. Des jardins magnifiques, de multiples fontaines, un système de lumières à faire pâlir une ville, tout sentait l’argent. Beaucoup de sculptures, dont certaines très étranges. Beaucoup représentaient des créatures mi-homme mi-animal, d’autres étaient des créatures méconnaissables. Une sculpture était plus grande que les autres. Elle représentait le génome humain. Elle était au milieu de tout. Comme si on la vénérait.

Une force inconnue l’attirait vers elle. Mais ce n’était pas le moment. « On ira voir cela plus tard. », se dit-il. Il était maintenant temps de sortir de la voiture. Deux gardes partirent à sa rencontre. Par rapport à lui, ils étaient géants. Trask ressentait qu’il aurait été facile de les duper. Un des deux Goliaths d’une voix grave parla : « Vos papiers, je vous prie. » Trask obtempéra. Pendant que le premier faisait ses comparaisons avec la photo, l’autre mastodonte lui fit une fouille. « On ne blague vraiment pas! » pensa le détective.

Les malabars le libérèrent enfin et il put se diriger à la grande porte. Il vit un domestique qui y était déjà. Il l’attendait. Trask alla se présenter en lui montrant la main. Ce geste n’était pas que de courtoisie. Trask avait l’habitude de le faire pour ausculter l’esprit des gens grâce à son don. Il vit tout de suite, une fatigue profonde, mais très bien cachée par un grand professionnalisme. Il vit également une grande amitié pour le couple dont il était l’employé. Il était inquiet pour Mme Castonguay. Malheureusement, le domestique lui lacha la main et il perdit le contact. Le domestique dit d’une façon solennelle :

— Enchanté de vous connaitre, Monsieur Trask. Je suis Gustave Leloup, domestique en chef de la maison. J’ai le malheur de vous dire que Mme Castonguay sera en retard. Elle m’a sommé d’être votre guide pendant votre enquête. Mais avant, puis-je offrir à monsieur à boire?
— J’accepterais bien de boire un thé avec vous, car j’aurais quelques questions avant de commencer.
— Veuillez me suivre, je vous prie.

L’intérieur équivalait à l’extérieur. Les excès se voyaient à chaque recoin. Une photo de famille contrastait par sa simplicité dans tout ce brouhaha de richesse. On pouvait voir toute la famille Castonguay, heureux et unis. M. Leloup amena Trask au salon. De nombreux fauteuils, des jeux de table démontraient qu’ils avaient reçu beaucoup de gens dans le passé. Le domestique l’invita à s’asseoir, ce que fit Trask. Le domestique arriva quelques minutes après avec le thé.

— Toute une sécurité que vous avez là! – s’exclama Trask.
— Oui, il en est ainsi depuis la mort de Monsieur.
— Que pensez-vous de cela?
— On pourrait voir cela comme excessif, mais si cela peut rassurer Madame…

Trask prit cette occasion pour en savoir plus :

— Votre langage corporel me dit que vous n’approuvez pas.
— Ça se voit à ce point? – demanda anxieusement le majordome.
— Seulement par un œil expert tel que moi. Ne vous en faites pas, tout cela va rester entre nous.
— D’accord. Ne voyez pas de l’irrespect de ma part, car j’aime mes employeurs. Mais depuis la mort de Monsieur, Mme Castonguay est devenue… quelque peu paranoïaque.

Trask sentait le malaise profond de Leloup. Il voyait bien qu’il n’avait pas l’habitude de s’exprimer au-delà de ce que son professionnalisme lui permettait. Trask tenta de le mettre à l’aise.

— Ne vous en faites pas, je ne suis pas ici pour vous juger. Après tout, Mme Castonguay est ma cliente, et je suis là pour l’aider. Dites-moi, pourquoi pensez-vous qu’elle devient paranoïaque?
— Et bien, voilà, sans compter la sécurité exagérée, elle croit qu’on en veut à sa vie. Elle croit qu’il y a un complot qui fomente contre elle et la compagnie. Elle m’a aussi avoué qu’elle se sentait étroitement surveillée.
— Vous a-t-elle dit pourquoi elle croit qu’il y a un complot contre elle et la compagnie?
— Elle m’avait dit qu’elle l’ignorait encore, mais qu’elle allait le savoir. J’imagine que c’est une des raisons qu’elle vous a engagées.
— Elle m’a surtout engagé pour enquêter sur la mort de son mari, mais cela est effectivement relié, du moins dans son esprit. Croyez-vous que ce soit vraiment un complot qui est causé la mort de votre patron?
— Pour être honnête, là-dessus, je suis d’accord avec Madame. Ce qui s’est passé cette nuit était bizarre. En particulier, le fait que les policiers n’ont pas pris mon témoignage dans leur enquête, alors que c’est moi qui aie découvert le corps.
— C’est très étrange en effet. Permettez-moi donc de faire ce que les policiers n’ont pas su faire. J’aimerais bien que vous me contiez ce qui s’est passé dans cette soirée.
— Avec plaisir. C’était d’abord une soirée ordinaire. Madame était sortie à une soirée de bridge et Monsieur travaillait à son bureau comme à son habitude. Je me reposais un peu dans ma chambre, quand j’entendis Monsieur crier. Il criait comme si on le torturait. J’ai couru vers son bureau. Et je l’ai retrouvé mort avec un fusil dans les mains. Je n’ai pas perdu de temps et j’ai appelé la police.
« Il avait crié… » Pensa Trask. « Un suicidé n’a pas l’habitude de crier à la mort avant de passer à l’acte. » - réfléchissait-il.
— Est-ce que M. Castonguay affichait des signes de désespoir avant son présumé suicide?
— Au contraire. D’après ce que je pouvais voir, il travaillait sur un projet qui l’emballait plus particulièrement.
— Quel était ce projet?
— Malheureusement, je l’ignore, je respecte la confidentialité de mes patrons.
— Lui connaissiez-vous des ennemis?
— Il en avait sûrement. Mais aucun ne s’est déclaré à ma connaissance. Vous savez, un homme puissant tel que lui…
— Évidemment. Je crois que ce sera tout pour l’instant, j’aimerais bien voir la scène du drame si c’est possible.
— Bien sûr, suivez-moi. Serait-ce possible que je ne sois pas présent pendant que vous allez dans cette pièce. Je ne me sens pas très à l’aise d’y être, surtout dans l’état dans laquelle elle se trouve.
— Dans quel état se trouve-t-elle?
— Mme Castonguay nous a expressément demandé de ne pas toucher à cette pièce tant et aussi longtemps que l’affaire ne sera pas résolue. Il y a donc encore du sang. L’odeur y est aussi très désagréable. Je vous conseille de prendre un mouchoir.
— Merci du conseil. Je veux bien être seul dans la pièce. Comment puis-je vous recontacter dès que j’en ai terminé?
— Il y a un interphone sur le bureau. Utilisez-le.
— Excellent.

