Quel fardeau que mon corps :

Date 12-12-2014 15:43:09 | Catégorie : Essais confirmés


Je déteste mon corps. Je le maudit parfois. Depuis que je suis enfant, celui-ci n'a été que source d'embarras et de souffrance. Je suis régulièrement la proie de crises de convulsions ; elles ne durent que quelques minutes, mais sont très douloureuses. Dans ce cas, il me suffit de m'asseoir un moment, de me détendre en attendant que ma jambe droite ne soit plus secouée de spasmes, que l'étrange sensation qui envahit le bas de mon visage disparaisse. Ces crises peuvent apparaître à n'importe quel moment, de jour comme de nuit. Parfois, j'en ai une par mois environ, d'autres fois, elles peuvent se suivre à quelques jours ou à quelques heures de distance. Cela dépend aussi de mon état d'anxiété, de stress. Mais cela dépend surtout de la maladie dont je suis le porteur.

Comme je l'ai déjà évoqué dans plusieurs textes plus ou moins récents, je suis né avec une tache de naissance s'étendant de mon front jusqu’à l’arête de mon nez gauche. Celle-ci enveloppe mon œil gauche et un fragment de ma joue gauche. Dans les années 1990, j'ai subi une bonne dizaine d'opérations de chirurgie esthétique afin d'en effacer la plus grande partie. Aujourd'hui, si ce n'est quelques cicatrices, cette dernière a pratiquement totalement disparu.
Malheureusement, cette tache n'est que la partie visible de ce mal. En fait, celle-ci se situe davantage à l'intérieur de mon crane qu'a l'extérieur. Elle se compose de milliers - de millions ? - de veinules agglomérées imbriquées anarchiquement à mon cerveau. Et cette "éponge" qu'elles constituent appuient légèrement sur ce dernier. De fait, parfois, surgissent des interactions entre ces deux masses, qui entraînent donc des crises de convulsions. C'est aussi à cause de ce phénomène que j'ai fait de graves crises de convulsions à l'age de six mois, qui m'ont paralysé sur l'ensemble du coté droit de mon corps. Et que j'ai débuté des séances de kinésithérapie intensive.

De fait, durant toute mon enfance et mon adolescence, à raison de trois séances de kinésithérapie, j'ai réussi à récupérer environ 80 % de la motricité de ma jambe et de mon bras droit. Malgré tout, lorsque je suis fatigué, je me mets à boiter, à trébucher parfois. Quant à ma main droite, je ne suis pas aussi habile avec, qu'avec ma main gauche. Mes doigts y sont légèrement atrophiés, et possèdent une force musculaire moins grande que l'autre. Ces deux particularités me rendent assez maladroit au quotidien, et me rend très malheureux.

Il est tout de même vrai que, comparé à mon enfance et à mon adolescence, j'ai énormément progressé. Car j'ai effectué de nombreux séjours à l’hôpital durant cette période de ma vie. Il faut dire que les crises de convulsions qui me paralysaient alors, étaient beaucoup plus graves. Elles m'immobilisaient durant des semaines ; comme si je traînais un poids mort avec moi. J'étais statufié sur l'ensemble de mon coté droit ; et je devais rester au lit, à l’hôpital, sous perfusion, pendant deux à trois semaines. C'est pour cette raison que j'ai manqué l'essentiel de deux années scolaires ; le CM2 et la cinquième si mes souvenirs sont exacts.

Dès lors, et progressivement, du fait des maladresses continuelles qui étaient les miennes, de la sensation de ne pas être en adéquation avec les capacités physiques qu'un être humain "normal" est susceptible d'accomplir, du fait des moqueries dont j'étais continuellement l'objet tout le long de ma scolarité, je me suis mis a ne pas aimer mon corps. Quel plaisir pouvais-je en retirer, alors que j'étais incapable d'avoir la même adresse manuelle que les autres.

