Passion Morbide

Date 25-10-2014 18:20:00 | Catégorie : Essais confirmés


Ce texte est extrait d'un de mes romans jamais terminé. Une petite étude de caractères qui vaut peut-être la peine pour la peine qu'elle me donna..

Philip Edwards avait fait la connaissance d'Edwina dans le salon de thé de la rue de Lousym, rue perpendiculaire à Main street. Il pleuvait ce jour-là. Une de ces pluies torrentielles et subites qui transforment les rues en fleuves. Il s'était réfugié sous une porte cochère, au milieu de piétons bavards qui n'en finissaient pas de donner leur opinion du riche tableau qu'offrait l’immense pluie. Le jeune homme finalement, se sentit fatigué. De l'autre côté de la rue, se trouvait le French Tea Room. Il traversa en courant afin d'aller s'y abriter, espérant également pouvoir y déguster un café. Malheureusement, un essaim de piétons avait eu la même idée et avait déjà envahi le salon de thé. Il allait donc quitter l’établissement lorsqu'il aperçut Edwina, assise dans un coin, à une petite table.
Philip crut percevoir en cette inconnue une chaste et charmante personne. Cette fausse perception fut encouragée par Edwina, femme dont la supériorité consistait à faire croire aux hommes ce qu'ils voulaient bien imaginer. Elle possédait, de plus, l’art savant et cruel d’attirer les amoureux timides, et savait prétendre accepter leurs avances maladroites avec une grâce encourageante. Il la crut être une personne que l’on aime avec des mots enflammés plutôt qu’avec des caresses.
Edwina était sensuelle et possédait une beauté séduisante. Mais à travers le filtre de son regard innocent passait un air moins sage. Philip était perspicace, et son instinct l’eût peut-être mis en garde s’il n’avait été déjà trop tard ! Il avait entendu la voix de cette femme lorsqu'elle parlait à la serveuse, et n’en pouvait pas secouer le charme. C'était une voix argentée, douce à l'oreille, une voix que toute femme calculatrice désire posséder afin de tromper à son aise.
Philip, enchanté, ne devina guère que la figure de la jeune femme cachait des pensées corrompues et que sous son front pur, d'épouvantables pulsions faisaient battre ses tempes. Il lui demanda la permission de partager sa table. Elle accepta gracieusement. Ils bavardèrent joyeusement, riant comme s'ils chantaient sous la pluie. Ils firent ainsi plus ample connaissance. Toutefois, c'était lui qui parlait, elle, l'écoutait avec une attention professionnelle. Il s'étourdit de mots au rythme de la pluie battante. Sous l'orage, il vit en cette rencontre, une aventure. Il se monta la tête, ou, comme on dit, se monta en bateau. Bref, il tomba amoureux et quand la foudre passait près d'eux, il voyait sous ses yeux, naître un arc-en-ciel.
La pluie cessa soudainement. Edwina lui dit, sur un ton inimitable :
« Savez-vous une chose ? Vous me plaisez ! »
Philip allait lui répondre, lorsqu'elle ajouta avec espièglerie :
« En second lieu, je dois y réfléchir ! »
Cela finit de conquérir Philip, malheureuse victime de ses propres sentiments qu’il croyait faussement lire dans le cœur de l’autre. Il lui proposa de la raccompagner chez elle. Elle accepta. Un peu plus tard, elle accepta de l'épouser.
Le mariage ne fut pas bien différent de ceux que l'on rencontre à notre époque. Philip, privé d'affection aux sombres heures de sa jeunesse, n'offrit aucune résistance aux désirs d'Edwina. Il se laissa ravager par la passion de son épouse. Parce qu'il aimait, il se croyait aimé. Toutes ses forces se concentraient avec tant de promptitude sur la femme dont il était épris qu'il capturait de délicieuses sensations en n'en recevant aucune. Ce triste malentendu, finit par lasser Edwina qui ne tarda pas à s'échapper de cette " molle passion ". Elle trompa son époux. Ce dernier mit du temps à s'en apercevoir. Quand il découvrit la conduite de sa femme, il l'ignora. Il ne désirait pas se priver de son amour, cette fleur inespérée qu'il avait respirée par un beau jour de pluie. Edwina ne sachant pas " qu'il savait " ne trouvait pas d'excuse pour ne pas remplir son devoir conjugal. De son côté, Philip ne l'aima plus religieusement. Ayant fini par découvrir un monde de nouvelles sensations physiques, il perdit sa honte, et, ironiquement dans son malheur, connut un certain bonheur.
Quand ils étaient au lit, enhardi par le droit que lui conférait la trahison de sa femme, il exprimait d'un léger signe de tête ce qu'il désirait qu'elle fît. Il ne convoitait plus que cela : la bouche impie de cette femme perfide. Cette bouche qui lui avait souri, cette bouche dont la voix l'avait ravi pour le trahir, cette bouche, il la voulait voir maintenant avaler toute la substance amère dont il était empli et dont elle avait été la source. Edwina se résignait, lui montrant de l'intérêt pour préserver le sien. Ainsi Philip prit son plaisir et sa revanche. Mais peu à peu Edwina se douta, sinon de la vérité, du moins d'une fourberie de la part de son mari. N'osant toujours pas refuser ses avances, elle devenait grossière. Chaque fois qu'il faisait le geste indigne qu'elle haïssait, elle mettait du temps à le satisfaire, utilisant entre-temps des expressions vulgaires qui auraient fait rougir une putain. Ces calomnies ne troublaient pas la tranquillité de Philip qui avait totalement perdu sa timidité, ses croyances et sa fierté. Il jouissait de son malheureux bonheur. Aimer sans espoir, être dégoûté de la vie rend l'homme moins ambitieux dans ses sentiments. Philip, contenté, était donc content. Hélas, si Edwina avait l'âme d'une prostituée, elle n'avait guère la patience qui lui permît de continuer à servir un homme sans jamais rien obtenir de lui en échange, que l'argent qu’il lui jetait. Elle décida donc de lui fermer la porte de sa chambre même si cela signifiait devoir lui avouer ses infidélités.
Une trahison ne se confesse pas, elle se crie, on la jette à la figure, on la pavane, on en est fier. Edwina en donna une parfaite rendition.
« Oui ! Oui ! Oui ! Et oui ! Je te trompe ! Et alors ? Tu crois sincèrement que tu peux me satisfaire ? Fous-moi le camp ! Je ne veux plus que tu me touches ! Tu crois que je suis une pute mais toi tu es pire ! Tu es un con ! Tu me dégoûtes ! Pauv' type ! Tu es nul ! Vas-y ! Déguerpis ! Tu me fais vomir. Sors d'ici ! Sors ! Dégage ! Fous le camp... »
Philip refoula son désespoir dans les profondeurs de son être. Il jeta un regard empli d’aversion à la femme qui portait son nom.




Cet article provient de L'ORée des Rêves votre site pour lire écrire publier poèmes nouvelles en ligne
http://www.loree-des-reves.com

L'url pour cet article est :
http://www.loree-des-reves.com/modules/xnews/article.php?storyid=5113