Le majordome l’amena au 2e étage. En s’accotant sur la barre d’escalier, Trask perçut quelque chose. Il vit une bonne en train de nettoyer des bibelots à côté de l’escalier et un homme étrange ouvrir la porte d’entrée. L’homme marcha à pas très lent comme s’il ne voulait pas se faire voir. Ce qui était étrange ce qu’il était au beau milieu de la pièce principale et la bonne ne semble pas du tout le voir, comme s’il lui était invisible. L’homme était habillé tout de noir et portait des lunettes fumées. Il avait des cheveux blonds presque dorés et avait une petite stature. L’homme continua de monter à pas de chat l’escalier pour aller vers le 2e étage, bien qu’il passait en pleine vision de la femme, elle ne réagit pas comme si rien ne se passait. L’image disparut aussitôt que l’homme avait atteint l’étage suivant.

Le domestique remarqua que Trask s’était arrêté. Il lui demanda : « Tout va bien, monsieur? » « Oui, oui, tout va bien. Seulement une pensée qui me passa par l’esprit. On peut continuer. » Le majordome n’en fit pas de cas. Et l’amena devant la pièce : « Voilà, c’est ici. Je m’excuse à l’avance de l’état des lieux. » Le majordome salua cordialement le détective et quitta l'endroit.

Il tardait au détective de voir ce que les objets avaient à lui dire. Il commença par la porte. Une surprise l’attendait. Quelque chose qui ne lui était jamais arrivé. La porte ne lui disait rien. Comme si l'on avait enlevé sa mémoire. Cela avait complètement déboussolé le détective : « Comment est-ce possible? Mais qu’est-ce qui se passe? Tout cela lui fit prendre conscience que quelque chose n'allait pas. Les objets dans la pièce étaient tous muets. Comme si on leur avait donné l’Omerta. Une chose est sûre, le domestique n’avait pas exagéré. La pièce en entier était poussiéreuse, comme si on l’avait abandonnée depuis des années. Une odeur de mort régnait, mais son odorat devait être moins développé que le majordome, car il était capable de la soutenir. On pouvait même voir les taches de sang sur le plancher.

Il en était d’ailleurs rendu à les ausculter… à sa façon. Il les toucha, mais cette fois-ci, il reçut quelque chose. Il n'eut rien sur la soirée fatidique. Par contre, on aurait dit qu’on avait trafiqué la mémoire de la tache de sang. Il voyait que M. Castonguay parlait à un homme, mais le visage de l’homme était flou. Il ne put qu’entendre que la fin de la conversation :

— Nous sommes très satisfaits des résultats, M. Castonguay.
— Moi de même. Il me tarde de dévoiler au public la conclusion du projet Verseau.
— Pas avant que l’on en ait décidé. Patience vaut mieux que force ni rage. Dois-je vous rappeler notre entente?
— Je m’en souviens. Je m’en souviens.
— Cela vaut mieux pour vous.

Et puis plus rien. « A-t-on tué Castonguay pour le faire taire? » Après cette réflexion, le regard du détective se tourna vers la chaise. Quelque chose lui disait qu’il fallait qu’il l’ausculte. Il n’attendit pas et s’assis dessus. Une sensation forte l’atteignait. Il n'était ni plus ni moins à la place de M. Castonguay. Tout était flou autour de lui. Il avait le fusil sur la tempe et luttait contre lui-même pour ne pas appuyer sur la gâchette. L’effort était tel que l’esprit même de Castonguay vécût de la douleur. Et puis, à bout de force, le doigt accrocha la gâchette.

…

La porte s’ouvrit avec fracas. Il y avait Mme Castonguay et le domestique visiblement paniqués. Trask se réveilla, il eut l’impression d’être sorti d’un cauchemar. Jamais son don ne l’avait autant impliqué. Il était par terre visiblement en sueur. Mme Castonguay s’époumona : « Mais que vous est-il arrivé? Vous criez comme si on vous tuait! » Trask ne répondit pas tout de suite. Il devait réfléchir à ce qui lui était arrivé.

Il dut en venir à la conclusion qu’il n’était plus le seul.




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