Ma mère a beau eu me pousser pour dépasser mes insuffisances - ce dont je lui suis redevable, car je n'aurai pas réussi a franchir un certain nombre d'obstacles sinon -, je voyais bien que mes possibilités étaient limitées. Ma mère a essayé de me faire aimer le sport : monitrice d'équitation, elle a cru que m'initier a cette discipline m'aiderait à trouver un certain équilibre physique et moral. Il faut bien avouer que, dès son plus jeune age, ma sœur est devenue aussi passionnée que ma mère pour l’Équitation ; au point qu'aujourd'hui, elle en a fait son métier. Mais, pour ma part, c'est tout le contraire qui s'est produit. M'adonner à ce sport, puis, par extension, à tous les autres sports en général, est devenu une véritable torture, autant physique que mentale. Combien de crises de larmes ai-je eue chaque mercredi après-midi, alors que ma mère, bien obligée de m'emmener avec elle - elle ne pouvait pas me laisser seul à la maison ! -, me contraignait à la suivre. J'en ai gardé de profondes séquelles et suis très vite profondément malheureux à chaque fois que l'on me demandait de participer à une activité physique quelconque. Aussitôt, j'en avais les larmes aux yeux, une mélancolie s'emparait de moi, j'avais la bouche pâteuse. J'avais l'impression que l'on me demandait quelque chose d'insurmontable, qui est bientôt devenu quelque chose d'insupportable, de détestable.

C'est toujours le cas à l'heure actuelle, et avec encore plus de virulence que lors de mon enfance et de mon adolescence. J'ai souvent l'impression que mon corps se joue de moi, se rit de moi. Lorsque des objets m'échappent alors que je concentre toute mon attention pour ne pas faire de maladresse, pour ne pas trébucher, pour ne pas trembler de nervosité ou de crainte, et que, malgré tout, je ne parviens pas à contrôler certains de mes mouvements !!! Je pleure, je crie, je me maudis, je m'en veux d’être comme je suis, de ne pas être capable de dépasser mes insuffisances. Combien de crises de nerfs ai-je vécu ? Des dizaines, des centaines ? Et à chaque fois, j'en ressors épuisé nerveusement, mentalement, physiquement. Lorsque mon corps m'échappe lors de mes crises de convulsions - heureusement, avec les médicaments que je prends depuis des années, celles-ci ne durent plus que quelques minutes, contrairement aux semaines d'immobilisation durant ma jeunesse -, j'enrage. J'aimerai pouvoir m'échapper de ce corps et n’être que pur esprit, que pur intellect. Car ces aspects de ma personne sont mes seuls refuges, mes seuls moyens de dépasser mes incapacités. Avec le temps, j'ai réalisé que c'était pour moi le seul moyen d'espérer user des compétences dont je suis doté avec un maximum d'efficacité. Si je lis, aussi, c'est pour échapper à ces contraintes physiques qui handicapent et me rendent malheureux. Si j'écris, c'est parce que je n'ai que ce moyen pour montrer aux autres ce dont je suis capable, ce qui fais partie de moi, viscéralement, pleinement. Je ne peux pas m'accomplir par des moyens manuels - je n'en n'ai pas envie qui plus est car j'ai compris que je ne serai jamais reconnu dans ce domaine, que je ne pourrais jamais m'y épanouir. De fait, c'est par l'écrit, la pensée, l'imaginaire, que je m'accomplis, que les gens qui m'aiment peuvent me voir tel que je suis réellement. C'est par mes récits, mes poèmes, mes histoires, mes réflexions personnelles ou philosophiques que je me dévoile. C'est en les creusant, en s'y intéressant en profondeur, avec curiosité, ouverture d'esprit, tolérance, que ceux et celles qui veulent me connaître auront la possibilité d'accomplir ce voyage vers d'autres lieux, en d'autres temps, auquel je les convie en permanence...



Cet article provient de L'ORée des Rêves votre site pour lire écrire publier poèmes nouvelles en ligne
http://www.loree-des-reves.com

L'url pour cet article est :
http://www.loree-des-reves.com/modules/xnews/article.php?storyid=5348